Il y a quelques ann�es encore, quand nos �migr�s d�barquaient au pays, c��tait pour panser les blessures de l�exil et se ravitailler en saveurs et en souvenirs du bled. Aujourd�hui, les choses ont chang�. Autre-temps, autres m�urs. Nos �migr�s viennent passer leurs vacances en Alg�rie mais �galement pour s�approvisionner en produits moins chers. Irane Belkhedim - Alger (Le Soir) - Mourad, vendeur dans une vieille boutique d�artisanat situ�e � la place Maurice-Audin, sourit � la question. �Les �migr�s et les touristes sont comme les criquets, ils rasent tout quand ils rentrent ici�. Une belle m�taphore pour r�sumer la situation. La grande boutique est garnie de jolis articles, c�est une v�ritable grotte � merveilles o� l�on retrouve toute sorte de produits artisanaux. De la vaisselle en poterie ou en c�ramique, des peintures sur toile, des tableaux dessin�s avec diff�rentes couleurs de sable, des tapis berb�res brod�s, des bijoux, des bracelets provenant du Sud et des robes traditionnelles. Trois commer�ants s�affairaient � s�occuper des clients qui affluaient, l�un d�eux discutait m�me en italien avec un touriste. �D�une mani�re g�n�rale, les �migr�s ach�tent tout ce qui leur rappelle l�Alg�rie. Il m�arrive de leur proposer des articles marocains ou tunisiens mais ils refusent. Ils r�clament un produit traditionnel local�, affirme Mourad. Toutefois, ces clients ne trouvent pas tout ce qu�ils cherchent, particuli�rement les choses d�antan qui �voquent le pass�, l�histoire et la tradition locale. �Par exemple, le tadjine alg�rien moul� dans le cuivre et fabriqu� � Constantine est introuvable sur le march�. Il faudrait le commander chez l�artisan �. Une situation que Mourad justifie par la hausse des prix de la mati�re premi�re, ce qui a pouss� les artisans � r�duire leur production. L�abondance n�est plus permise. �Je leur ai plusieurs fois propos� des tadjines marocains ou tunisiens, mais ils demandent le tadjine constantinois. Ils repartent bredouilles et je n�y peux rien�. Mourad est formel, ces achats sont souvent des cadeaux qui seront offerts � des amis ou � des proches d�outre-mer puisque avec ses camarades, il emballent beaucoup de paquets et les d�corent avec la fameuse �tiquette �plaisir d�offrir�. C�est pendant la p�riode des vacances, pr�cis�ment entre les mois de juillet et ao�t que la boutique enregistre une affluence des �migr�s et de quelques touristes. �Dans l�ann�e, ils commencent � taper � notre porte � partir de mai. L�activit� se meurt en hiver�, estime Mourad. Ag� d�une cinquantaine d�ann�es, Abderaouf tra�nait dans la boutique � la recherche d�un cadeau pour son �pouse, il a fini par choisir un joli bracelet targui qui co�te 4 000 dinars. Il a d�j� achet� deux robes berb�res pour ses deux filles �g�es de dix et douze ans. �Je ne suis pas kabyle mais je tiens � ce que mes enfants soient impr�gn�s de la culture du pays�. Etabli en France depuis longtemps, Abderaouf revient au pays une � deux fois par an. �Une fois pour la famille et la seconde pour mes enfants pour qu�ils connaissent mieux le pays et ses traditions�. L�occasion pour ce p�re de famille de s�approvisionner en souvenirs du pays et d�offrir des cadeaux � ses amis fran�ais. Il ne se prive pas : Dattes, couffins traditionnels, sacs en cuir et diff�rentes sortes de g�teaux, Abderaouf fait le plein. �C�est indispensable, chaque fois que je suis ici, je fais des achats. C�est oblig� �, assure-t-il. Chaque fois qu�elle revient au pays voir les siens, Khadidja tra�ne dans les commerces de l�artisanat. �J�ach�te ce qui est produit ici. Par exemple, les tableaux qui repr�sentent La Casbah, ils sont tr�s beaux, ce sont des choses que je garde chez moi pour �tre dans l'ambiance du pays. J'aime aussi les roses de sable, elles sont exotiques et �voquent un pays lointain. J�ach�te �galement des bijoux atypiques, des tenues d�int�rieur, g�n�ralement c�est pour offrir�. Dans sa maison � Montr�al o� elle vit avec son mari et ses filles, Khadidja d�core son int�rieur de diff�rentes tasses de th�, de la vaisselle en porcelaine color�e ou dor�e, de bo�tes � bijoux et de cendriers traditionnels. Un �tr�sor� qu�elle a d�nich� � Ryadh El Feth. Un d�cor aux parfums du bled auquel elle y tient, c�est sa fiert� et ses origines. Ils boudent l�informatique et se ruent sur l��lectrom�nager Kamel, propri�taire d�un magasin de micro-ordinateurs et d�accessoires informatiques sis � la rue Hassiba-Ben-Bouali, assure que les �migr�s trouvent sa marchandise ch�re. �Ils viennent ici, examinent mes articles et font imm�diatement la conversion du dinar � l�euro. Puis ils repartent. Ils n�ach�tent jamais rien ici !�. Ouverte depuis deux ans, la boutique propose diff�rents produits informatiques. Micro-ordinateurs portables ou fixes, antivirus, souris, casques� Le jeune propri�taire se r�jouit de l�affluence de la client�le dans cette rue commer�ante, notamment des acheteurs �trangers, des Cubains, des Ukrainiens, des Chinois et des Turcs. �Ils d�barquent g�n�ralement du port d�Alger. Ils viennent s�approvisionner ici quand ils se baladent en ville�. Ne ma�trisant aucune langue �trang�re, Kamel estime que ce n�est gu�re un probl�me, il se d�brouille pour s�entendre avec sa client�le �trang�re. C�t� �lectrom�nager, de nombreux �migr�s se ravitaillent ici, profitant de la diff�rence des prix. Un vieux vendeur, rencontr� au march� Clauzel confie que parmi sa nombreuse client�le, des �migr�s et des touristes europ�ens et asiatiques notamment. �J�ai des amis qui vivent en France et qui s�approvisionnent chez moi. Ils m�appellent avant de venir. Ce n�est pas uniquement des cadeaux qu�ils veulent offrir mais des produits � usage personnel �, dit-il. Dans sa petite boutique, s�entassent toute sorte de produits �lectrom�nagers, des marques fran�aises r�put�es pour la plupart. De la vaisselle, des ustensiles de cuisine, des articles de d�coration, des lustres, des mixeurs, des fers � repasser et des robots. �Ma marchandise provient de France. La semaine derni�re, un Fran�ais �tait rentr� dans ma boutique, examinant ma marchandise, il m�a dit que ce n��tait pas la peine de partir en France parce qu�il y avait tout dans ma boutique�. Une anecdote qu�il raconte fi�rement. Peu prolixe, le commer�ant visiblement frileux, refuse de d�cliner son identit�. �Quand m�me, ne me demandez pas plus que �a !�. Ces �migr�s ach�tent d�ici parce que les prix sont nettement moins on�reux�, pr�cise le vieil homme emballant un robot d�une cliente. Produit fran�ais fabriqu� en Turquie, lit-on sur l��tiquette du produit �crite en arabe. Ru�e sur les v�tements pour enfants Vivant au Canada depuis presque 20 ans, Khadidja a achet� il y a quatre ans � Alger un pull de sport portant le nom de la star franco-alg�rienne du foot Zidane. Une belle affaire qu�elle n�a pas voulu rater. �Je l�ai pay� � 1 000 dinars, �a ne co�tait pas trop cher et �a a fait plaisir � ma jeune fille�. Propri�taire d�une boutique de pr�t-�-porter enfants � Didouche-Mourad, Hakim d�ballait sa nouvelle marchandise. Il se pr�pare certainement pour la f�te de l�A�d. Des chaussures de femmes ornaient sa petite vitrine aux c�t�s de tenues pour enfants. �Les �migr�s ach�tent surtout des v�tements pour enfants�, d�clare le jeune homme. Ses articles provenant de France sont des d�marques, convertis en dinars, le calcul est facile � faire. Les prix sont nettement inf�rieurs. Le prix le plus bas d�un article est de 500 dinars et le plus cher est entre 1 000 et 1 500 dinars. �C�est normal, nos prix sont faibles par rapport � ceux propos�s en France�, insiste Hakim, estimant que tous les ans, en �t� surtout, les �migr�s viennent flairer les bonnes affaires chez lui. Il a sa client�le.