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Lettre � M. Larue, rapporteur des Nations Unies
Publié dans Le Soir d'Algérie le 13 - 04 - 2011

Je vous �cris d�un des derniers coins d�expression qui me reste encore ouvert dans ce pays o� vous venez enqu�ter sur l��tat de la libert� de presse et d�opinion. J�y suis pourtant directeur d�un des plus grands quotidiens. Mais vous aurez � le constater, M. Larue, l�Alg�rie est un formidable havre d�espoir et d�hypocrisie, une terre emport�e par les audaces et les amn�sies, ce qui nous expose aux plus terribles extravagances, dont celle-l� qui voudrait qu�un directeur de journal soit interdit d�expression, son journal ferm�, ses livres prohib�s, tous ses livres, dont le prochain, un roman intitul� Le mensonge de Dieu, d�j� mis sous scell�s par le gouvernement qui vous a invit�.
Ou celle-l�, cette autre singularit� de ces temps sans m�moire qui me voit aujourd�hui alerter un rapporteur sp�cial des Nations Unies sur un fait majeur qui aurait d� figurer naturellement dans son agenda. J�avoue ne pas savoir au juste � quoi correspond la mission d�un �rapporteur ind�pendant� ni la port�e du rapport qu�il entend soumettre au Conseil des droits de l�Homme. Mais ayant cru comprendre que vous tenez � vous forger �une opinion �clair�e sur la libert� d'opinion et d'expression en Alg�rie�, il m�a sembl� indispensable d��viter � l�enqu�teur que vous �tes, le handicap de repartir d�Alg�rie sans y avoir pris connaissance du plus grand viol de la libert� de presse jamais commis en Alg�rie depuis vingt ans. Je veux parler de l�interdiction du principal quotidien d�opposition, un arbitraire qui dure depuis sept ans et dont personne, pourtant, n�a cru devoir vous entretenir. Ce quotidien, M. Larue, s�appelle Le Matin et j�ai l�insigne privil�ge de l�avoir dirig� depuis sa fondation. Sa d�capitation fut d'une sauvagerie inou�e : sa parution interdite, ses biens saisis, l'immeuble qui l'abritait vendu aux ench�res, ses travailleurs largu�s � la rue, son directeur jet� en prison. J'�tais en prison, depuis un mois d�j�, quand j'appris sa disparition, d�cid�e par le gouvernement, au milieu des larmes de lecteurs amput�s d'une esp�rance, des pleurs h�b�t�s des employ�s d�poss�d�s de leur �me et de leur gagne-pain, de la solitude impuissante des journalistes orphelins d'un id�al. Sans doute le choix que nous avons pris d��crire et d�informer au rythme des salves de col�re d'un peuple d�chir� n'offrait-il pas d'autre destin que de tomber, un jour ou l'autre, au champ de bataille d'une guerre sans nom. Le Matin a �t� crucifi� pour avoir �t�, par moments, la voix de ceux qui n'en avaient pas, les jeunes condamn�s au ch�mage, les travailleurs m�pris�s, les populations d�pouill�es de leur avenir, les femmes spoli�es de leurs droits. C'est cela, plus la d�fense de nos cadres, m�decins, enseignants, souvent pers�cut�s, parfois emprisonn�s et bris�s, toujours humili�s, pouss�s � l'exil et � l'abandon d'un pays priv� alors de sa mati�re grise, de ses chercheurs, de ses scientifiques. C'est tout cela, ajout� aux d�nonciations de tortures pratiqu�es honteusement sur des Alg�riens, au soutien � la r�volte kabyle de 2001, aux enqu�tes sur les malversations financi�res et sur les connivences louches qui mettaient en cause le cercle pr�sidentiel, c'est tout cela que le journal a pay� de sa vie. Le Matin a pay� de sa vie pour avoir port� la plume dans la plaie, devoir supr�me du journaliste selon Albert Londres. Il se trouve, M. Larue, que les plaies ne manquent pas sur le corps de la malheureuse Alg�rie et Le Matin les fouaillait avec alacrit� et insolence, sans aucun souci de prudence, avec, je l�avoue, cette ivresse indomptable du jeteur de pav�. Ce gouvernement qui vous a invit�, M. Larue, ne nous a rien pardonn� de nos impertinences, ni notre obstination intraitable � d�signer le monstre islamiste, ni nos d�nonciations de la corruption et de l'injustice, ni encore moins l'id�e d'�crire un livre d�mystificateur, Bouteflika une imposture alg�rienne, le livre que le pr�sident ne m'a jamais pardonn� et qui, autant que les �crits du Matin, est � l'origine de la terrible r�pression qui s'abattit sur ma modeste personne. Mais de tout cela, M. Larue, personne ne vous parlera parmi ceux qui, officiels alg�riens, repr�sentants de la soci�t� civile, directeurs de journaux ou journalistes, que vous �tes appel�s � rencontrer. L�homicide contre Le Matin rel�ve d�sormais du souvenir encombrant dont chacun souhaite �tre d�livr�, le gouvernement parce qu�il l�a perp�tr�, les membres de mon honorable confr�rie parce qu�ils l�ont couvert de leur silence. Il est jusqu�au D�partement d�Etat, dont je pr�sumais d�une certaine vigilance, pour contribuer � l�oubli, omettant de citer Le Matin parmi la liste des victimes du harc�lement du gouvernement alg�rien. Bien entendu, je ne regrette rien de ce que nous avons fait. Par la persistance de ses refus, je crois que ce journal a aid� � r�affirmer, au c�ur d'une �poque incr�dule, contre les connivences et les basses lucidit�s, l'existence de la parole libre sur la terre de mon pays. Aujourd'hui encore, je pense que la disparition dans l'honneur du Matin apporte plus � la cause de la libert� qu'une existence dans l'indignit�. J�inscris cette d�capitation dans le prix � payer dans la recherche de ces hypoth�tiques sources de lumi�re pour notre peuple. C�est un processus long et co�teux. Et je crois qu�en d�pit de tout, notre pays a la chance de pouvoir b�tir une presse libre. Aussi ma lettre n�entend-elle pas se r�sumer aux sarcasmes, nombreux en cette p�riode de d�senchantement, ni c�der aux humeurs acari�tres. Pour avoir travaill� sous l��re de la presse unique, je sais que tout est pr�f�rable � une presse unique, m�me une presse ind�pendante qui s�est �gar�e dans les bras de la r�gence et qui en est revenue souill�e. Il faut avoir v�cu la tyrannie du b�illon, la tyrannie d�une presse d��tat, sa censure, ses mensonges, son m�pris pour le citoyen. Il faut avoir v�cu cette presse de la tromperie et des v�rit�s cach�es pour r�aliser le poids d�un terrible privil�ge : avoir une fen�tre sur les v�rit�s cach�es. Pouvoir encore lire que des compatriotes observent des gr�ves, qu�ils manifestent, crient leur col�re ou leurs espoirs. Suivre les feuilletons d�un pouvoir corrompu, la saga d�un wali pr�varicateur, les m�faits de notables concussionnaires, toutes ces nouvelles du pays r�el que ne diffusent pas les grands m�dias du pouvoir, et qu�on ne retrouve que dans les pages de journaux ind�pendants. O� pourrait s�exprimer une soci�t� m�contente et interdite de t�l�vision et de radio s�il ne subsistait des micros encore ouverts, ces journaux libres qui restent les ultimes porte-parole d�une terre pers�cut�e ? Mais puisque vous envisagez de transmettre au gouvernement alg�rien des recommandations en mati�re d�ouverture m�diatique, incluez, je vous prie, celle de ne pas s�illusionner sur Le Matin: jamais il ne se taira sur l�arbitraire qu�il a subi. Son supplice restera � jamais une tache noire sur la face de nos gouvernants. Eux partiront. Le Matin rena�tra. Et si d�aventure, vous pourriez acc�l�rer le processus, sachez que Le Matin est apte � reprendre sa route d�s aujourd�hui. Je vous souhaite grand succ�s.
Mohamed Benchicou Directeur du Matin


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