Par Mohamed Ma�rfia, moudjahed 6. L�ANP de Houari Boumedi�ne �L�ANP c�est l��uvre des hommes de toute une g�n�ration. Il en fait sa chose. Sa chasse gard�e. Son instrument. Le mythe par lequel il effraie et dissuade. Il en est le patron, jaloux de tout ce qui la concerne : les mutations, les promotions, les mises � la retraite ou les sanctions. Sa gestion des carri�res est tatillonne. Aucune d�cision n�est prise sans son aval. M�fiant, il a bloqu� l�avancement, la formation de grandes unit�s op�rationnelles. Tout ce qui peut inspirer des candidats aux pronunciamientos est �cart�. Pas de g�n�raux, surtout pas de g�n�raux ! L�exemple de la Syrie et de l�Irak sont l� pour lui rappeler l��quation moyen-orientale (1 g�n�ral + 1 grande unit� = 1 coup d�Etat)�. (C�est l�ancien chef de l�arm�e, Khaled Nezzar, qui le dit. Voir Le Proc�s de Paris, �ditions Mediane, p. 33). Le Conseil de la r�volution semble la politiser. Les chefs de r�gion en sont membres, mais, en fait, ils demeurent �cart�s du vrai pouvoir qu�il s�est fait tacitement d�l�guer� puisqu�il est leur chef. Curieuse position que celle de ces hommes politiques auxquels il est interdit de faire de la politique ! Ils m�nent une vie de ch�teau dans leurs lointaines sin�cures : Abdelghani, Chadli Bendjedid (le futur avatar de son syst�me), Sa�d Abid, Abdallah Belhouchet, ou encore Mohamed- Salah Yahyaoui. Craignant l�entente des chefs, pour assurer son avantage, il ne fait rien pour combler les lignes de fracture qui se r�v�lent entre les �coles, les parcours ou les g�n�rations. Les animosit�s, les r�criminations des uns contre les autres, souvent �tal�es au grand jour, assurent son incontournable arbitrage. Il est convaincu que seul Chabou, qui l�a s�duit par son s�rieux, sa comp�tence et sa fid�lit�, est � m�me de r�pondre � son attente et qu�il est digne de sa confiance. Mais Chabou n�a pas �la mani�re�. Fort du pr�jug� dont il b�n�ficie aupr�s du �patron�, il va droit son chemin pour remplir son cahier des charges. Chabou a une vision moderne de l�arm�e et envisage son action comme le prolongement naturel de l�entreprise qu�il a commenc�e en Tunisie. Peu lui importe ce qu�on pense de lui. Il tient pour n�gligeables les �tats d��me des anciens maquisards. Mut�s contre leur gr�, maintenus dans des grades subalternes, d�mobilis�s � tour de bras, ils ont fini par nourrir contre lui une haine tenace. Certains hauts dignitaires de l�arm�e, et � leur t�te Sa�d Abid, ainsi que des officiers de l�entourage de Zbiri, f�ch�s de la concurrence qui leur est faite, et qui leur obstrue des perspectives all�chantes de carri�re, ont introduit d�une fa�on non fond�e leurs dol�ances personnelles dans un contentieux politique de dimension nationale, sans crainte de discr�diter les arguments honorables du chef d��tat-major. �On ose � peine imaginer ce qui serait advenu de l�ANP si�� Il est certain que m�me si l�espace couvert par ces points de suspension avait �t� rempli, ces officiers m�contents auraient �t� d��us dans leur attente. Zbiri avait une toute autre vision de l�ANP. Chabou est accus� de pr�parer son propre lit en favorisant l�entrisme des DAF (d�serteurs de l�arm�e fran�aise, � ne pas confondre avec les jeunes officiers arriv�s en 1957 et 1958). Chabou, qui recherchait l�efficacit�, avait organis� leur arriv�e massive apr�s le cessez-le-feu. Khaled Nezzar exclura ces DAF des rangs de l�arm�e en 1988, y compris, h�las, ceux qui �taient brillants sur le plan technique. La mainmise sur les principaux centres de commandement de ces hommes confortent leurs opposants dans leur certitudes, c�est, selon beaucoup d�anciens maquisards � dont Sa�d Abid, surtout Sa�d Abid �, la preuve absolue de l�existence d�un complot inspir� par une main �trang�re. Oufkir � Rabat, Chabou � Alger seraient �les artisans discrets et patients d�une in�luctable prise du pouvoir, encourag�e par les Fran�ais, dans cette partie de l�Afrique du Nord�. Alors le secr�taire g�n�ral devient le sujet de toutes les conversations. Dans certains salons o� tr�nent, sur l�acajou des commodes, des casquettes rutilantes, les m�chancet�s fusent : �son chien qui d�vore par jour ce que mangent dix djounoud � ; �sa chasse aux moudjahidine� (La ranc�ur de ce brave maquisard mis d�office � la retraite (Cha�b Hamed, l�homme qui portait l�uniforme avec la prestance d�un mar�chal) � reconverti dans le taxi clandestin � et qui r�p�tait comme un disque ray� : �Chabou el-khabith khalani n�ffroti.� Son �pouse �trang�re �au courant des dossiers int�ressant la D�fense nationale� ; �son insistance pour se faire recevoir par Brejnev pendant une mission technique � Moscou�, �les dossiers qu�il tient sur certains hauts dignitaires de l�arm�e� (Chabou � et c�est tout � son honneur malgr� les tirs convergents de la calomnie � n�utilisera jamais les dossiers explosifs qu�il poss�de sur ceux qui d�versent sur lui leur fiel). Quand un proche le met en garde lorsque la cacophonie monte crescendo, il ouvre un tiroir et dit en soupirant : �A quoi bon leur r�pondre ? Cela ne servirait pas l�institution si j��talais tout ce que j�ai l� !� ; �son d�tour par l��le de Brioni pour un t�te-� t�te avec Tito, au retour d�un voyage priv� en Allemagne�. Mais le plus �grave�, selon ses d�tracteurs, c�est le favoritisme syst�matique dont il fait montre envers �les anciens tricolores�. Ils visent, ce disant, non pas les DAF, mais la cohorte des jeunes patriotes venue en 57, 58 et 59, qui ont fait leurs preuves dans tous les djebels d�Alg�rie. L��il f�roce de la calomnie relustre d�un vernis ind�l�bile des couleurs en v�rit� bien pass�es. Des langues vip�rines transforment de simples rencontres conviviales d�anciens camarades de r�giment en dangereux conciliabules. Devant tant de rumeurs, de fl�ches empoisonn�es, de mensonges, cette cat�gorie de cadres de l�ANP serre les rangs autour de Chabou, devient un bloc monolithique et tient comme une n�cessit� vitale la protection du ministre de la D�fense. N�aspirant � rien d�autre qu�� servir l�arm�e de leur pays, ils se rendaient � une �vidence d�montr�e tous les jours : Houari Boumedi�ne �tait un moderniste d�complex�. Apr�s avoir jet� pendant la guerre de Lib�ration les fondations de l��difice militaire, il le structurait �tage par �tage. Ils �taient fiers d�en �tre, eux, les ma�tres d��uvre et l�armature. Ils trouvaient en lui un chef attentif � leurs soucis, quelques fois non sans humour. �Elevez toujours davantage le niveau de vos hommes, el-kazdir (la ferraille) j�en fais mon affaire !� A Moscou (l�anecdote les charma), Malinovski levant son verre � la sant� de son h�te qui buvait de l�eau d�clama � la cantonade : �Soyez tous t�moins, pour chaque verre de vodka que boira le camarade Boumedi�ne j�offrirai un tank � l�Alg�rie !� � �Daignez, camarade Malinovski, que je d�l�gue cet honneur au commandant Abdelmoumen, notre attach� militaire ici pr�sent. Mais de gr�ce, r�fl�chissez bien avant d�accepter car, en une seule nuit, les d�p�ts de l�Arm�e rouge seraient vid�s !� r�torqua l�autre. Abdelmoumen, qui faisait semblant de boire de la limonade, demande derechef une bouteille de �smirnoff�. Il accepte de leur part ce qu�il n�admet chez personne d�autre : la critique de certaines de ses d�cisions relatives � l�ANP. Il sait qu�elle part d�un bon sentiment, qu�elle a �t� formul�e dans l�int�r�t de l�arm�e et qu�elle est � mille lieues de la politique. Il ne se formalise pas. Il �coute et corrige le tir quand il est convaincu. Ces �sorties� lui permettent de contr�ler, par le ricochet des hommes de terrain, le travail du secr�tariat g�n�ral ou des directions centrales du MDN. Depuis qu�ils ont rejoint l�ALN, en groupes ou en rangs dispers�s, ils ont connu toutes les difficult�s et subi brimades et humiliations. Ils ont surmont� l�adversit� et d�montr� ce qu�ils �taient en r�alit� et ce qu�ils �taient capables de faire � la t�te de bataillons d��lite. Des centaines d�entre eux sont morts les armes � la main face � l�ennemi. En �crivant ces lignes, mes pens�es vont au chahid Youcef Latr�che, transfuge du camp �d�El-Btiha�, et aux autres d�serteurs de l�arm�e fran�aise qui inscrivirent sur les flancs calcin�s du djebel El- Mouadj�ne (26 avril-3 mai 1958), lors de la bataille de Souk-Ahras, une imp�rissable page de gloire. (De ceux-l�, personne n�en parle). Khaled Nezzar a r�sum� avec beaucoup de hauteur la nature des sentiments qu�il a inspir�s � certains moudjahidine et comment, lui, il a r�agi. Chacun de ses camarades auraient pu �crire ces lignes. �Je n�ai jamais pr�tendu faire descendre un a�n� de son socle, pourvu que sa fiert� soit celle que le v�t�ran retire du poids des �preuves pass�es. Je refuse que la qualit� d�ancien autorise la d�rision ou pis, la suspicion. Venu tardivement, au gr� de certains, j�avais l�ambition de mettre les bouch�es doubles, non pour qu�ter des satisfecit mais pour apporter plus intensivement ma pierre � l��difice. Je ne c�derai jamais devant l�arrogance ou la calomnie, qu�elles s�expriment par des mots directs ou des allusions perfides.� Boumedi�ne engrange, lui, lui qui a laiss� dire et quelques fois faire, les dividendes inestimables de la fid�lit� inconditionnelle � sa personne. L�escadron d��lite qui a �t� � ses c�t�s dans les �preuves pass�es sera plus que jamais pr�sent dans ce qui s�annonce. Ceux parmi les protagonistes des �v�nements qui ont eu lieu en novembre et en d�cembre 1967, et qui ont t�moign� par l��crit, l�ont fait selon leur propre compr�hension des enjeux d�alors. Trop proches sans doute du foyer principal, �blouis par leurs certitudes, ils n�ont pas compris les enjeux de la crise qui a abouti � l�effusion de sang du 14 d�cembre 1967. Ceux qui ont vu la position de Zbiri comme une tentative d��liminer les officiers venus de l�arm�e fran�aise qui commen�aient � investir les principaux centres de commandement de l�ANP ont fait une lecture erron�e de la r�alit�. Tahar Zbiri n�a jamais consid�r� les jeunes Alg�riens d�serteurs de l�arm�e fran�aise autrement que comme d�authentiques moudjahidine, dignes de consid�ration et de confiance. Certains d�entre eux, parmi les plus connus, alors que Zbiri, son �chec consomm� et accul� � l�exil et � l�errance, auront une position exprim�e courageusement au p�ril de leur carri�re. C�est Mohamed Boutella qui dira : �L�Alg�rie a perdu son �Che Guevara��, ou encore Selim Sa�di, lequel protestera v�h�mentement devant des exc�s auxquels se livraient des agents trop z�l�s de la SM. Il interdira que l��cole des blind�s de Batna, qui d�pendait de lui, soit utilis�e pour des interrogatoires muscl�s. C�est Khaled Nezzar, qui, confront� � des actes de pillage de biens de l�ANP par des responsables militaires, aura devant des t�moins, qui s�empresseront d�aller le r�p�ter, une r�flexion qui lui vaudra les foudres de Chabou : �Tahar Zbiri avait donc raison de s�insurger !� C�est Beka Abdennour qui interc�dera pour de nombreux anciens compagnons victimes des grandes purges qui ont suivi le 14 d�cembre alors que lui-m�me a eu gravement � p�tir des agissements des partisans de Zbiri. Les reproches faits � Chabou par Zbiri concernaient le SG du MDN, �s qualit�s, pour sa gestion envahissante et son m�pris de la hi�rarchie et nullement pour la premi�re partie de sa carri�re militaire parce qu�il l�avait commenc�e dans l�arm�e fran�aise. 7. Le d�fil� de l�angoisse 1er novembre 1967, le d�fil� militaire, avenue de l�ALN, va bient�t commencer, mais o� est donc le chef d��tat-major? Allahoum, le chef du protocole du Pr�sident, t�l�phone sans discontinuer. Tahar Zbiri ne viendra pas. On ne peut plus attendre. Le d�fil� s��branle, conduit par le colonel Abbes. La nervosit� des officiels n��chappe pas aux diplomates pr�sents. Il se passe quelque chose d�inhabituel. Boumedi�ne, d�habitude impassible, est bl�me. On l�entend interroger Merbah : �O� est Sa�d Abid ?� Il est intrigu� par l�absence du chef de la premi�re R�gion militaire. �Il est all� s�inqui�ter de l�absence de si Tahar�, r�pond Merbah. Merbah, qui a fait son boulot pour s�curiser les lieux, vient juste d�apprendre que les engins qui commencent � d�filer sont pourvus en munitions et que Houasnia, le chef du premier bataillon de chars, a fait armer ses canons juste avant de quitter sa caserne. Il en informe aussit�t Boumedi�ne. Le Pr�sident ne bronche pas. Il demande encore une fois : �O� est Sa�d Abid ?� Sa�d Abid qui vient de revenir se rapproche du Pr�sident : �Si Tahar est malade.� Boumedi�ne hoche la t�te de haut en bas, sans dire un seul mot. Ils sont deux � comprendre � lui et Boumedi�ne � que Zbiri vient d�engager l��preuve de force. Mais il n�est pas inquiet outre mesure. Il conna�t suffisamment Zbiri pour savoir que ce dernier n�est pas homme � faire tirer sur la foule. Les engins du premier bataillon de chars passent dans le fracas des chenilles. Aucune tourelle n�a orient� ses tubes vers la tribune officielle. Boumedi�ne semble perdu dans ses pens�es. Malgr� la fra�cheur de la matin�e, une goutte de sueur perle sur son nez. Il l�essuie du revers de la main. Lorsque les �BTR� arrivent � sa hauteur, il penche le buste vers l�avant, les mains crisp�es sur le bord du si�ge, comme s�il voulait plonger ou se lever brusquement. Sit�t le d�fil� termin�, Sa�d Abid se pr�cipite chez Zbiri, au chemin Poirson sur les hauts d�El-Biar. Zbiri n�est plus � son domicile, il s�est retranch� aupr�s des tankistes du premier bataillon de chars casern�s au Lido, � la p�riph�rie est d�Alger, qui viennent juste de rentrer de la parade. Il court en informer Boumedi�ne. Le lieutenant Layachi Houasnia, chef du premier bataillon de chars, qui vient de recevoir le chef d��tat-major, est un maquisard de la premi�re heure. Il a servi longtemps sous les ordres de Zbiri lorsque ce dernier �tait le responsable du troisi�me bataillon de la base de l�Est. C�est ce m�me Houasnia, qui par l�action qu�il a men�e le 11 janvier 1958 contre des unit�s ennemies en op�ration dans le djebel El-Ouasta, � quelques kilom�tres de la fronti�re alg�ro-tunisienne, a provoqu� la r�plique de l�aviation fran�aise contre la ville de Sakiet-Sidi-Youssef. Les cinq prisonniers fran�ais que Houasnia a ramen�s ont �t� l��l�ment passionnel qui a induit une extraordinaire acc�l�ration des �v�nements en France et en Alg�rie. Cette dynamique aliment�e en �nergie par les vocif�rations des ultras d�Alger et de leurs lobbies parisiens aboutira, quelques mois plus tard, � la chute de la IVe R�publique. Personne ne doute que cet officier ex�cutera les ordres de Zbiri quels qu�ils soient. Au minist�re de la D�fense, Chabou commence f�brilement � pr�parer des parades, �au cas o���. Sa�d Abid, effar� par le remue-m�nage qui y r�gne, rassure tout le monde et demande instamment � Chabou et � Rachid Medouni, chef du g�nie militaire, qui joue les mouches du coche, de ne pas �jeter encore de l�huile sur le feu� et il ajoute : �Il n�y a aucune conjuration. Il n�y aucun danger. � Si Tahar, selon lui, �a c�d� � un acc�s de col�re� et il se fait fort, lui, Sa�d Abid, de le ramener chez lui le soir m�me. Pour Boumedi�ne qui ne s�attendait pas � cette brutale �volution de la situation, le plus urgent est de gagner du temps, pour voir clair autour de lui. Tandis qu�il autorise Sa�d Abid � promettre � Zbiri tout ce que ce dernier exigera, il prend quelques pr�cautions� Zbiri, press� de toutes parts et ayant la garantie des principaux chefs de r�gion pour sa s�curit� et pour la mise en �uvre des changements qu�il n�a cess� de demander depuis des mois, quitte ses retranchements et retourne chez lui. Ce n�est pas une retraite sans gloire. Au contraire, il pense qu�il a d�sormais de son c�t� les chefs de r�gions qui comptent : la premi�re qui commande Alger et la troisi�me la plus importante sur le plan des moyens militaires. Les autres feront ce que d�cidera la premi�re, � moins de passer de force � travers les d�fenses de cette derni�re, si jamais son chef d�cidait une action contre le r�gime. Boumedi�ne sent le vent du boulet. Zbiri a �branl� le socle sur lequel repose son r�gime. Il n�est plus s�r de rien. De la premi�re r�gion surtout, malgr� les d�n�gations de son chef. Ce dernier s�est rendu suspect � ses yeux depuis qu�il n�a pas voulu entendre parler d�une mise � l��cart brutale de Zbiri propos�e par Medeghri. Bien que la fonction de chef d��tat-major de Zbiri est purement nominative, (Boumedi�ne ayant tout fait afin que Zbiri n�ait aucun commandement direct sur les unit�s op�rationnelles), l�homme reste cependant capable de renverser la situation � son profit. Les chefs de bataillon, dans leur majorit�, lui vouent de la consid�ration et ils peuvent tr�s bien r�pondre � son �ventuel cri de ralliement et ex�cuter ses ordres. Sur les plans moral et politique, sa position est inattaquable. Elle lui a valu les adh�sions et les sympathies de nombreuses personnalit�s et d�une grande partie de l�opinion publique. Son prestigieux pass� et ses �tats de service l�autorisent � pr�tendre corriger �le redressement� du 19 juin. Boumedi�ne sait que les responsables faisant partie de son r�gime cherchent � se mettre dans les bonnes gr�ces du chef d��tat-major et lui adressent des signaux discrets. Houari Boumedi�ne, au cours de la premi�re d�cade du mois de novembre 1967, sent le sol se d�rober sous ses pieds. Le danger ne vient plus d�un opposant politique r�fugi� � l��tranger et rappelant son existence par quelques tracts circulant sous le manteau. Il vient du sein m�me de l�arm�e, ce mythe qui garantit son pouvoir. Alors Boumedi�ne, pendant que Chabou fait son travail, engage le dialogue avec Zbiri. Le 7 novembre, il se rend personnellement au domicile de ce dernier. La confrontation est houleuse. Boumedi�ne reproche � l�ancien chef de l�Aur�s de vouloir faire �clater la coh�sion de l�arm�e. L�autre lui r�pond : �C�est toi qui l�implique et la compromet ; quant � ma position, dois-je, sous pr�texte de discipline, ent�riner toutes tes d�cisions ?� et d�ajouter un pour m�moire cinglant : �Lequel d�entre nous n�a pas h�sit� pour des consid�rations de pouvoir � entrer en dissidence contre le GPRA, alors que l�Alg�rie avait encore le couteau sur la gorge ? Lequel de nous n�a pas h�sit�, en juillet 62, � ordonner, � partir de Bou Sa�da, � ses bataillons de s�ouvrir la route d�Alger � coups de �douchka� ? � Tu �tais l�-bas, Tahar ? � Oui, j�y �tais, h�las, mais lequel d�entre nous a refus� toute id�e de dialogue ou de compromis ?� C�est un langage de sourds entre les deux colonels. L�un ne voulait voir dans le 19 juin qu�une simple �tape ; pour l�autre, c��tait d�j� un pi�destal !... Ils se s�parent, l�un ravalant sa col�re, l�autre sa d�ception. Le 17 novembre, une nouvelle entrevue a lieu entre les deux hommes dans la petite villa du Golf, � deux pas de la pr�sidence. Dans le d�cor spartiate du salon, Boumedi�ne r�sume sa position : �Tahar, pour moi le tableau n�est pas aussi noir que tu le d�cris !� L�autre l�interpr�te ainsi : �Il n�y a donc rien � changer !� Puis Boumedi�ne ajoute, rassurant sur ses intentions : �Je ne suis pas Staline qui a liquid� ses compagnons.� Ce sera la derni�re fois que les deux hommes se rencontrent. Les jours s��coulent et la tension monte. Chacun compte les siens. Boumedi�ne re�oit des rapports inqui�tants : les commentaires d�faitistes de Djamel C. Belkacem, les paroles ambigu�s de Bouteflika, �Si Tahar est un homme de l�Est adopt� par les hommes de l�Ouest exactement comme si Boumedi�ne� ; jamais �quidistance n�a �t� aussi clairement formul�e. La sentence a r�p�tition de Sa�d Abid (servie � Zbiri tous les matins) �Mouss ouahed yadbahna� (notre sort est li� pour le meilleur et le pire) et aussi la conclusion de Draia apr�s l�interm�de du Lido : �Si Tahar n�aurait jamais d� s�arr�ter en si bon chemin !�L�alerte devient s�rieuse quand il apprend qu�un officier, pourtant issu du m�me terroir que lui, le capitaine Kamel Ouartsi, pour lequel il nourrit de l�estime pour le grand nom qu�il porte et pour ses �tats de service, a os� le d�fier en allant haranguer dans l�enceinte m�me de l�Acad�mie interarmes de Cherchell les chefs de bataillon. Il parodie sans le savoir, celui qu�indign�t jadis la pr�sence de Brutus dans la cohorte des assassins : �Toi aussi, mon fils !� Kamel Ouartsi, rejeton d�une vieille famille guelmoise, qui a tant donn� � l�Alg�rie, maquisard de la premi�re heure, avait simplement choisi son camp, selon sa conscience. C�est � partir de ce jour que Boumedi�ne commence � se r�fugier, chaque nuit, dans une caserne tenue par des fid�les. Il tient d�sormais pour suspect le ton l�nifiant des rapports de ses services. �Vous ne me ramenez que de la boue alors qu�une poign�e d�hommes a mis le pays et l�arm�e sens dessus-dessous !� fulmine-t-il. M. M.