[email protected] Sauv�s par le bourbier libyen ? Certains observateurs commencent � �tayer la th�se d�une r�cente bienveillance dont l�Alg�rie et le Maroc doivent b�n�ficier, dans l�imm�diat de la part des Occidentaux(1). Sursitaires par n�cessit� g�ostrat�gique, les r�gimes d�Alger et Rabat seraient par cons�quent �pargn�s des pressions ext�rieures m�me lorsque les rues indig�nes s�embrasent au nom du changement. Une aubaine uniquement profitable aux pouvoirs qu�il faut mettre sur le compte d�une sorte de substitution de syndromes. A celui qui est parvenu � renverser Ben Ali et Moubarak, gr�ce � des r�sistances populaires unanimes, lui a succ�d� l�infernale guerre civile que Kadhafi orchestre et dont ni les �tats-Unis ni l�Europe ne savent comment en amortir les effets d�vastateurs sur la r�gion. Implicitement l�ordre mondial, dont ne seraient d�ailleurs d�positaires que ces tuteurs-l�, devient plus prudent dans les �conseils� et moins insistant sur les principes, voire peu regardant sur la mani�re dont s�exercent les pouvoirs. Cependant, en apart�, le souhait d�une transition pacifique n�est pas oubli�, il est seulement att�nu� par la crainte multiforme que cette loi des s�ries, d�j� d�nomm�e �printemps arabe�, puisse modifier en profondeur l�ensemble des rapports en vigueur. De ce changement d�approche, subtilement conciliant, le monarque marocain en a rapidement tir� profit. En effet, c�dant sur une bonne part de sa morgue royale, ne s��tait-il pas adress� � son peuple, jeudi dernier, afin de passer avec lui un deal, inimaginable quelques mois auparavant, concernant justement la refondation historique de la charge de sultan et la s�paration de celle-ci de la gestion de l�Etat. Dans le contexte marocain, un tel discours fera certainement date. H�las, dans le m�me temps, le pr�sident alg�rien s�obstine dans une incompr�hensible attitude digne des potentats affranchis du devoir de dialogue. Le voil� donc notre Bouteflika tel qu�en lui-m�me silencieux par malicieuse inclination � ignorer (m�priser) l�opinion de son pays. Ce que son thurif�raire de service, le ministre des AE, explique par son refus �d�ob�ir � la pression�. Une parade qui sonne comme une fanfaronnade de circonstance pour peu que l�on revisite ses douze ann�es de pouvoir. Alternant l�impr�cation et la d�robade, a-t-il jamais �t� dans la m�me intransigeance intellectuelle au cours de ses mandats lorsqu�il lui fallut trancher par d�fi ? Les atermoiements seraient plut�t ce qui caract�risait ses prises de d�cision. Dirigeant impr�visible dont l�art de gouverner a toujours consist� � ajouter des louches de confusion chaque fois que le pays attendait de lui quelques clart�s ou du moins quelques aveux. P�chant par son c�t� irascible et orgueilleux, il s�est tout le temps appliqu� � louvoyer au point de n��tre plus compris aussi bien dans le pays profond qu�aupr�s des partenaires politiques. C�est d�ailleurs le cas du premier cercle qui se retrouve dans une �gale ignorance avec l�opinion nationale quant � ses intentions. C�est que Bouteflika semble �talonner le temps politique sur une grille qui �chappe � toute coh�rence. L�on est bien loin du mythe qu�il devait incarner � son arriv�e aux affaires de l�Etat. Celui de pr�sident consensuel qui voulait faire cohabiter le hidjab et la minijupe sans violer la r�publique ; de parler aux �gens de la montagne� et d�ner avec les la�cs ; de privatiser la ferraille industrielle sans renoncer � l�id�al altermondialiste et enfin de revendiquer l�amiti� de Paris et de garder les yeux ouverts sur l�histoire coloniale. En somme, il se voulait repr�sentatif de l�esprit d�ouverture et on le retrouve, 12 ann�es plus tard, dans le halo de l�intol�rance. Car, pour avoir abus� des artifices dont le haut magist�re mettait � sa disposition, il se retrouve d�sormais dans la d�sesp�rante solitude de l�autocrate. M�me si, pour certains, ce portrait en creux du pr�sident vers qui convergent actuellement toutes les critiques leur semble excessif, ne faut-il pas qu�� leur tour ils expliquent et justifient son d�sint�r�t pour l�Alg�rie qu�il gouverne, autrement qu�avec des formules us�es. Belkhadem et Medelci ne seraient-ils pas mieux inspir�s et plus convaincants s�ils �taient en mesure de nous dire ce � quoi travaille Bouteflika pour surmonter les turbulences actuelles. Et enfin quand estimera-t-il l�heure venue pour qu�il fasse son �job� de chef de l�Etat. Tant-il est vrai qu��tre en charge du destin d�une nation n�est jamais une sin�cure sauf si l�on croit que l�on peut se vautrer impun�ment dans la fonction. Mais l�, c�est une autre histoire. B. H. (1) Lire l�analyse de Mohamed Benchicou publi�e dans Le Soir d�Alg�rie du jeudi 10 mars et intitul� : �Bouteflika reste, mais � quel prix ?�.