De notre bureau de Paris, Khadidja Baba-Ahmed La r�habilitation par Sarkozy des criminels de l�OAS prend ces derniers mois un rythme acc�l�r�. Apr�s les st�les en leur �m�moire� tol�r�es et parfois m�me autoris�es, c�est maintenant aux plus hautes autorit�s de l�Etat de laver plus blanc que neige les anciens condamn�s de l�OAS. Nous �voquions (Soir d�Alg�rie du 3 novembre) le transfert par le ministre de la D�fense de la d�pouille du criminel Bigeard aux Invalides, l� o� reposent les grands �h�ros morts pour la France�. Ce lundi, c�est Sarkozy lui-m�me qui d�corait en grande pompe Helie Denoix de Saint Marc, un des putschistes de 1961 de l�OAS. Dans le m�me temps, un historien, aid� des services de l�Etat, commet un livre qui va dans le nouveau sens que le pouvoir en place veut donner � l�histoire de la guerre d�Alg�rie. Un livre lave de tout crime l�OAS qui n�aurait fait, selon son auteur, que r�agir aux exactions du FLN. C�est globalement ce qu�affirme Jean-Jacques Jordi, d�sign� comme �historien r�put�, plut�t class� � gauche�, dans un livre intitul� Un silence d�Etat. Les disparus civils europ�ens de la guerre d�Alg�rie. Valeurs actuelles, hebdomadaire de droite, lui a consacr� pas moins de 6 pages et avait annonc� � grand renfort ce livre, pr�sent� comme la r�v�lation du si�cle. Pas �tonnant que ce livre paraisse � la veille du 50e anniversaire de� Pas �tonnant non plus que selon Valeurs actuelles, �le pr�sident de la mission interminist�rielle aux rapatri�s l�a (� l�auteur) exceptionnellement autoris� il y a quatre ans, au nom du gouvernement, � plonger dans ces archives, normalement interdites d�acc�s pour une p�riode allant de soixante � cent ans�. Enfin, ce livre ne vient pas seul : la r�habilitation de l�OAS va bon train et s�acc�l�re au fur et � mesure que la pr�sidentielle avance. Depuis �pr�s de cinquante ans�, il r�gne un manich�isme m�moriel : d�un c�t�, les gentils : FLN et partisans de l�ind�pendance et de l�autre les m�chants : pieds-noirs et d�fenseurs de l�Alg�rie fran�aise. Et c�est ce que vient r�tablir, J.-J. Jordi qui explique : �Jusque-l�, la th�se officielle �tait que l�OAS, refusant les accords d�Evian, avait plong� l�Alg�rie dans la terreur, l�gitimant la riposte du FLN.� Cela n�est �qu�en partie vrai, poursuit-il. D�abord parce que le terrorisme FLN a pr�c�d� celui de l�OAS, mais aussi parce qu�il a �t� beaucoup plus meurtrier�. A l��vidence, en cours de route, ce grand historien a omis de replacer cette guerre dans son contexte de guerre de lib�ration et verse consciemment (et si c�est inconscient, c�est plus grave) en qualifiant de �terroriste� le combat du peuple pour se lib�rer d�un indu occupant. Ce n�est pas tout. Le FLN, dit-il encore, au lieu de s�en prendre � l�OAS, s�en est pris �aveugl�ment � � l�ensemble de la population, �instaurant un climat de terreur� dont le but avou�, dit-il, �est de pr�cipiter le d�part des Fran�ais, y compris apr�s le 19 mars et le 5 juillet�. Faut-il rendre gr�ce � cet historien de parler de �but avou� ? La guerre de lib�ration n��tait pas clandestine en effet et son objectif ultime comme dans tout pays vivant sous un r�gime colonial est de s�en lib�rer. Au centre de son ouvrage, la torture et en conclusion de ses recherches, il ass�ne : �La torture n�est pas une sp�cialit� de l�arm�e fran�aise : elle a �t� largement utilis�e par le FLN et l�ALN.� Et pour convaincre de cette r�alit�, notre historien puise dans des documents (louable initiative) qui relatent cependant deux cas � Oran (parmi d�autres, pr�cise-t-il, au cas o� on lui opposerait la syst�matisation de cette pratique par les militaires et autres paras qui ne s�en sont pas cach�s eux-m�mes) avec reproduction des fac-simil�s sur ces deux affaires et conclut cette �vocation par ce qui �tait attendu : �Tortures syst�matiques qui vont durer longtemps apr�s l�ind�pendance.� Mais il n�en reste pas l�. Plusieurs documents, est-il dit , �vont jusqu�� relater le cas de personnes enlev�es pour donner leur sang aux combattants FLN�. Et comme preuve de ses d�couvertes, notre historien raconte que �le 21 avril 1962, des gendarmes d�Oran en patrouille d�couvrent �quatre Europ�ens enti�rement d�v�tus, la peau coll�e aux os et compl�tement vid�s de leur sang. Ces personnes n�ont pas �t� �gorg�es, mais vid�es de leur sang de mani�re chirurgicale�. Pour seule preuve de ces pr�tendues pratiques, l�auteur reproduit un rapport sign� du chef d�escadron, chef PI du PSN et dont la lecture est �difiante. Il commence en effet par : �D�apr�s un renseignement d�origine civile et priv�e� et se termine par �une quarantaine d�Europ�ens seraient s�questr�s au m�me endroit (un h�pital entre Belcourt et le boulevard Bru), jouant le r�le de donneurs de sang.� Appr�cions le conditionnel mis dans cette phrase et la pratique g�n�ralis�e qu�en a fait notre historien. Apr�s avoir affirm� que l�OAS n�a fait que r�pondre � la �barbarie� du FLN, J.-J. Jordi s�attache dans le c�ur de son ouvrage � tenter de convaincre que les forces envoy�es par Paris en avril 1962 pour lutter contre l�OAS et la Mission C (pour mission Choc), dont �de Gaulle lui-m�me a approuv� la constitution, ont commis les pires exactions contre les Europ�ens, avec le concours du FLN�. Apr�s les accords d�Evian, Jordi commente : �un rapprochement s�op�re entre la Mission C et le FLN, prioritairement sur Alger et Oran. Hacq (chef de la Mission C) et Lacoste entrent en �troite relation avec Si Azzedine, chef de la Zone autonome d�Alger � qu�ils rencontrent pour la premi�re fois le 19 mars� Si Azzedine re�oit plusieurs listes de membres de l�OAS. Le march� est clair, r�v�le une note militaire, : les commandos d�Azzedine peuvent se servir de cette liste pour leurs actions contre l�OAS et ils peuvent b�n�ficier d�une certaine impunit� d�autant que les buts du FLN et de la Mission C se rejoignent�. Ainsi va le nouveau cours que l�on veut donner � la guerre de lib�ration du peuple alg�rien et il est � parier que plus les �lections approchent (avril 2012) et plus l�on observera des sorties de ce type. Dans ce contexte, il est clair que jamais les atrocit�s commises par la colonisation ne seront reconnues.