Par Arezki Metref [email protected] Nicolas Sarkozy, p�re adoptif autoproclam� de la �Libye nouvelle�, n'a laiss� aucune chance � la� diversit�. Abondant dans le sens du CNT dont l'orientation arabo-islamique dominante n'a presque rien � envier � celle de Kadhafi, il a d�fini ce qui doit dor�navant constituer la Libye : � arabe ! A Benghazi, le chef de l'Etat fran�ais s'est adress� aux...�Jeunes Arabes !� C'est � croire qu'il n'y a pas de Berb�res en Libye, ou bien, s'ils existent, qu'ils ne sont que quantit� n�gligeable dans la protestation. C'est �videmment tout le contraire. Quelque chose s'est pass� sur le plan m�diatique depuis le d�but du conflit. Aux premiers jours, la presse internationale �voquait le combat des Amazighs libyens dans le djebel Nefoussa et ailleurs en Libye. Puis, plus rien ! Il n'y en a plus que pour le CNT arabo-islamique et surtout pour sa branche qua�diste incarn�e par Abdelhakim Belhadj. Pourtant, avant un basculement dont l'origine doit probablement r�sider dans la prise en compte de la nature id�ologique du CNT, nombre d'articles et d'images ont pr�sent� les Berb�res comme ces r�volutionnaires de l'Ouest libyen qui couplaient dans le m�me combat la fin du r�gime Kadhafi et le renouveau identitaire amazigh en Libye. The New York Timeset The Weekly Standard US, The Guardian et The Economist britanniques, le journal espagnol ABCou m�me la cha�ne de t�l�vision qatarie Al Jazeera ont consacr� de larges reportages aux insurg�s des montagnes du Nefoussa et � leurs revendications dans le cadre de la �Libye nouvelle�. Ainsi, avant m�me l'effondrement des troupes de Kadhafi, les insurg�s ont envoy� depuis la ville de Yafren, haut lieu de la r�sistance anti-Kadhafi et de la revendication amazighe, un message au CNT. La lettre, �crite en tamazight et en arabe, formulait les aspirations que les combattants du djebel Nefoussa souhaitaient voir port�es sur la future Constitution du pays lib�r� des billeves�es du �Livre vert�. Parmi ces exigences, la constitutionnalisation de deux langues, tamazight et arabe, en tant que langues officielles de la Libye. Mais visiblement la messe est dite puisque l'article 1 du projet de constitution rendu public par le CNT dispose que : �La Libye est un Etat d�mocratique ind�pendant dans lequel tous les pouvoirs d�pendent du peuple. Tripoli est la capitale. L'islam est la religion. La charia est la source principale de la l�gislation. L'Etat garantit aux non-musulmans de pratiquer leur rituel religieux. L'arabe est la langue officielle. Les droits linguistiques et culturels des Amazighs, des Toubous, des Touaregs et des composantes de la soci�t� libyenne sont garantis.� Exit ! Si ce projet repr�sente une avanc�e ind�niable par rapport � l�hyst�rie kadhafiste oppos�e � l'identit� berb�re de la Libye, il n'en demeure pas moins tr�s en de�� des espoirs des combattants anti-Kadhafi du djebel Nefoussa. Voil� de quoi d�cevoir les militants des villes berb�res de Yafren, de Nalut et de Jadu qui, comme pour rattraper 42 ans de d�ni identitaire, d�s le d�but des combats, ont ouvert des classes pour enseigner enfin librement tamazight. Ils ont en outre constitu� une force de s�curit� pour se d�fendre et publi� un journal hebdomadaire local, Tamusna (la connaissance, la sagesse). Tout un travail de recueil des dol�ances des Berb�res a �t� r�alis� par les leaders nefoussis pour que la langue tamazight soit l'�gale de l'arabe dans une Libye d�mocratis�e sur la base de la tol�rance et du respect des droits de chacun. Ce n'est pas la premi�re fois dans l'Histoire que les Berb�res libyens se voient confisquer leur victoire. Ce furent essentiellement les tribus berb�res qui conduisirent la r�sistance contre la conqu�te italienne de 1911. Pourtant, le royaume f�d�ral de Libye qui h�rita du nom d'une tribu berb�re, les Libous (sous l'Empire romain le nom Libye d�signait l'ensemble de l'Afrique � l'ouest du Nil), constitu� � l'ind�pendance du pays en 1951 sous la banni�re du roi Idriss, chef de la confr�rie des Senoussis, va se h�ter de rejoindre la Ligue arabe en 1953. Le panarabisme galopant dans le monde arabe de l'�poque n��pargnera naturellement pas la Libye, et ne tardera pas � g�n�rer des tensions internes entre les Berb�res et le pouvoir central. Le coup d'Etat de Kadhafi en 1969, d'inspiration nass�rienne, met en pratique une politique culturelle et linguistique exclusivement arabis�e bas�e sur l'interdiction et la violente r�pression de la langue et de l'identit� amazighes. D�s le d�but de son r�gne, Kadhafi arr�te les militants amazighs, pour les emprisonner ou carr�ment les liquider. Ferhat Ammar Hleb, un ancien �tudiant aux Etats-Unis, militant respect� de la cause berb�re, fut pendu sur la place publique dans sa ville natale de Zouara en juin 1985. Il fallait faire un exemple. Echec de la barbarie dissuasive ! �a n'a jamais emp�ch� des centaines de jeunes Berb�res de continuer � militer pour tamazight, narguant le f�roce appareil policier de Kadhafi. La pratique de tamazight a �t� interdite en public par le �Guide�. Les livres r�dig�s dans la langue originelle de la Libye furent br�l�s en autodaf�s rappelant de sinistres pr�c�dents en Europe. Des tueurs du r�gime libyen assassin�rent jusque dans l'exil des militants berb�res � l'instar des autres opposants. Jusqu'aux conversations t�l�phoniques en berb�re qui �taient intercept�es et r�prim�es. Pourtant, la population libyenne est constitu�e essentiellement de Berb�res dont une bonne partie a �t� arabis�e. La berb�rit� de la Libye est une certitude historique d�j� �nonc�e par H�rodote (484 avant J.C.) M�me si leur apport a �t� d�cisif dans la chute de Kadhafi, les Berb�res de Libye vont-ils voir leurs revendications refoul�es derri�re les exigences strat�giques arabo-islamiques que les puissances de l'Otan partagent avec les r�gimes r�actionnaires du monde arabe ? Esp�rons que non.