Par Ahmed Halli [email protected] Si Wikileaks est un mal, comme l'affirment trop vite certains dirigeants politiques d'Occident, d'Orient et d'Afrique, c'est un mal n�cessaire, parce qu'il r�v�le au grand public des informations qu'il n'est pas admis � consulter, sauf � attendre les deux ou trois prochaines g�n�rations. Ce qui rend l'attente aussi intol�rable qu'impossible pour des �tres humains qui n'ont pas l'�ternit� devant eux. De ce point de vue, h�las, ce sont tr�s souvent les historiens qui prononcent la sentence diff�r�e contre les dirigeants incomp�tents et/ou tyranniques, du moins en ce qui nous concerne, nous peuples dits du Tiers-Monde. Dans les d�mocraties occidentales, l'Histoire et les historiens vont beaucoup plus vite : les chenapans sont souvent d�masqu�s de leur vivant, m�me si une certaine impunit� leur est assur�e. C'est pour cela que ce site, avec ses r�v�lations plus ou moins authentiques sur les notes diplomatiques am�ricaines, est une b�n�diction pour les morts de faim, au propre et au figur�, que nous sommes. Non pas qu'il faille pr�ter une confiance aveugle � la diplomatie am�ricaine qui a souvent r�v�l� des failles et des erreurs d'appr�ciation d�sastreuses. Mais parce que les rapports et d�p�ches des ambassades am�ricaines nous en disent souvent assez, pas trop quand m�me, sur le v�ritable �tat des relations entre Washington et les autres pays de la plan�te. Prenons le cas de la zone maghr�bine : on sait, d'apr�s les �l�ments parus jusqu'ici, que Bouteflika n'aime pas Mohammed VI, et que le r�gime de Rabat est corrompu jusqu'� l'os. Mais ne pavoisons pas trop vite, pour ce qui concerne cet aspect, et attendons la suite. Toutefois, et au vu de ce que nous a donn� Wikileaks, nous ne pouvons que tirer des d�ductions favorables � l'Alg�rie. Ce qui pourrait signifier que si les Am�ricains nous m�nagent de cette mani�re, c'est qu'ils nous aiment bien, ou qu'ils sont mal inform�s. On pourrait en conclure, tout autant, que ce sont peut-�tre les animateurs, ou les manipulateurs du site internet qui ont quelque bont� pour nous. Sans pr�juger de ce que l'avenir nous r�serve, on peut quand m�me tirer des enseignements du traitement m�diatique de ces �scoops� distill�s par Wikileaks. D'abord un premier constat : il suffit ces jours-ci de parcourir h�tivement les Unes des journaux pour classer ceux-ci en partisans ou opposants du syst�me, pour ne pas dire de Bouteflika. Pour la presse, disons hostile et certainement catalogu�e comme ennemie dans les sph�res sup�rieures du pouvoir, les Am�ricains classent comme confidentielles des informations que tout Alger murmure d�j� : si la maladie du pr�sident Bouteflika est mortelle, c'est pour les impatients qui attendent la succession. Et si Bouteflika n'a pas �limin� tous les g�n�raux, il les a, au moins, �cart�s de la course au pouvoir. Ici, le passage qu'il faut tenir pour absolument authentique, car il r�v�le un trait de caract�re : �N'importe qui peut �tre candidat � une �lection, conform�ment � la Constitution, m�me un g�n�ral (�), mais les g�n�raux se rendent compte des difficult�s et aucun n'a �t� un candidat pour le moment.� En face, il y a les partisans, chauds ou ti�des, mais toujours l� pour saisir la balle au bond, pour la rapporter � qui de droit. Pour les journaux, catalogu�s comme amis, alli�s ou partisans, la providence Wikileaks a veill� � leur faire un cadeau, la monarchie marocaine offerte sur un plateau, dans son immorale nudit�. Tout y passe, pour rattraper les maladresses commises dans le traitement des �v�nements dramatiques d'Al-A�oun : le r�gime est corrompu, le Maroc soutient les Am�ricains dans leur campagne contre l'Iran. Et, surtout, ne pas l�cher le morceau pour ce qui est des intentions de Rabat de reconna�tre Isra�l et d'entretenir des relations diplomatiques avec l'Etat sioniste. Tout cela rapport�, en citant Wikileaks, consid�r� �videmment comme source d'informations authentiques et cr�dibles. On en remet une couche en rappelant que le commerce de gros du hachisch transite par les halles du palais royal et le reste est � l'avenant. Bien s�r, comme tout bon journal partisan, il ne faut pas se priver de discr�diter les infos publi�es par ceux d'en face, m�me si elles ont �t� puis�es � la m�me source. On ajoutera donc en bonne place un entrefilet soulignant que les diplomates am�ricains ne sont d�cid�ment pas s�rieux. Leurs notes, cit�es par Wikileaks, rapportent des faits qui sont des secrets de Polichinelle pour n'importe quel citoyen sens� de ce pays. De plus, Wikileaks et ses sources ne sont pas tenus de nous d�signer les bons, les brutes et les truands, comme dans les westerns spaghettis, et nous sommes assez grands pour nous faire notre propre opinion. Toujours dans la r�gion maghr�bine, et plus pr�cis�ment en Libye, si Khadafi veut bien rester dans notre zone g�o-ethnique, on en apprend encore de belles de la part des Am�ricains. Il est de notori�t� publique que le leader libyen a regagn� les faveurs de Washington, depuis quelques ann�es. Comme tout nouvel ami, Khadafi est donc mieux trait� que son homologue marocain, Mohammed VI, dont l'amiti� avec les Am�ricains ne souffre pourtant d'aucune contestation. Selon les notes publi�es par Wikileaks, les diplomates am�ricains n'ont pas vu de corruption en Libye, si tant est que le ph�nom�ne soit visible ou pratiqu� � ciel ouvert. En revanche, les Am�ricains ne cachent pas que leur galopin d'ami a failli mettre le feu aux poudres de l'humanit�, l'ann�e derni�re. Les Etats-Unis avaient, en effet, lanc� une alerte nucl�aire, en novembre 2009, � cause du refus du leader libyen de faire �vacuer des containers de combustible nucl�aire, stock�s sur un site libyen. Suite � l'engagement de Khadafi de renoncer � son programme d'armes de destruction massive, sept caisses contenant ce combustible usag� devaient �tre achemin�es vers la Russie par un avion de transport. Or, la Libye n'a pas autoris� l'avion russe � emporter sa cargaison qui est rest�e sur la piste de l'a�rodrome de Tadjoura, sous la garde d'un seul vigile libyen. Tout est rentr� dans l'ordre par la suite, et l'explication donn�e par Khadafi Junior �tait que le dirigeant libyen avait voulu se venger de l'humiliation que lui avaient inflig�e les Am�ricains, quelques semaines auparavant, lors de son d�placement � New York. S'�tant rendu au si�ge des Nations unies, � l'occasion d e l'Assembl�e g�n�rale, Khadafi s'�tait vu refuser l'autorisation de d�ployer sa grande tente sur l'�le de Manhattan. Ce qui fut un outrage sans pr�c�dent de m�moire de B�douin, alors que des pays comme l'Italie ou la France se sont pr�t�s sans difficult� au d�ploiement des fastes libyens au c�ur de leurs capitales. Pour ce qui est de la France, il est normal qu'elle n'ait gard� aucune rancune � la Libye qu'elle n'a jamais colonis�e pendant 132 ans. Paris vient d'ailleurs de donner une nouvelle preuve d'amiti� � Khadafi, en arr�tant son ex-directeur du protocole qui serait en d�licatesse avec le r�gime. Le g�n�ral Noury Almismari, consid�r� comme un des piliers du r�gime, a �t� arr�t� la semaine derni�re � Neuilly, dans la banlieue chic parisienne. Son arrestation serait intervenue en r�ponse � une demande libyenne qui accusait le transfuge de d�tournement de fonds. Une accusation qui ne tient pas la route, selon ses proches cit�s par les m�dias arabes, d'autant plus qu'il est de notori�t� publique que c'est Khadafi lui-m�me qui d�tient les cl�s du coffre � p�trodollars. Ce qui �tonne, c'est la diligence avec laquelle les autorit�s fran�aises ont r�pondu � la demande libyenne, sachant que d'autres grands d�tourneurs se d�placent et d�pensent, en toute libert�, des fortunes mal acquises.