Par Soufiane Djilali* Il est absolument navrant de voir la r�action de nos gouvernants face � la crise alors que le monde entier s�appr�te � vivre des bouleversements profonds dans les mois, voire les semaines et m�me les jours � venir. En l�occurrence, la r�ponse de Monsieur le Ministre des Finances aux pr�occupations l�gitimes de citoyens alg�riens inquiets sur le sort du patrimoine financier du pays ne peut, en aucune fa�on, nous rassurer. Monsieur le Ministre a ainsi avanc� trois �l�ments sur lesquels il fonde sa s�r�nit� : �Nos placements sont s�curis�s sur trois plans : leur capital est garanti, ils sont couverts contre les risques de change et ils sont liquides, c'est-�-dire que nous pouvons les retirer � tout moment�, a-t-il dit. Laissons de c�t� le fait que la d�claration ne l�ve en aucune fa�on les interrogations sur l�opacit� de la gestion elle-m�me de nos avoirs. Mais restons seulement sur la logique d�fendue. 1- Sur la garantie du capital : L�Alg�rie aurait ainsi achet� des bons du tr�sor am�ricain, � faible revenu (en r�alit� avec un taux de r�mun�ration plus faible que le taux d�inflation mondial) mais � la s�curit� totale (l�Etat am�ricain ne pouvant faire faillite). Nous aurions ainsi environ 40% de nos avoirs en dollars et sous forme de T-bonds. Dans cette logique m�me, seule donc cette portion de nos avoirs b�n�ficierait de cette s�curit�, ce qui en soi est d�j� troublant (pourquoi alors ne pas avoir s�curis� 100% de nos avoirs ?). Mais l� o� cette logique prend l�eau, c�est lorsqu�il est avanc� que ce �capital est garanti�. Personne ne disconviendra que le capital soit garanti, le probl�me c�est sa valeur qui ne l�est pas ! La valeur des bons du tr�sor am�ricain est bien entendu en relation directe avec la valeur du dollar. S�il advenait que celui-ci perdait de sa valeur, notre capital en fera de m�me ! Or, la valeur du dollar va baisser in�luctablement et de fa�on importante. Les Etats-Unis (comme la plupart des Etats europ�ens du reste) sont surendett�s. Les derniers �v�nements (n�gociation sur le rel�vement du plafond d�endettement am�ricain et baisse des Bourses mondiales) montrent clairement que le monde s�oriente vers une r�cession d�sormais in�vitable. Le remboursement de la dette est, pour longtemps, impossible par un m�canisme vertueux, c'est�- dire par la croissance. Pas de croissance (autour de 0% actuellement, en n�gatif pour bient�t) pas de nouvelles recettes fiscales, donc pas de possibilit�s de faire face � la dette par ce biais. Que reste-t-il alors pour ne pas d�clarer la faillite ? L�aust�rit� et l�augmentation des imp�ts seront insuffisants, aggraveront la r�cession et entra�neront de graves troubles politiques et sociaux. La d�valuation de la monnaie par l�inflation devient la seule issue. Le dollar pourra ainsi perdre jusqu�� 30% de sa valeur pour r��quilibrer les d�ficits et diluer du m�me coup les cr�ances d�tenues dans le monde (Chine, Japon, Alg�rie�). Autrement dit, pour acqu�rir un quelconque bien, qu�il soit industriel, alimentaire ou autre, il faudra d�bourser, dans ce cas, 30% de plus ! Ce qui revient � dire que nos avoirs en dollars auront perdu 30% de leur valeur (soit le tiers de 173 milliards de dollars) ! Ce raisonnement aurait pu n��tre que de la th�orie. Malheureusement, les march�s nous montrent que c�est exactement ce qui est en train de se passer. En r�alit� et par rapport � l�or par exemple, le dollar a d�j� perdu plus de la moiti� de sa valeur en deux ann�es, passant de 800- 1000 dollars l�once en 2009 � 1700-1800 dollars actuellement. Et c�est loin d��tre fini. Nous pouvons donc logiquement conclure ici, que le dollar est effectivement en train de perdre de sa valeur et que par effet direct, nos avoirs en r�serve �galement. Cela, sans compter que cet argent est immobilis� pour rien ! 2- Sur la garantie contre le risque de change. En diversifiant nos avoirs sur deux principales monnaies (dollar et euro), nos argentiers pensent se donner une garantie en cas de fluctuation de change ; une monnaie gagnant en valeur ce que l�autre perdrait. Cela aurait �t� vrai s�il n�y avait que ces deux monnaies sur les march�s de change, s�il s�agissait de la seule alternative. Or, les march�s offrent de multitudes issues � des investisseurs et � des sp�culateurs cherchant refuge pour fuir les risques. L�euro �tant tout aussi gravement malade que le dollar (bien que pour d�autres raisons), les fonds fuiront et le dollar et l�euro � la fois. Cela explique l�actuelle valorisation de l�or, de l�argent m�tal, des mati�res premi�res ainsi que plusieurs autres devises tels le Yuan, le Yen (malgr� un surendettement japonais), le franc suisse, etc. Autrement dit, miser sur le dollar et l�euro � la fois est un mauvais choix qui aggravera notre situation et ne peut en aucun cas garantir �le taux de change� ! 3- Concernant la liquidit� de nos avoirs. Puisque c�est le cas, il faut alors vite les transformer en valeur s�re. Il aurait �t� intelligent, d�s le d�part, de les laisser en s�curit� en Alg�rie, sous forme d�hydrocarbures dans le sous-sol. Mais puisque notre �or noir� a �t� exhum�, nous aurions pu pr�voir la situation actuelle et transformer nos avoirs en or (avec d�autres, je l�ai propos� en octobre 2009). Nous aurions pu �galement agir avec plus de confiance en soi et avoir une d�marche prospectiviste : depuis au moins 2008, plusieurs secteurs industriels dans le monde sont en souffrance. Il fallait alors racheter partiellement (et � tr�s bon prix) des entreprises performantes, dans certaines activit�s en relation avec nos choix de d�veloppement et d�investissement nationaux. Des n�gociations s�rieuses en liant l�apport de capital de l�Alg�rie et l�ouverture de certains de nos march�s � ces m�mes entreprises nous auraient fait gagner sur plusieurs points : prot�ger nos avoirs, s�introduire dans les secteurs industriels mondiaux, former nos �lites de managers et d�industriels, r�pondre � nos besoins nationaux par le biais d�entreprises internationales li�es � nos propres int�r�ts. Cela n�a pas �t� notre choix. Cela n�a jamais �t� discut�. 4- Question subsidiaire : D�aucuns poseront la question pourquoi donc des pays comme la Chine auraient-ils mis� sur le dollar et les bons du tr�sor am�ricain ? Seraient-ils, eux aussi, si na�fs pour prendre le risque de perdre des centaines de milliards de dollars ? En effet, la Chine, premier cr�diteur des �tats-Unis, d�tient 1 160 milliards de dollars en T-Bonds et de ce fait semble �tre en mauvaise posture. Pourtant, � voir de plus pr�s, le choix chinois est des plus rationnels. D�abord, relativement � sa population, la Chine est beaucoup moins expos�e que l�Alg�rie (rapport de 1 � 5 !). Deuxi�mement, ce capital en dollars n�est pas la contrepartie d�une mati�re premi�re extraite � contre-courant de ses int�r�ts mais le produit d�une mont�e en puissance de l��conomie productive, elle-m�me r�sultant de la d�localisation depuis 30 ans de l�industrie am�ricaine et plus largement occidentale vers ce pays. La Chine a �chang� ses dividendes en dollars contre l�acquisition de la technologie, le savoir, le d�veloppement. C��tait le gage qu�elle devait offrir pour son expansion. C��tait le prix qu�elle devait mettre pour s�offrir les march�s am�ricains et europ�ens. Par ailleurs, dans le cadre d�une �guerre g�ostrat�gique�, que repr�senteraient 1 160 milliards usd pour d�crocher la position envi�e de premi�re puissance mondiale qu�elle est en passe de devenir ? Rappelons au passage que les Etats-Unis ont d�j� d�pens� plus de 3 000 milliards de dollars dans leur guerre � l�Irak. Sans succ�s ! Quant � l�Alg�rie, quels �taient les termes de notre �change avec les Etats-Unis ? Nous leur avons donn� notre p�trole contre du papier imprimerie qui, d�un coup, peut ne plus valoir que le co�t de son impression ! Notre �change ne s�est pas fait au profit du peuple alg�rien mais �de la stabilit� � du pouvoir ! En conclusion, il n�est jamais trop tard pour bien faire. Nos avoirs sont, malgr� les d�n�gations de Monsieur le Ministre des Finances, en danger. Il est d�ores et d�j� illusoire de penser tout r�cup�rer �sain et sauf�. Mais avec une volont� politique sinc�re et surtout sensible � l�int�r�t national et une vision �conomique s�rieuse, des choix bien plus heureux auraient d� �tre faits. Pour la suite, gageons que nos gouvernants viendront nous dire �Allah ghaleb, tout allait tr�s bien chez nous, mais la crise nous est tomb�e dessus venant, comme toujours, de l��tranger !� S. D.