Par Mhand Kasmi �La soif de dominer est celle qui s��teint la derni�re dans le c�ur des hommes.� Machiavel 264 av. J.-C. : d�but de l'un des conflits les plus dramatiques de l'histoire, appel� �les Guerres puniques� qui oppos�rent Rome et Carthage. Tite- Live, le principal historien de ces �v�nements, a dit �cette lutte des deux cit�s les plus riches du monde tenait en suspens tous les rois et tous les peuples�. Ces guerres se conclurent par la destruction de Carthage. 14 janvier 2011 : �Delenda Carthago !� �Il faut d�truire Carthage !� cet ukase belliqueux et guerrier avec lequel Caton l�Ancien ponctuait tous ses discours devant le S�nat romain, a d� �tre l�ultime et machiav�lique instruction que �Zinochet� Ben Ali a balanc�e � ses milices avant de quitter la verdoyante patrie d�Abou El Kassem Echabbi pour celle d�sertique et aust�re du roi Abdallah, nouvelle Mecque des dictateurs musulmans. Cet appel hyst�rique de Caton l�Ancien � ses coll�gues s�nateurs � en d�coudre avec la toute -puissante thalassocratie carthaginoise emp�cha en son temps notre anc�tre commun alg�ro-tunisien le plus prestigieux, Massinissa, d�occuper Carthage pour en faire sa capitale. Scipion l�Africain le devan�a et la d�truisit en totalit�. La prestigieuse Cit�-Etat punique br�la pendant dix-sept jours et l�Afrique du Nord devint pour plusieurs si�cles une province romaine. En ce d�but de XXIe si�cle, la mal�fique et redoutable derni�re volont� politique du proconsul Ben Ali ne fut pourtant pas exauc�e. Ce furent les dizaines de milliers de voix port�es par les vents contraires � ceux voulus par les pyromanes du palais de Carthage, entonnant � tue-t�te et � gorge d�ploy�e �si le peuple un jour veut vivre libre m�me le destin doit r�pondre : pr�sent !� qui triomph�rent. Et la Carthage moderne devenue Tunis ne br�la pas ! Telle la belle Sophonisbe carthaginoise dont le c�ur br�lait pour le roi Massinissa et se suicidant pour ne pas se retrouver dans le d�shonneur de la captivit� du vainqueur romain, Carthage qui venait fra�chement de r�pudier son indigne r�gente Le�la, tomba sans retenue et sans fausse pudeur, dans les bras encore br�lants d�essence du d�sormais martyr par suicide le plus c�l�bre du monde : Mohamed Bouazizi. Juillet 64 apr�s JC : Rome, devenue la plus grande ville de la plan�te depuis la destruction de son illustre rivale Carthage, br�le � son tour. Le pyromane en chef : l�empereur N�ron himself ! La rumeur circula que N�ron aurait jou� de la lyre et chant�, au sommet du Quirinal, pendant que la ville br�lait. Poussant son cynisme plus loin et plus haut, il rendit trop vite publics ses projets de reconstruction de Rome dans un style monumental. Il voulait tout simplement immortaliser son nom en renommant Rome, Neropolis. Il termina ses jours en se suicidant dans un r�duit de la seule masure romaine qui consentit � lui offrir l�asile, celle de son esclave affranchi ! Mardi 1er f�vrier 2011 : apr�s une journ�e de �col�re� qui tint en haleine les peuples et les dirigeants du monde entier depuis dix jours, le pharaon Moubarak s�invite �plein �cran� sur les lucarnes TV de toute la plan�te. Face � l�une des clameurs du pays profond les plus graves et les plus tranch�es politiquement, se r�sumant en une p�remptoire et claire injonction �Irhal�, la momie bien conserv�e de plus de 82 ans n�a que ces mots qu�il r�sume le lendemain dans une interview � une cha�ne de TV am�ricaine : �Je veux partir, mais je crains le chaos pour l��gypte.� Entre les accents faussement humanistes de cette d�claration et la seule traduction politique qu�en fit sur-le-champ la rue �gyptienne, � savoir �moi ou le chaos�, se cache le dernier pharaon de l��gypte moderne, devenu subitement N�ron. Un N�ron qui fait en ce moment sienne cette maxime de son autre ma�tre � penser Machiavel : �Les grands hommes appellent honte le fait de perdre et non celui de tromper pour gagner.� Dans le cas de Moubarak aujourd�hui, il s�agit, bien �videmment, de temps et de temps simplement ! Quant � la tromperie, l�histoire d�Oum Eddounia et de l�humanit� ne retiendra de notre vaillant aviateur que le titre peu envi� de bentadji en chef : pour obtenir des scores �lectoraux staliniens, pour organiser de minables embuscades aux joueurs de football alg�riens entre l�a�roport du Caire et l�h�tel, pour affubler les milliers de jeunes Alg�riens partis laver l�honneur de la tribu � Omdourman du nom de ses tontons macoutes dirig�s par ses deux rejetons de fils Djamel et Aala ! Mais le crime le plus abject que le peuple �gyptien retiendra � jamais contre lui est celui qu�il a tent� de commettre en lan�ant ce qui lui reste de bentadji loyalistes et loyaux, juste apr�s son discours de mardi soir pour cr�er l�illusion du chaos. Une illusion qui doit s�obtenir y compris en br�lant ou en faisant piller l�un des plus riches mus�es renfermant le patrimoine de l�humanit�, dont on annonce l�attaque, chaque fois que le mouvement populaire de contestation acc�l�re sa cadence ou renouvelle son rythme imp�tueux. En ce vendredi 3 f�vrier, la symbolique et bien nomm�e place de la Lib�ration est de nouveau le c�ur battant du monde. Ils sont un peu plus d�un million ou un peu moins, peu importe le nombre, � s�y exercer � leur corps d�fendant aux dures r�alit�s de la d�mocratie naissante, sans aucun incident. L�essentiel : d�autres millions d�Egyptiens leur donnent de la voix et font �cho � leur demande : un gigantesque �Irhal !� s��l�ve d�Oum Eddounia, r�percut� � l�infini par la toile, les journaux, les SMS et capt� par des millions de paraboles et les c�urs enfi�vr�s de milliards d��tres humains qui aspirent � secouer le joug des r�publiques h�r�ditaires et des monarchies st�riles d�h�r�dit�. Encore Machiavel : �Le pouvoir corrompt ; le pouvoir absolu corrompt absolument.� Au moment o� nous achevons la r�daction de ces lignes, une nouvelle tombe, plus que symbolique ! Des �gyptiens et des Tunisiens sont rassembl�s devant l�ambassade d��gypte � Carthage (Tunis) pour soutenir la r�volte du peuple �gyptien. Aux derni�res nouvelles, Moubarak est � Charm el- Cheikh, � mi-chemin entre Le Caire et Djeddah, la r�sidence de son ex-futur �coll�gue� Ben Ali ou encore mieux, de Tel-Aviv que son d�part effarouche de plus en plus. Il doit plus que jamais �tre dans la situation du colonel de la sublime nouvelle litt�raire publi�e par Gabriel Garcia Marquez en 1961 �Pas de lettre pour le Colonel�. Le receveur de la poste qu�il importune quotidiennement lui r�pond invariablement que �la seule chose qui arrive sans faute, c�est la mort�. Non Carthage et le Caire ne br�leront pas, tant que les peuples porteront d�une main le jasmin et de l�autre le luth accompagnant les clameurs de plus en plus toniques du d�sormais imp�rissable �Irhal!� de la place de la lib�ration Ettahrir, du Caire, baptis�e El Qahira (que l�on peut traduire aujourd�hui par l�indomptable) par nos anc�tres kottama, partis de cette terre nomm�e aujourd�hui Alg�rie, qui conna�t le prix de la Libert� !