Apr�s avoir consacr� son premier documentaire aux massacres du 8 Mai 1945, la cin�aste-documentariste Yasmina Adi r�cidive avec, cette fois-ci, le traitement des massacres du 17 Octobre. Son film s�intitule Ici on noie les Alg�riens . Nous avons eu le privil�ge de le voir en avant-premi�re, avant sa sortie nationale en salles le 19 octobre � Paris. A Alger, le film sera projet� en avant-premi�re le 22 octobre � la salle El-Mouggar. Durant 90 minutes, la r�alisatrice, qui m�le photos d�archives souvent in�dites et t�moignages, a mis en relief les atrocit�s commises et toutes les �manipulations� pour tenter de les occulter. Tout au long du film, elle s�efface totalement y compris lorsque les t�moins s�expriment, pour laisser parler ceux qui ont v�cu ces �v�nements dans leur chair et ceux qui y ont perdu des �tres chers, et mettre � l��cran les images d�archives suffisamment parlantes. Le fil conducteur du documentaire est le t�moignage de Mme Khalfi, dont le mari a disparu au cours de ces massacres ; sa douleur, sa recherche d�sesp�r�e pour le retrouver, le mur du silence b�ti par les autorit�s sur sa qu�te de v�rit�. Elle n�est pas le seul t�moin, il y en a beaucoup d�autres qui se sont exprim�s pour la premi�re fois, dit Yasmina Adi, sur les �v�nements qu�ils ont subis et qui ont �t� longtemps tus. Les photos et documents film�s d�archives sont particuli�rement saisissantes. Pour la premi�re fois, � notre connaissance, le centre de commandement de la police est pr�sent�. C�est de cette immense salle que les ordres sont donn�s � la police pour charger et en m�me temps camoufler les actions r�pressives. La froideur du lieu et des op�rateurs du centre n�a d��gale que celle que ces flics vont r�server aux �musulmans alg�riens � c�est ainsi que la population alg�rienne �tait d�sign�e dans la terminologie de l��poque et qui ressurgit d�ailleurs dans le contexte actuel. La r�alisatrice ne s�arr�te cependant pas � cette salle op�rationnelle. Elle int�gre des images du Conseil des ministres en pr�sence de de Gaulle, et o� l�on voit et entend Roger Frey, le ministre de l�Int�rieur de l��poque, donner ses instructions en faisant monter en puissance la r�pression et d�cider de l�expulsion en Alg�rie des manifestants. Ainsi, Yasmina tente par ces images r�elles, prises dans le feu des �v�nements, de montrer que Papon n��tait pas le seul responsable et qu�il avait au-dessus de lui des chefs qui lui indiquaient ce qu�il y avait � faire et que ces responsables directement impliqu�s justifie que l�on parle aujourd�hui de �crime d�Etat qu�il faut reconna�tre�. Les autres documents insoutenables sont ceux du tarmac de l�a�roport d�Orly vers lequel sont dirig�s des centaines d�Alg�riens, entass�s dans des bus, dans un sale �tat et qui �taient ignorants de leur destin, jusqu�� ce qu�ils soient parqu�s comme des animaux dans des avions pour �tre expuls�s en Alg�rie, laissant femmes, enfants et bagages derri�re eux. Le documentaire est assez exceptionnel. Il p�che cependant par un manque : celui de ne l�avoir pas situ� dans le contexte de l��poque ; celui qui a engendr� ces manifestations. A l�issue de la projection, une enseignante reprochera tr�s justement � la r�alisatrice d�avoir trop jou� sur l�affect, la douleur des t�moins, et le risque lui dit-elle, c�est de passer � c�t� de l�histoire. A cela, Yasmina Adi r�pond que son but (comme elle l�explique dans le dossier de presse) n��tait pas de faire �un documentaire historique classique mais de souligner la dimension humaine de cet �pisode trop longtemps tu�. �J�ai voulu, dit-elle encore, que le spectateur se fasse sa propre analyse et j�ai voulu mettre les femmes en avant dans ce film parce qu�on a peu parl� de leur r�le pendant la guerre de Lib�ration.� Son souhait aussi �tait qu�en voyant ce film, les jeunes pourraient se dire : ��a aurait pu �tre ma m�re.� Enfin, une femme fran�aise qui a t�moign� dans le film, et qui est membre du Parti communiste, a reproch� � Yasmina Adi d�avoir pr�sent� intens�ment des images de la SFIO, ce qui peut indiquer que seule cette organisation aurait r�agi contre la r�pression, alors que l�action du PCF a �t� compl�tement occult�e dans le film. Yamina Adi s�est d�fendue d�avoir eu � aucun moment ce parti-pris dans son travail. Les spectateurs alg�riens pourront se faire leurs propres id�es en allant voir ce film le 22 octobre prochain.