Par Arezki Metref [email protected] Dimanche 20 mars : L�arr�t des po�tes. A l��chelle du temps qui ne compte pas, deux d�entre eux s�y sont donn� rendez-vous. Rachid Bey, po�te, est d�c�d� en catimini il y a quelques jours. Un d�part silencieux, � l�image de sa vie. Pourtant, Rachid Bey, po�te au verbe puissant, a figur� sur la mythique anthologie de la po�sie alg�rienne de Jean S�nac publi�e en 1971. Puis, il s�est �clips�, animant le silence dont il s��tait entour�, peut-�tre, du bruissement de quelques po�mes sem�s dans des publications confidentielles. Pas m�me, � ce que je sache, un recueil personnel de ses po�mes ! Rachid Bey �tait de ces po�tes libres, dont l�oeuvre �chappe � toute formalisation. Semeur de mots, il savait que le Verbe, dont la trajectoire guid�e par le destin jamais ne s��gare, se pose l� o� il doit, et saura prendre racine pour germer. Sans doute est-ce l� la mission de son art ? Dans les ann�es 1980, lorsqu�il circulait, ombre lointaine, diaphane, silencieuse et r�serv�e, au minist�re de l�Enseignement sup�rieur, nous savions que c��tait lui, Rachid Bey, le po�te de la bande � S�nac, celui � la parole si dense que, par alchimie, elle en transmutait l�air. Ce po�te aura travers� la vie du pas discret et d�cid� des marcheurs au long cours. Hamid Skif, presque ponctuel au rendez-vous, l�a rejoint le jour de ses 60 ans. Lui aussi po�te de l�anthologie S�nac, bien que moins silencieux que Rachid Bey, �tait tout autant, sinon plus sulfureux. Leur diff�rence r�side peut-�tre dans le fait qu'il b�n�ficiait d�une plus grande visibilit�. Journaliste et �crivain, il vivait � Hambourg depuis plus de dix ans. Son exil allemand lui avait procur� l'opportunit� d'�crire un roman retentissant, G�ographie du danger. Hamid Skif a �t� emport� par la maladie, au moment o� un projet de livre de t�moignages et d'hommages le concernant �tait en train de se dessiner. Si c'est une voix lyrique et acide de plus qui s'en va, elle n�a pas oubli� de nous laisser des accents irr�dentistes. Lundi 21 mars : Nucl�aire! On l'a lu dans la presse : nos chercheurs en nucl�aire se rebiffent ! Depuis trois semaines, quotidiennement, ils observent scrupuleusement leur d�brayage d'une heure. Soixante minutes/jour, voil� le tarif ! Ceux d�Alger et de Draria organisaient ce dimanche un sit-in devant le Commissariat � l��nergie. Ils se battent pour obtenir l�application d�un d�cret pr�sidentiel portant sur le r�gime indemnitaire. Tout mkhakh qu'ils sont, leur administration n'a pas jug� bon de les associer � la d�finition de leur statut ! Quand �a touche le nucl�aire, �a fissionne fissa ! Mardi 22 mars : Les g�n�reux ! Il y a dix-sept ans jour pour jour, se d�roulait une marche � Alger. Parmi les marcheurs, se trouvaient Tahar Djaout, Sa�d Mekbel et bien d'autres. Ils ont �t� assassin�s. D'autres, connus ou moins connus, ont allong� de leur martyre la liste macabre. Alloula, Liab�s, Boukhobza... C'est pour justement �chapper � l'�num�ration que, � l'instigation dynamique de Nazim Mekbel, rejoint par des filles et fils de victimes du terrorisme, s�est cr�� une association, El Adjouad, dont le nom a �t� inspir� par le titre de la fameuse pi�ce o� Alloula mettait en sc�ne des patriotes purs, candides, attachants. Lors de la premi�re rencontre de cette association, �mouvante soir�e du souvenir, des textes des victimes ou d�autres les �voquant, ont �t� lus. Parmi le public, beaucoup de jeunes qui ne devaient pas �tre bien vieux, � l'�poque o� tous les jours de grandes processions �plor�es hantaient les cimeti�res d'Alg�rie. Il est naturellement d'autant plus �mouvant de voir c�te � c�te ces portraits d'hommes et de femmes que nous les avons connus vivants et actifs, et qui oeuvraient pour la d�mocratie et le d�veloppement culturel avant d��tre abattus froidement, puis enterr�s une deuxi�me fois par les pleutres du reniement r�conciliateur. Un concert est pr�vu ce dimanche � Paris. Toutes les occasions permettant de raconter ces femmes et ces hommes dont la mort constitue un socle pour la libert� � venir, doivent �tre saisies. Mercredi 23 mars : Le casse-t�te ! �a ne le fait pas chez nous ? Ouallach ? Des amis �gyptiens, tunisiens, syriens ne cessent de nous interpeller... Pourquoi ces mouvements qui ont �t� concluants, en tout cas provisoirement, au Caire et � Tunis, ne fonctionnent- ils pas en Alg�rie ? Pourquoi les �meutes, les manifestations, les marches, les protestations aussi massives et d�cid�es soient-elles d�bouchent- elles toujours sur que dalle par chez nous ? Pourquoi l� o� Ben Ali se tire avec la cassette et Moubarak entre dans un sarcophage de pharaon d�chu, chez nous les gouvernants, � commencer par le premier d'entre eux, pr�tendument la t�te et ne me dites pas qu�elle est pensante, se contentent de nous asperger de promesses superficielles et fallacieuses ? Pi�tre aum�ne s�il en est, du style de lev�e de l'�tat d'urgence qui existe mais pas de facto. En un mot, � quelle cat�gorie appartient ce fichu pays ? Je ne sais pas comment �a se passe in situ ailleurs, mais chez nous, il y a une inflation de contributions qui essayent de r�pondre � cette question sans y parvenir. On ne va pas se plaindre de cette prosp�rit� de l'analyse ! Byzance ! Pour une fois qu'on a autant de points de vue, on ne va tout de m�me pas bouder son plaisir. Mais pourquoi s�enlise-t-on dans l'obscurit�, ou pourquoi s�acharne-t-elle sur nous ? Pourquoi rien ne bouge-t-il chez nous? Pourquoi le pouvoir tient-il sans coup f�rir, tout en se permettant d�afficher un m�pris croissant vis-�-vis des pulsations rebelles de la soci�t�? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?... Bien s�r, on peut aligner des tas de raisons mais il restera toujours � trouver celle qui manque, c'est-�-dire la plus d�terminante, la cl� de vo�te. On serait presque tent�s de lancer un avis d'appel d'offres : soumettre la meilleure analyse des raisons qui font que le pouvoir alg�rien est absolument insensible � son rejet par les Alg�riens. Comment �a presque tent�s� Non ! A vos claviers, plumes et on se fout de la marque de l�ustensile, �crivez au journal ! Jeudi 23 mars : la Constituante ! Hocine A�t Ahmed a de la constance. Il propose une constituante, comme en 1962. Le comble est qu'il a sans doute raison. Il faut tout effacer, tout remettre � plat, et repartir de z�ro, de l� o� les choses auraient d� partir au moment de l'ind�pendance. Il faut sortir de ce sch�ma mortif�re du parti unique dont les radicelles, parfois devenues racines, se prolongent sous des formes pluralistes. Vendredi 24 mars : Croisades Le mot du ministre fran�ais de l'Int�rieur pour d�signer l'action de son pr�sident de la R�publique dans son attaque contre Kadhafi n�a rien de fortuit. S'il parle de croisade, c'est � usage interne. C�est qu�ils ont la gagne chevill�e au corps ces zozos-l� ! Ils y tiennent � leurs cantonales ! Et �m�me pas peur�, ils ne reculent devant aucun moyen. C�est qu�ils compteraient gagner les cantonales en bombardant le despote libyen jadis accueilli en grande pompe � Paris ? On se demande � quoi ils vont penser pour les pr�sidentielles ! On va voir ce qu'on va voir mais tout ce qu'on voit pour le moment, c'est que non seulement Kadhafi ne souffre pas outre mesure des attaques de l'Otan mais que de surcro�t, la coalition lui taille un costard de h�ros, m�me aux yeux de ceux et celles qui dans le monde arabe hier, le tenaient, � juste titre, pour le pire des dictateurs. Les croisades, c'est comme les ballades bucoliques, si on sait quand �a commence, on n�a pas la moindre id�e de quand et o� �a finit, ni au profit de qui !