Mahdi Cherif, officier de l�ANP en retraite, ancien secr�taire g�n�ral de l��tat-major (1963-1967) Ecrire, d�battre, t�moigner, notre pays qui a mal � son histoire a besoin d�une th�rapie de v�rit�. Les Alg�riens veulent savoir qui est qui et qui a fait quoi pour leur bonheur et pour leur malheur. Tahar Zbiri et Mohamed Maarfia ont abord�, chacun selon son angle de vision, la trag�die du 14 d�cembre 1967. Ayant �t� moi-m�me au c�ur de cet �v�nement, j�ai d�cid� d�apporter mon t�moignage. Je le fais pour l�Histoire. Je le fais aussi pour mes compagnons d�armes encore de ce monde et pour mes compagnons d�infortune morts dans l�oubli et quelquefois dans le d�nuement. Je narre ce qui s�est pass� en ce mois de d�cembre 1967 en me sentant comptable devant ma conscience du sens et des poids des mots. �Les grands qui habitent encore le quartier�� (pour paraphraser Mohamed Maarfia) jugeront, texte en main, si je suis dans le cercle �clair� de la v�rit� ou si j�ai emprunt� les tangentes obscures du mensonge. 1. �Moi ! ... Moi quel qu�en soit le co�t ! Ce qui s�est pass� le 14 d�cembre 1967, lorsque les unit�s de l�ANP, fid�les au chef d��tat-major Tahar Zbiri, ont fait mouvement vers le si�ge de la 1re R�gion militaire, a �t� diversement interpr�t�. Mohamed Maarfia, dans les colonnes du Soir d�Alg�rie, vient de s�exprimer sur le sujet. Tous les protagonistes de ce tragique �v�nement auront appr�ci� � j�en suis s�r � l�approche d�passionn�e, impartiale de ce dernier. Le silence de Maarfia, ainsi que celui des autres acteurs, sur ce qui est arriv� aux �conjur�s� apr�s l��chec du mouvement, est une bonne chose. Ne pas en parler n�est nullement de l�autocensure, mais plut�t le respect de sa propre dignit� et un acte de foi dans une Alg�rie future telle que nous l�avons r�v�e. Tout � l�heure, je n��voquerai qu�un seul �pisode du long calvaire qui fut le n�tre, non pour �taler des plaies et des douleurs, mais pour dire la grandeur de notre peuple. Oui, la politique est partout violente. Mais chez nous elle a �t� violente, parce que celui �qui tenait le haut du pav� avait d�fini une r�gle de jeu fond�e sur un th�or�me unique : �Moi� ! Moi, quel qu�en soit le co�t !� Mohamed Maarfia s�est longuement �tal� sur l�itin�raire de Houari Boumedi�ne. Il a �voqu� l�homme et ses proc�d�s. Houari Boumedi�ne avait une soif inextinguible, incommensurable du pouvoir. H. Boumedi�ne �tait un homme diff�rent � chacune des �tapes qu�il a franchies dans sa lente ascension vers le sommet. Les mots, le masque du visage (les masques), les attitudes lui ont, � chaque fois, compos� un personnage nouveau. Cette aspiration inhumaine � devenir le ma�tre absolu a g�n�r� l��trange alchimie qui a �labor� ces m�tamorphoses. Ceux qui l�ont observ� au moment des coups d�Etat successifs qu�il a perp�tr�s tout au long de sa carri�re ont mesur� � quelques fois � leur grand dam � le Boumedi�ne de l�avant-�v�nement et le Boumedi�ne de l�apr�s-�v�nement. Les hommes qu�il vaincra le 14 d�cembre 1967 ont �t� victimes de la composition d�images de l�avant-19 juin : celle d�un responsable m� par le souci d��pargner � son peuple les effets du pouvoir personnel, sans restriction ni limite de Ben Bella. Les vaincus auront tout le loisir de d�couvrir le vrai Boumedi�ne, sans la feuille de vigne des faux semblants. Pour l�honneur de l�Alg�rie, s�interdire d��voquer le goulag qui fut notre lot apr�s l��chec est un principe que nous respecterons toujours. L��pisode qui va suivre n�est pas rapport� dans le but de se �victimiser � pour qu�ter des compassions ou pour vilipender davantage le r�gime qui s�est d�nud� apr�s le 14 d�cembre, la toile, trop longtemps blanche de ce r�gime, est d�j� sur le chevalet de l�Histoire. L�Histoire ira jusqu�au bout. J�en appelle � nos chercheurs, � nos �th�sards� pour aller au fond des choses afin que le noir apparaisse, afin que justice soit rendue � l�Alg�rie. Un peuple a besoin de hauts faits qui exaltent ses vertus et qu�il peut avec fiert� graver sur le marbre de sa saga parce qu�il participe au ciment de la nation. Un de ces exemples nous vient de la population de la r�gion de Bouira. Le 8 juillet 1968, les familles de tous les officiers incarc�r�s ont re�u une notification d�expulsion du territoire de la wilaya d�Alger ex�cutoire imm�diatement (voir ci-contre les ordres d�expulsion, l�un concernant ma famille et l�autre celles du 1er bataillon de chars, toutes les autres familles ont re�u les m�mes notifications). Ces familles d�barqu�es des camions de Ahmed Bencherif (le gendarme) sur le bas-c�t� de la route, pr�s de Bouira, suscit�rent un extraordinaire �lan de solidarit� de la part de la population. Je rends particuli�rement hommage � un homme qui s�est mobilis� et qui a mobilis� des citoyens, pour nourrir, v�tir et transporter les femmes, les enfants, les b�b�s et les vieillards jet�s sauvagement dans la nature. J�ai nomm� le moudjahid Sa�d Benguerrah, que Dieu ait son �me. J�aurai tout le loisir de philosopher sur la nature humaine. Ce qui diff�rencie l�homme de la b�te est para�t-il la facult� de penser, que le lecteur me permette d�ajouter une autre d�finition� quand la gratitude cesse d��tre une valeur humaine, appara�t le rictus de la b�te ! Voil� donc un homme auquel nous avons construit un boulevard, que nous avons soutenu, aid� et auquel nous avons plusieurs fois sauv� la vie (j�en parlerais peut-�tre un jour), qui s�attaque avec une incommensurable haine � nos femmes et � nos enfants. Etrangement, au fond de la cellule, j�ai eu comme un �clair : la certitude de sa petitesse et de son infinie distance � l�Alg�rie. Les expulsions cesseront lorsque Djelloul Khatib, interpell� par des officiers � y compris de la SM �, indign� par le traitement inflig� � des innocents, passant outre � l�obstruction de Chabou, exposera � Houari Boumedi�ne le m�contentement qui s��tait fait jour. H. Boumedi�ne, dans la seule ligne rouge �tait l��tat d�esprit de l�ANP, autorisera Djelloul Khatib � faire cesser la chasse aux femmes et aux enfants. La r�pression contre les membres adultes de nos familles continuera de plus belle ; ainsi, mon fr�re Amor (actuellement b�tonnier au barreau de Batna) sera-t-il arr�t� et tortur� alors qu�il n��tait ni de pr�s ni de loin impliqu� dans l�affaire. J�aimerais mentionner un acte d�amiti� et de courage de la part de mon compagnon Abdennour Bekka, lequel au moment du d�part forc� de mes enfants a offert � mon jeune fils une bicyclette. Pourquoi rapporter un tel d�tail ? Parce qu�un homme n�oublie jamais les fortes �motions qu�il a ressenties au pied de certains murs. Je viens d�employer le mot courage. A l��poque, le simple fait de montrer par un signe ou par un geste de l�amiti� � notre �gard �tait consid�r� comme une atteinte � la s�ret� de l�Etat. 2. Les vraies raisons du 14 d�cembre 1967 a. La fable de la cat�gorisation des moudjahidine Mohamed Maarfia s�est �tal� longuement sur les causes du 14 d�cembre. Je confirme � mon tour que le chef d��tat-major n�a jamais cat�goris� les moudjahidine selon les �coles ou les parcours. Plus d�une fois, il est vrai, il avait hauss� le ton avec A. Chabou, secr�taire g�n�ral du MDN, lequel avait une propension facile � vouloir tout r�genter au sein de l�ANP et qui devenait de jour en jour incontournable, que ce soit pour la nomination d�un caporal, pour l�affectation d�un officier ou l�allocation d�un budget. Cet activisme, qui souvent d�g�n�rait en immixtion dans l�aire de comp�tences des autres, indisposait, non seulement le chef d��tat-major, mais �galement les responsables de r�gions qui s�en plaignaient souvent � H. Boumedi�ne. Machiav�lique, ce dernier n�avait jamais d�fini d�une fa�on nette les pr�rogatives de chaque structure mettant souvent dans l�embarras des chefs de r�gion ou des commandants d�unit� qui recevaient des ordres contradictoires. Tahar Zbiri avait une approche plus humaine, plus fraternelle lorsqu�il s�agissait de la d�mobilisation des anciens. Chabou n�ayant pas eu le m�me parcours historique que T. Zbiri n�avait aucun scrupule � jeter par-dessus bord des contingents entiers de moudjahidine. Il est vrai que le �d�lestage� �tait n�cessaire, mais il y avait la mani�re. C��tait le moins qu�on pouvait consentir. Chacun dans l�ANP se souvient comment, � une �poque plus r�cente, des officiers en fin de carri�re ont �t� admis � la retraite. La fa�on dont a �t� d�mobilis� Mohamed Attailia et d�autres moudjahidine est � cet �gard significative de ce que le commandement peut faire quand il le veut. Il est vrai que celui qui a mis fin � la carri�re de ces v�t�rans, avec le respect et les �gards qu�ils m�ritent, n��tait pas le fils d�un officier spahi brutal, cassant et m�prisant. Cette cat�gorisation est un faux probl�me. Les mercenaires (qui se comptent sur les doigts d�une seule main) qui �taient autour de Chabou l�ont utilis� pour leur cause propre : avoir davantage de pouvoir et de privil�ges. Les autres, tous les autres, nous les avons toujours consid�r�s comme une partie int�grante de nous-m�mes. Ils le savent. Ils l�ont toujours su. Tr�ve donc d�amalgames et de mensonges. b. La feuille de route de Tahar Zbiri La feuille de route de Tahar Zbiri �tait fondamentalement politique. Elle voulait que le CR joue pleinement son r�le de direction supr�me. Pour jouer ce r�le, il �tait n�cessaire que soient d�finies d�abord des r�gles de fonctionnement simples : qui a qualit� pour r�unir ce conseil ? Avec quels quorums ses d�cisions sont adopt�es ? O� est-il log� ? De quel secr�tariat dispose-t-il pour sa vie quotidienne ? Apr�s deux ann�es de fonctionnement chaotique, des incidents, des faits accomplis � r�p�tition et surtout de l�omnipotence de son pr�sident, Zbiri tente d�obtenir une r�union pl�ni�re de ce CR pour : - analyser la situation g�n�rale du pays, deux ans apr�s l��viction de Ben Bella ; - �tudier les raisons qui ont emp�ch� la concr�tisation des points contenus dans la proclamation du 19 juin ; - prendre toutes les mesures afin que le pays soit dot� d�institutions l�gitimes gr�ce au vote libre des Alg�riens ; - veiller � ce que tous les changements soient faits dans un esprit de fraternit� et de confiance ; - garder � l�esprit que l�exercice de la politique n�a de sens que si sa finalit� est le service de l�Alg�rie. Si les PV des r�unions du Conseil de la r�volution sont un jour publi�s, on d�couvrira quelles �taient les id�es du chef d��tat-major pour sortir d�finitivement l�Alg�rie de l��re de l�improvisation, des transitions et du pouvoir personnel. c. La r�action de Houari Boumedi�ne Houari Boumedi�ne, d�cid� � gouverner selon son bon plaisir, usera de divers stratag�mes pour gagner du temps afin de se pr�parer militairement pour l��preuve de force qui lui permettrait de conforter son pouvoir personnel. Il promettra � la majorit� des chefs de r�gion un r�glement politique pourvu qu�ils obtiennent du chef d��tat-major qu�il �vacue de la capitale les forces qui lui sont fid�les. 3. 19 novembre 1967 (la journ�e des dupes) A la lecture des contributions de Mohamed Maarfia, et en lisant les m�moires de Tahar Zbiri, on peut s��tonner de la na�vet� de ce dernier qui semble s��tre laiss� manipuler par ce redoutable tacticien qu��tait H. Boumedi�ne. Mohamed Maarfia a omis de rapporter un �v�nement d�une extr�me importance qui explique l�attitude de Tahar Zbiri. Il s�agit de la r�union du 19 novembre 1967, tenue dans l�enceinte de l�Acad�mie interarmes de Cherchell et � laquelle j�ai personnellement assist�, et dont j�ai dress� proc�s-verbal. Les officiers sup�rieurs pr�sents �taient : Tahar Zbiri, chef d��tat-major, Sa�d Abid, chef de la 1re R�gion militaire ; le colonel Abb�s, directeur de l�Acad�mie militaire ; Abderrahmane Bensalem, chef du quartier g�n�ral et enfin Mohamed Salah Yahyaoui, chef de la 3e R�gion militaire. Le commandant Sa�d Abid a ouvert la s�ance en affirmant que les chefs des autres r�gions militaires lui avaient donn� mandat pour s�engager en leur nom (Chadli Bendjedid et A. B. Abdelghani). En substance, au cours de cette r�union, tous, je dis bien tous les grands dignitaires de l�arm�e avaient pris l�engagement solennel d�appuyer les revendications du chef d��tat-major et de les appuyer, si n�cessaire militairement, dans le cas o� H. Boumedi�ne manquerait � la parole qu�il leur a donn�e de r�unir le Conseil de la r�volution sans exclure personne afin de faire passer dans les actes les engagements pris le 19 juin. Cette promesse de H. Boumedi�ne �tait (nous venons de le voir) assortie d�un souhait : faire sortir d�Alger le 1er bataillon de chars afin de �d�congestionner l�atmosph�re et pouvoir travailler dans le calme et la s�r�nit�. On sait ce qu�il est advenu de ces belles paroles une fois les forces fid�les au chef d��tat-major �vacu�es sur El- Asnam. Le lecteur pourra s��tonner de la cr�dulit� de T. Zbiri qui s�est laiss� d�sarmer sur de simples belles paroles. Il faut, cependant, tenir compte de la volont� du chef d��tat-major de tout tenter pour �viter l�effusion de sang et de donner toutes ses chances au dialogue. Il ne voulait � aucun prix que le mouvement dont il �tait l�initiateur soit suspect� d��tre de nature putschiste. Il faut �galement consid�rer que les militaires qui ont promis d�agir �taient soit ses adjoints � l��tat-major (A. Bensalem et Abb�s) soit des hommes qui lui devaient leur grade (M. S. Yahyaoui) ou bien qui, pendant des mois, l�avaient harcel� pour qu�il prenne une initiative (Sa�d Abid). Passer outre, douter de leur parole aurait signifi� pour Zbiri prendre imm�diatement le parti d�agir seul en recourant au coup de force. Quelque temps plus tard, le 13 d�cembre, T. Zbiri doit se rendre � l��vidence : Boumedi�ne ne c�dera sur rien. Son refus de tenir compte de la volont� de la majorit� des membres du conseil de la r�volution s�apparente � un coup d�Etat. C�est un coup d��tat ! Le ni�me de sa carri�re ! 4. Alea jacta est� Dans la nuit du 13 au 14 d�cembre 1967, le chef d��tat-major d�cide de passer outre l�obstruction et de provoquer une r�union du Conseil de la r�volution � Blida sous la protection des unit�s de l�arm�e qui lui sont fid�les. Les membres du Conseil de la r�volution pr�venus commencent � arriver � Blida. Le colonel Hassen est d�j� aux c�t�s de Zbiri. Salah Boubnider se trouve au si�ge de la mouhafadha du FLN. Mohand Oulhadj prend le d�part au matin du 14, mais arr�t� � un barrage, il est contraint de rebrousser chemin. Ali Mendjeli, que je suis all� personnellement inviter � rejoindre les autres, argue de la peur d��tre reconnu et arr�t� pour proposer, �trangement, une derni�re tentative de conciliation avec Boumedi�ne, alors que c��tait lui qui avait acc�l�r� la dynamique de la crise. - Mais les chars ont fait mouvement ? ai-je r�pondu. - Peu importe ! reprit-il. - Pour recueillir le travail des autres ? l�ai-je cingl�. - Je crains d��tre arr�t� en cours de route, je pr�f�re attendre que les troupes arrivent � Alger avant de me faire voir. Echange surr�aliste. J�ai eu comme un vertige, est-ce bien l�homme qui, la veille encore, fulminait contre le r�gime et plaidait pour le recours � la force ? me suis-je demand�. En ce qui concerne cette r�union du Conseil de la r�volution, j�affirme que tous les membres de ce directoire �taient d�accord pour la tenir, sauf Ahmed Medeghri, Abdallah Belhouchet, Ahmed Bencherif, Houari Boumedi�ne et A. Chabou bien s�r. 5. Le pont de Bouroumi L��chec militaire a des causes politiques et psychologiques. La d�cision prise dans l�urgence de faire converger les unit�s vers Blida apr�s la p�riode de �d�contraction� due � la conviction que tout �tait rentr� dans l�ordre (apr�s que les blind�s de Tahar Zbiri eurent quitt� Alger) n�a pas permis de mettre en place les coordinations indispensables pour une telle op�ration. En face, les parades �taient pr�par�es depuis longtemps par A. Chabou. Sur le pont de Bouroumi, � quelques kilom�tres de Mouza�a, en route vers Blida, les unit�s blind�es et deux bataillons des forces terrestres ont fait leur jonction. Ils attendent Zbiri. En face, Rachid Medouni, Cherif Djoghri et Mustapha Se�s, respectivement directeur du g�nie militaire, directeur de l�intendance et directeur de la DASC (Direction de l�administration et des services communs) ont positionn� les �l�ves des �coles du g�nie, du mat�riel et des transmissions. Ces jeunes gens ont �t� ramen�s sous le pr�texte du tournage d�un film ! Les �l�ves du g�nie ouvrent le feu sur les chars du 1er Bataillon, croyant tirer � blanc. La riposte d�un BTR co�t�t la vie � deux adjudants et fit quelques bless�s. Les jeunes djounoud prirent la fuite pour se positionner un peu plus loin. A 7h30, le 15 d�cembre, Slimane Hoffman, � partir de la tour de contr�le de l�a�roport militaire de Boufarik, a le premier �cho de l�intervention des MIG qu�il vient de lancer sur la colonne blind�e. Un des avions pilot� non par des instructeurs russes mais bel et bien par un officier alg�rien a fait un massacre dans les rangs des jeunes �l�ves de l��cole de g�nie militaire : 63 morts ! Les MIG 17 et les MIG 21 qui sont intervenus ont une puissance de feu terrifiante. Elle ne fut pas utilis�e contre les forces du chef d��tat-major, ce qui provoquera la fureur de Slimane Hoffman : �Vous n��tes que des biffins, pas des pilotes !� leur lancera-t-il. Plus tard, Hoffman pr�parera des dossiers pour faire passer certains des pilotes devant le tribunal militaire. La plainte n�aboutira pas de crainte de d�montrer que les pilotes alg�riens avaient refus� de tirer sur leurs fr�res de l�ANP. De toute fa�on, le retard mis dans l�occupation du si�ge de la 1re R�gion militaire a �t� l��l�ment d�terminant de l��chec. Le 15 d�cembre tout �tait jou�. Lorsque Tahar Zbiri, guid� par un cadre de la Wilaya IV historique et accompagn� par Mohamed Maarfia, rejoindra par des chemins de traverse ses unit�s qui s��taient positionn�es sur le pont de Bouroumi et qu�il constatera le massacre fait dans les rangs des �l�ves de l��cole du g�nie post�s l� et offerts en cible aux MIG pour montrer comment �Zbiri et ses complices assassinent les fils du peuple� ; lorsqu�il �valuera ce que co�tera la confrontation � la population civile et aux forces de l�ANP d�un c�t� comme de l�autre, il donnera l�ordre d�arr�ter la progression et il dira en substance : �Le sang que Boumedi�ne a vers� retombera sur sa t�te. Quant � moi, j�assume ma part de responsabilit� !� 6. Un juge d�instruction atypique Apr�s l��chec du mouvement, cette implication de la majorit� des membres du Conseil de la r�volution dans le mouvement de redressement lanc� par le chef d��tat-major a �t� mise en �vidence par l�instruction men�e par le lieutenant Mohamed Touati. Ce dernier, prenant courageusement le contre-pied de la v�rit� officielle, a remis les choses � l�endroit en convoquant dans son bureau les personnalit�s qui �taient du c�t� de Zbiri, essentiellement les anciens chefs de wilaya. Les autres, de Draia � Abdelghani en passant par A. Bensalem et Abb�s ont fait l�objet d�enqu�tes internes plus ou moins discr�tes. Nous f�mes longuement interrog�s � leur sujet par la SM. Lorsque s�abattit sur moi le silence strident du cachot et la morsure des fers aux poignets, un autre moi-m�me, l�id�aliste hier encore �perdu d�illusions, refusant l�insoutenable �vidence, interrogera le juge : - Qu�est-ce que la justice ? Pourquoi les m�mes hommes qui ont fait le 19 juin, qui a renvers� un pr�sident �lu et qui ont �t� f�licit�s, sont-ils aujourd�hui tra�n�s devant vous ? Vieille question� vieux dilemme !... En �largissant le champ d�investigation, Mohamed Touati a rompu l�isolement des officiers incarc�r�s. �Le quarteron d�officiers ignares li�s par des liens tribaux � deviendra la crise du Conseil de la r�volution, une affaire politique majeure. Men�e en son �me et conscience par Touati, cette instruction probe permettra aux avocats de la d�fense de plaider un dossier autre que celui concoct� dans le bureau de Chabou : ils plaideront le dossier de jeunes officiers qui voulaient simplement remettre de l�ordre dans leur pays. L�explication du �mouvement foment� par des officiers ignares� a eu la vie longue, � telle enseigne que Chadli Bendjedid (qui s�y conna�t) la reprendra � son compte au cours d�une de ses interventions publiques (colloque consacr� � Amara Bouglez � Tarf ). L�ancien pr�sident de la R�publique se f�licitera � cette occasion de l��chec du mouvement du 14 d�cembre, lequel, a-t-il affirm�, �aurait conduit le pays � la catastrophe s�il avait r�ussi�. Je dirai, pour ma part, que si la dictature d�un clan arrogant et brutal avait pu �tre �vit�e, en 67, l�Alg�rie se serait �pargn�e octobre 88, la faillite �conomique, le salafisme, la d�confiture diplomatique, la corruption g�n�ralis�e et le terrorisme ravageur. Y a-t-il catastrophe plus grande que celle-l�, Monsieur le pr�sident ? Une image m�est rest�e de l�ancien chef de la 2e R�gion militaire (roi de la R�publique lorsque l�Alg�rie �tait devenue le pays des aveugles) celle du jour o� il a fait une inspection dans l�enceinte de la sinistre prison de Sidi El Houari, � Oran. Passant droit et raide devant les moudjahidine dont certains �taient ses compagnons � la base de l�Est, il n�eut pas un mot de sympathie ou de compassion. Au contraire, sur son ordre, le soir m�me, on nous replongera dans l�horreur des cellules suintantes d�eau dont Mohamed Touati nous avait tir�s. Je ne peux clore ce paragraphe sans rendre hommage au courage de ces avocats et en particulier de Aziz Benmiloud et de Ali Haroun (je suis s�r que Aziz Benmiloud continue de plaider pour les innocents � la droite du Seigneur. Paix � sa grande �me !). Quant � Ali Haroun, exemple de la constance dans la d�fense du droit de l�Alg�rie � �tre le pays des droits de l�homme, il a prononc� une sentence proph�tique : �En condamnant ces jeunes officiers, vous condamnerez l�Alg�rie � la dictature et � la ruine morale !� Cinquante ans plus tard, o� on en est-on ?