[email protected] Le potentiel �conomique, les ressources financi�res, le capital humain, aussi importants soient-ils, ne suffisent pas � asseoir un nouveau r�gime de croissance tir� par la dynamique de l�offre qui permet d�envisager sereinement l�apr�s-p�trole. Qu�est-ce qui fait alors obstacle aux r�formes qui, de l�avis g�n�ral, peinent � prendre corps ? Alors que tous les moyens financiers, humains et s�curitaires sont plus que jamais r�unis, le pays ne semble pas avoir d�finitivement trouv� le chemin d�une issue pacifique et n�goci�e. L�obstacle semble �tre exclusivement politique. Il tient � une premi�re explication : le passage de l��conomie administr�e � l��conomie sociale de march� a laiss� intacte la question r�currente de la faible productivit� politique du syst�me � g�n�ralement imput�e au d�ficit d�mocratique qui l�entache. En se r�f�rant � la Th�orie de la R�gulation(*) on dispose d�une grille d�analyse fort int�ressante qui, appliqu�e au contexte sp�cifique de l��conomie alg�rienne, souligne au trait rouge une lame de fond : le politique reste le n�ud gordien, l�acc�l�rateur ou le frein de tout changement, de toute r�forme. C�est devenu une tautologie que de dire que le r�gime d�accumulation en vigueur depuis au moins quatre d�cennies a pour premi�re particularit� majeure d��tre rentier. Au vu de l�exp�rience du d�but des ann�es 1990, cette caract�ristique g�n�re des blocages qui se manifestent devant chaque volont� ou � la veille de grandes �ch�ances de changement ou de transition, donnant le sentiment d�un syst�me bloqu�. Compte tenu de la caract�ristique premi�re du mode de r�gulation, il est clair qu�aucune sortie du syst�me ne peut �tre envisag�e en dehors de la r�habilitation des activit�s productives et de l��mergence des forces sociales qui les soutiennent et en vivent. Il est ici vain de vouloir faire du neuf avec du vieux, tant il est �tabli l�incapacit� des formes institutionnelles adapt�es au r�gime rentier � r�pondre aux changements requis par le nouveau syst�me, changements dans lesquels l�action politique rev�t une importance cruciale. La raison � cela est bien simple : parce qu�elle est � la disposition exclusive de l�Etat, la rente de surcro�t d�origine externe est fortement tributaire des pouvoirs r�galiens de l�Etat, particuli�rement celui de l�exercice du monopole de la violence ; du m�me coup, il arrime toute �ventualit� de changement au domaine du politique. Premi�re cons�quence : les rares parenth�ses d�ouverture correspondent � une contraction des ressources ext�rieures g�n�r�es par les ressources p�troli�res. Elles d�coulent de �l��troite surveillance� des institutions financi�res internationales sur la conduite de la politique �conomique. Alors qu�il peut para�tre plus ais� d�entreprendre des r�formes dans le prolongement d�un rebond des cours du brut, c�est l�inverse qui se produit g�n�ralement. Seconde cons�quence : l�omnipr�sence, ou plus exactement la primaut� du politique comme facteur de changement. Du fait de son omnipr�sence, le pouvoir politique �clipse la soci�t� dite �mergente ou �institutionnelle� � au sens de r�seaux client�listes informels op�rant sous le couvert des institutions officielles. Autre cons�quence : absence de coh�rence, improvisation, revirements, volte-face et amateurisme commandent les changements de politique �conomique annonc�s. La s�quence des r�formes consacr�e par la litt�rature des institutions de Bretton Wood distingue les mesures de stabilisation dont les effets se manifestent sur le court terme et d�ajustement structurel sur le moyen et long terme. Dans tous les cas d�esp�ce, les changements institutionnels rev�tent une importance capitale sur le long terme, aucune relance �conomique durable n��tant envisageable en dehors d�un contexte initial protecteur, sans Etat fort, sans stabilit� de la norme juridique et sans encadrement administratif efficient. A l�exp�rience, le cheminement s�quentiel idoine semble �tre le suivant : 1) la stabilisation �conomique ; 2) la lib�ralisation du secteur r�el national ; 3) la lib�ralisation financi�re ; 4) la lib�ralisation ext�rieure commerciale et des capitaux. Le plus important dans un changement institutionnel �tant que �les r�formes doivent concilier le temps des apprentissages n�cessaires et la n�cessit� de casser des rentes par des r�formes structurelles radicales�(**). En Alg�rie, le cheminement avait �t� et reste tout autre, avec une brutalit� frappante. Dans tous les cas d�esp�ce, la dimension politique du blocage institutionnel saute aux yeux : �Dans ces conditions, le blocage institutionnel peut �tre interpr�t� comme une projection, sur le terrain �conomique, d�une inertie politique qui peine � donner naissance � un nouveau projet susceptible de lib�rer, ou du moins favoriser, l�innovation institutionnelle�, rel�ve avec pertinence Samir Bellal, un confr�re de l�universit� de Guelma dans une r�cente �tude parue dans la Revue alg�rienne des sciences juridiques, �conomiques et politiques(***). Bellal identifie les acteurs suivants : �- Au premier rang, on retrouve une hi�rarchie militaire plus ou moins restreinte (�) aux commandes de la soci�t� politique et �conomique via l�Etat. - Une technostructure syndicale, li�e � l�Etat, repr�sentant la soci�t� salariale. - Une bourgeoisie priv�e, li�e � la soci�t� militaire, op�rant dans les activit�s d�importation ou dans des activit�s directement li�es aux march�s publics (BTP, services). - Une technostructure de gestionnaires des entreprises publiques et de l�administration, li�e � l�Etat. Cette typologie des acteurs n�a fondamentalement pas chang� avec le processus de lib�ralisation engag� depuis la fin des ann�es 1980. Cependant, l�indice de dominance conna�t, en apparence, une petite �volution puisque depuis le d�but des ann�es 1990 on assiste � une h�g�monie de plus en plus accrue et affirm�e de la hi�rarchie militaire, la mont�e des int�r�ts priv�s, et surtout l�affaiblissement de la technostructure syndicale. D�s lors, il appara�t clairement que c�est surtout au niveau de la hi�rarchie militaire que la d�lib�ration politique a lieu. Par cons�quent, si changement il doit y avoir, c�est � ce niveau que l�impulsion doit �tre donn�e�. Au regard de l�exp�rience r�cente de l�ouverture entreprise sous injonction �trang�re, sur fond de recolonisation, dans le monde arabe, au regard de l��tat de d�labrement des autres institutions, l�arm�e semble revenir au premier plan comme la planche de salut ou le centre d�arbitrage. Dans l�ensemble, au lieu d�une rupture globale, radicale et cataclysmique avec l�ordre ancien, il est pr�f�rable de proc�der par �tapes successives en commen�ant par le plus simple � r�aliser, ce sur quoi le consensus est quasiment acquis afin de cr�er l�irr�versible. Dans le prolongement de l��rosion in�luctable des l�gitimit�s anciennes, il est prioritairement recommand� de favoriser la pleine expression de la d�mocratie repr�sentative, afin d�en faire l�image du corps �lectoral et rapprocher les caract�ristiques sociales des �lus et du corps �lectoral, par son acc�s aux jeunes et la g�n�ralisation de la parit�, sans forc�ment sombrer dans un �f�minisme d�Etat� qui voile les violences multiples faites aux femmes. A. B. (*) Boyer R. (2004), Th�orie de la r�gulation. 1. Les Fondamentaux, la D�couverte, Paris (**) Hugon P. (2006), L��conomie de l�Afrique, la D�couverte, 5e �dition, p. 150. (***) Samir Bellal, Probl�matique du changement institutionnel en Alg�rie : une lecture en termes de r�gulation, Revue alg�rienne des sciences juridiques, �conomiques et politiques, n�01/2011, pp. 43-72.