Par Boubakeur Hamidechi [email protected] Quoi qu�il dise ou fasse, dans les semaines ou les mois qui sont devant nous, le r�gime de Bouteflika ne survivra jusqu�� son terme que gr�ce aux inerties pr�sentes dans la soci�t� elle-m�me. En ce qui le concerne, le temps du messianisme et du monopole de la v�rit� est clos jusqu�� le contraindre aux silences significatifs. Une autre saison a commenc� timidement, ici il est vrai, mais plus flamboyante de col�re � Tunis et au Caire. Critiqu�s, d�savou�s et m�me d�boulonn�s comme de vulgaires malfrats, les pouvoirs personnels, semblables au n�tre, d�couvrent les vertiges de la chute. Expliquant avec subtilit� le �retard d�allumage� d�Alger et le feu de paille qui fit illusion un court instant des sp�cialistes en psychologie des masses nous disent qu�il y a autant de diff�rence entre le �comportement� de l�Alg�rien, le Tunisien et l�Egyptien qu�il y a de nuances marqu�es parmi leurs dirigeants et les contextes dans lesquels ils gouvernent. Autrement dit, Benali, Moubarak et Bouteflika sont des produits de processus historiques dissemblables sauf que l�on passe sous silence leur d�nominateur commun qui est une long�vit� hors normes. Premier de cord�e de cette tro�ka arabe, le pr�sident �gyptien (1981 � ce jour) a montr� la voie aux suivants : celle qui consiste � abuser impun�ment de la Constitution en la violant selon la n�cessit� que l�on conna�t. Or, l�erreur que l�entourage a fait faire � Bouteflika �tait de le convaincre, en 2008, que sa popularit� �tait intacte, que sa r��lection serait acquise sans le recours � la fraude et que lui-m�me �tait en� devoir (!) de ne pas quitter le navire. Le sc�nario �tait banal et il valait la m�me dose d�aveuglement qui contamina et le Tunisien et l�Egyptien. Cependant, � la diff�rence justement de l�histoire de l�un et de l�autre, l�Alg�rie qu�il gouverne depuis 1999 s��tait dot�e au c�ur de la tourmente du pacte constitutionnel de l�alternance qu�il pi�tina all�grement. Lui qui n��tait pas sans ignorer que l�on ne gouverne pas ce pays plus longtemps que ne le veut la r�gle et surtout jamais seul fit le contraire. S�emparant de tous les privil�ges r�galiens, il parvint � mettre en coupe r�gl�e la neutralit� de l�administration, la probit� de la justice, la transparence des finances publiques et l�existence des libert�s publiques. Enferm� intellectuellement dans ses propres contradictions, le chef de l�Etat cherche sans doute une voie de sortie politique autre que le d�part intempestif au moment o� les nuages s�amoncellent. Mais comment ? Pour l�instant, seule la rumeur ne cesse de courir � propos d�une �forte initiative� de sa part. L�attente dure et l�imminence de grandes d�cisions, chaque jour report�es, contribue, � l�inverse, � mettre � cran l�opinion. Celle-ci, de plus en plus perspicace, croit de moins en moins en sa capacit� � satisfaire, � la fois, les dol�ances relatives � un changement global des m�urs politiques et sa volont� de lever les interdits liberticides comme l��tat d�urgence. Ainsi, El Mouradia appara�t d�sormais comme le cul-de-sac de la R�publique et l�impasse o� vient s��chouer l�Etat et son fonctionnement. La formule n�est s�rement pas gratifiante pour le personnage qui l�occupe depuis trop longtemps. Car si, jusqu�� r�cemment, les escarmouches politiciennes sont parvenues � �corner son image, elles n�ont par contre gu�re r�ussi � le d�stabiliser totalement. C�est ce que le d�saveu des �meutes nationales du d�but a fait. Elles sont peut-�tre la plus cinglante fin de non-recevoir qui lui est administr�e apr�s celle de la crise de la Kabylie en 2002. Une paralysie de cette amplitude s�analysant loin des codes classiques de la politique signifie que les rustines �conomiques (injection fantaisiste de l�argent dans le soutien aux prix, etc.) sont inop�rantes sans une refonte globale de l�Etat et ses institutions. La col�re, qu�elle f�t latente souvent et violente parfois, souligne bien mieux le d�sarroi moral du pays que ne le font les clignotants rouges des analystes. Du maire du village jusqu�au chef de l�Etat, elle ne d�sire plus �pargner le moindre symbole de la faillite et son corollaire le malheur collectif. Sociologiquement, le divorce est consomm� dans les m�mes termes qu�en Tunisie et en Egypte, notamment. En effet, la rue ou plut�t les rues des ces autocraties ont appris � illustrer par l�exemple quelques vocables du lexique de l�infamie. Elles savent comment �l�gender �, comme l�on dit d�une photographie, les mots : forfaiture, imposture et turpitude. En clair, derri�re chaque soup�on, elles n�h�sitent plus � donner des noms et � d�crire le cheminement de la pr�dation du bien public et les proc�d�s de la d�possession. Que l�on ne s��tonne pas, par cons�quent, que les rues d�Alg�rie imitent celles de leurs cousins et conjuguent le verbe �d�gager � au mode imp�ratif.