(3e partie et fin) L�ONG de lutte contre la corruption Transparency International rendait public, le 26 octobre dernier, son Indice de perceptions de la corruption (IPC) pour 2010 : l'Alg�rie y occupe la 105e place sur 178 pays class�s. En d�pit des multiples arsenaux et m�canismes juridiques et l�gislatifs mis en place depuis une dizaine d'ann�es, l'Alg�rie reste l'un des pays les plus corrompus au monde. Quels �taient les scores de l�Alg�rie les 7 ann�es pr�c�dentes, ayant �t� int�gr�e � ce classement pour la premi�re fois en 2003 ? En 2009 : 2,8 sur 10 et 111e place ; 2008 : 3,2 sur 10 et 92e place sur 180 pays class�s ; en 2007 : 3 sur 10, et la 99e place ; 2006 : 3,1 sur 10 et 84e place (sur 163 pays) ; 2005 : 2,8 et 97e place (sur 159 pays) ; en 2004 : 2,7 et 97e place (146 pays) ; et en 2003 : 2,6 et 88e place (sur 133 pays). Sur ces 178 pays pass�s � la loupe par l'ONG, pr�s des trois quarts affichent un indice de perception de corruption inf�rieur � la moyenne. Selon ce classement, le Danemark, la Nouvelle- Z�lande et Singapour arrivent en t�te des pays consid�r�s comme les moins corrompus au monde, avec un indice de 9,3. L'Afghanistan et la Birmanie sont ex aequo avant-derniers sur la liste avec un indice de 1,4, tandis que la lanterne rouge revient � la Somalie avec un score de 1,1. Non seulement l'Alg�rie ne fait aucun progr�s en mati�re de corruption, mais bien au contraire cette stagnation s'explique par l'absence de volont� politique au plus haut niveau de l'Etat � lutter contre la corruption : les discours des pouvoirs publics ne changent rien � la donne, l'Alg�rie se distinguant par l'adoption ou l'annonce de d�cisions visant � lutter contre ce fl�au, mais d�cisions qui demeurent inappliqu�es. Dans la r�gion du Maghreb, � l'instar des classements pr�c�dents, la Tunisie est toujours mieux class�e que l'Alg�rie (59e place et une note de 4,3), et m�me le Maroc fait un peu mieux (85e place et une note de 3,1), alors que la Mauritanie et la Libye occupent respectivement les 143e et 146e places. Le gouvernement alg�rien va-t-il encore s�opposer � l'application de la Convention des Nations unies contre la corruption, lors de la 4e Conf�rence des Nations unies des Etats-parties qui se tiendra au Maroc l�automne prochain. Un rappel, de triste m�moire : le gouvernement alg�rien aux c�t�s notamment de ses homologues �gyptiens et pakistanais avait fait �chouer la 3e Conf�rence des Nations unies contre la corruption � Doha en novembre 2009, en rejetant tout m�canisme international de surveillance de l'application de la Convention des Nations unies contre la corruption, en bloquant la participation de la soci�t� civile dans ce processus et en refusant de rendre public son rapport d'�valuation de l'application de cette convention. Le nombre d�indices bas�s sur la mesure de la corruption, et par extension la �bonne gouvernance� s�est accru exponentiellement ces dix derni�res ann�es. Parmi les indices les plus ancr�s et plus utilis�s, hormis l�IPC, nous trouvons les indicateurs sur la gouvernance de la Banque mondiale (Doing Business Better) mais aussi une g�n�ration plus r�cente d�instruments de mesure et de contr�le comme �l�Indice Ibrahim pour la Gouvernance Africaine� publi� par la fondation Mo Ibrahim, l�Indice d�int�grit� dans le monde aussi publi� par �Global Integrity�, ou �l�indice de l�opacit� financi�re� qui amorce une nouvelle �tape de la compr�hension du secret financier, des flux illicites et de la corruption. Il focalise les regards pour la premi�re fois sur l�infrastructure mondiale des juridictions opaques qui stimulent et facilitent les flux financiers illicites. Comment rendre cette mesure plus compr�hensive ? Aujourd�hui, pr�s de 15 indices ou outils de mesure de la gouvernance et de la corruption couvrent l�Afrique. Le plus souvent c�est l�aspect classement des pays qui est visible alors que ces mesures donnent d�importantes informations sur les politiques publiques dans les pays. Certains indices sont exclusivement produits en Afrique et avec un usage international, d�autres sont produits en dehors de l�Afrique et couvrent quelques pays africains avec une envergure mondiale. Chaque ann�e, � la suite de la publication de ces indices, les m�mes questions sont pos�es. Le m�me sch�ma du d�bat est men� opposant une multitude d�acteurs au niveau national ; d�un c�t� les producteurs de ces indices, la soci�t� civile et les d�cideurs politiques de l�autre. En effet, dans ce d�bat, certains acteurs de la soci�t� civile prennent parti souvent d�un c�t� ou de l�autre, en fonction des enjeux mis en �vidence. La communaut� scientifique est souvent laiss�e de c�t�. Quant aux d�cideurs politiques, certains optent d�abord pour la contestation des donn�es fournies par les indices avant de s�ouvrir au dialogue. Aux yeux de l�opinion, les d�cideurs politiques trouvent des justificatifs du mauvais ou du bon classement du pays dans ces diff�rents indices. Souvent avec beaucoup de peine, les uns et les autres contribuent davantage � brouiller le message et l�int�r�t que devraient rev�tir ces outils. De sorte que de nombreuses questions sont souvent pos�es par les citoyens, les journalistes, les d�cideurs politiques mais aussi par les chercheurs. Des questions les plus �videntes aux questions les plus complexes. Par exemple : est-il possible de mesurer la corruption ou la gouvernance ? Comment rendre cette mesure plus compr�hensive pour les acteurs ? A-t-on besoin de l�gitimit� pour mesurer la corruption et la gouvernance dans les pays les plus corrompus ? Qu�est-ce qui conf�re cette l�gitimit� aux organisations productrices des indices ? Quelles sont les cons�quences politiques et �conomiques de ces outils ? Quels sont les outils les mieux adapt�s pour mesurer la corruption et la gouvernance dans un but d�obtenir un minimum de consensus chez les diff�rents acteurs ? Quelles diff�rences entre les indices ? Quel est le r�le de la recherche dans la production des indices? Questionnement l�gitime au demeurant, mais l�apport de ces indices et autres indicateurs est incontestable dans la mesure de la corruption et de ses effets d�vastateurs. Et si les pays les plus corrompus � dont l�Alg�rie � se retrouvent toujours aux tr�s mauvaises places dans tous ces indices, ce n�est pas le fruit du hasard� Djilali Hadjadj Des enqu�tes en Italie sur le co�t de la corruption En Italie, des ONG ont essay� de mesurer la corruption en effectuant des recherches plus sp�cifiquement sur le co�t de la corruption. Il est bien connu qu�un groupe de magistrats de Milan a lanc� une enqu�te �Mains propres� sur la corruption au d�but des ann�es 1990, condamnant un grand nombre de politiciens et d�hommes d�affaires impliqu�s dans la mauvaise gestion des fonds publics et le financement ill�gal de partis politiques et de politiciens. Profitant de l�appui soutenu de la soci�t� civile, le groupe de magistrats a incit� un grand nombre de changements lors des �lections municipales ult�rieures. � l�exception de quelques personnes honn�tes, aucun repr�sentant de la vieille garde n�a �t� r��lu. Dans ces circonstances, le groupe s�est senti capable de mesurer le co�t des diff�rents investissements publics avant et apr�s l�op�ration �Mains propres� dans plusieurs secteurs, donnant des r�sultats surprenants. Ces chiffres ont aid� � sensibiliser la population aux co�ts r�els de la corruption et � quantifier pour les contribuables le concept jusqu�alors abstrait de corruption. Les investissements publics avant et apr�s l�op�ration �Mains propres� L�op�ration d��valuation du co�t de la corruption a �t� men�e � Milan. Les investissements directs par an ont augment� de presque 400%. La dette municipale totale a �t� r�duite de mani�re sensible. Le co�t de la construction du m�tro (co�t moyen par kilom�tre) a �t� r�duit de moiti�. Le nouvel a�roport international (construit en trois ans) a vu son co�t total baisser de moiti� par rapport � la premi�re estimation. Les compagnies municipales ont vu non seulement leurs pertes annuelles dispara�tre mais elles ont commenc� � enregistrer des b�n�fices. Les taxes municipales ont �t� limit�es � 5% par comparaison aux 6-7% d�autres villes comparables. Environ un an plus tard, une soci�t� ind�pendante a entrepris un sondage sur les sentiments des citoyens � l��gard de la corruption ; un sondage qui montre qu�il reste encore beaucoup de chemin � faire. En voici quelques faits saillants : plus de 76% des personnes interrog�es croient que l��tat ne prot�ge pas convenablement ses citoyens contre les dangers de la corruption et de l�intimidation, les armes utilis�es par les criminels pour infiltrer l��tat et ses institutions ; plus de la moiti� (52,2%) pensent que les auteurs de vols sont rarement punis et plus de 42% pensent que c�est en grande partie vrai ; presque 93% pensent que le syst�me de corruption en Italie n�a pas encore �t� totalement mis � nu ou qu�il reste quelques des zones � explorer ; par contre, on peut se r�jouir du niveau de conscientisation des citoyens, car presque 85% d�entre eux reconnaissent que les co�ts de la corruption sont tr�s �lev�s pour le citoyen ordinaire. Mais depuis l�arriv�e de Berlusconi au pouvoir il y a une dizaine d�ann�es, la corruption est de nouveau partie � la hausse�.