De Tunis, Hassane Zerrouky Sans attendre, des milliers de femmes et d�hommes ont manifest� hier � Tunis suite � un appel lanc� sur les r�seaux sociaux pour la d�fense de la la�cit� et de la libert� d'expression. La riposte ne s�est pas fait attendre. Par milliers, dont plus de la moiti� �taient des femmes, les Tunisiens sont sortis hier dans la rue � le boulevard Mohammed V � en riposte � la manifestation violente des salafistes de vendredi dernier contre Nessma TV. �Il est interdit d�interdire�, �Nous sommes musulmans et nous sommes contre l�extr�misme �, �La libert� d�expression est sacr�e�, �Oui � la d�mocratie et aux libert�s �, lisait-on sur les pancartes port�es par les manifestants qui scandaient �Le peuple veut un Etat civil�. La manifestation s�est d�roul�e dans le calme. Les participants, qui voulaient se rendre dans le centre-ville, avenue Bourguiba, en ont �t� emp�ch�s par un cordon de policiers. Sans doute pour �viter un affrontement avec les salafistes du parti Tahrir, non reconnu par les autorit�s. Comme lors des �v�nements qui ont pr�c�d� la chute de Ben Ali, l�appel � la riposte a �t� lanc� par quelques individus sur les r�seaux sociaux, dont Facebook. Pas un journal ne l�a relay�. Les Tunisiens n�ont pas attendu que les partis d�mocrates et progressistes lancent un appel pour r�agir et se mobiliser. Ils ont choisi de se prendre en charge et ne pas laisser le terrain aux islamistes salafistes qui avaient tent� d�incendier vendredi dernier Nessma TV et prof�r� des menaces de mort contre ses animateurs. Coutumier du double langage, les propos du chef d�Ennahda, Rached Ghanouchi, affirmant qu�il soutenait �le droit du peuple tunisien � d�fendre sa religion�, assimilant les salafistes au �peuple tunisien�, tout en estimant que son parti est totalement �tranger �� ces actes de violence� ont glac� une partie des Tunisiens. Une jeune militante d�Ennahda, portant une pancarte demandant �le respect de la libert� d�expression�, a �t� quelque peu malmen�e par un groupe de manifestants anti-islamistes. C�t� partis politiques, seuls Ettakatol de Mustapha Ben Jaafar, qui s�est prononc� contre une �alliance avec Ennahda�, le parti d�mocrate progressiste (PDP) de Maya Jbiri, ainsi qu�Ettajdid ont d�nonc� ces actes de violence. Selon Ahmed Brahim, secr�taire g�n�ral d�Ettajdid, qui fait partie d�une coalition �lectorale, le P�le d�mocratique moderniste (PDM), �aujourd'hui en Tunisie, il y a une mouvance moderniste qui cherche � renforcer les libert�s et les valeurs progressistes� et �une seconde mouvance qui souhaite utiliser les sentiments religieux du peuple et qui tente d'imposer un certain contr�le et un mode de vie bien sp�cifique�. Effectivement, la manifestation d�aujourd�hui est symptomatique du clivage politico-id�ologique existant dans la Tunisie post-Ben Ali entre partisans d�une Tunisie moderniste, qui ne veut pas voir les acquis de la r�volution du 14 janvier confisqu�s, et partisans d�une Tunisie r�gressive, en d�pit du discours rassurant d�Ennahda, parti qui a pris le train de la r�volution en marche, et dont le programme n�o-lib�ral a les faveurs de la bourgeoisie commerciale marchande et celles des puissances occidentales. Donn� favori, il pourrait arriver en t�te le 23 octobre face � des partis d�mocrates et progressistes en rangs dispers�s, et disposer d�une marge de man�uvre lui permettant de nouer des alliances avec des r�sidus du r�gime de Ben Ali, en vue d�imposer une Constitution qui laisserait la porte ouverte � la remise en cause des acquis modernistes h�rit�s du mouvement national tunisien.