Par Mohamed Djeraba Ma derni�re contribution, � travers la presse, consistait en un message adress� � Monsieur Sa�d Sadi, lui t�moignant mon soutien et mes encouragements � continuer d��crire et de s�exprimer � propos de l�histoire de la guerre de Lib�ration nationale tout en lui signifiant que cette attitude n��quivalait pas � une adh�sion totale et inconditionn�e au contenu de ses �crits. Je lui apportais mon soutien au milieu d�une campagne fr�lant sinon l�hyst�rie, du moins l�ind�cence. Je lui apportais mon soutien, qui demeure �tabli, malgr� la diff�rence de nos parcours, de nos perceptions, de nos positions, de nos positionnements, car je jugeais � et je le maintiens encore � que cette diff�rence est source d'enrichissements. Si je devais lui contester une prise de position, le rapport de faits historiques ou bien encore l�interpr�tation ou la qualification de ces faits, cela ne pouvait se faire que par une r�plique argument�e, raisonn�e, voire rationnelle et surtout sereine, franche et sinc�re, loin de toute invective, de tout sensationnalisme, de toute instrumentalisation post�rieure de l�objet, de tout �marketing engluant�. Mon adresse envers Monsieur Sa�d Sadi proc�dait d�abord d�une position principielle ensuite d�un constat � la suite de la lecture de son ouvrage dont la force et l�honn�tet� intellectuelle r�sident dans l�identification des sources, condition premi�re d�une d�marche scientifique nous avait-on appris lorsque nous �tions �tudiants. Monsieur Sadi a construit � partir et autour de t�moignages �manant d�acteurs privil�gi�s ayant v�cu directement les faits et aux �premi�res loges� en me permettant l�expression. Ces t�moignages sont le fait d�acteurs responsables assumant leurs positionnements et assurant la cr�dibilit� de leurs t�moignages. C�est l� un v�ritable cadrage r�f�rentiel qui fait la force du livre de Monsieur Sadi et s�il faille lui contester quoi que ce soit ou lui d�nier toute cr�dibilit� ou une part de celle-ci, c�est envers ces sources identifi�es et identifiables qu�il faut s�adresser. Certains t�moins qu�il cite sont encore en vie et jouissent de tout leur potentiel m�moriel et intellectuel pour asseoir la cr�dibilit� de leurs propos. Cette longue introduction � ma pr�sente contribution ne vise pas uniquement � rappeler ou � justifier ma position � l��gard du livre de Monsieur Sadi mais s�inscrit surtout comme un rappel de la trame qui sous-tend tous mes �crits � articles ou ouvrages � publi�s pour apporter ma part de t�moignage comme rudiments, �mati�res premi�res� � l��criture de l�histoire de la guerre de Lib�ration nationale. Je n�ai de compte � r�gler avec personne ni une quelconque parcelle de mon �me � soulager ou � absoudre de quelque p�ch�. Dans cet ordre d�id�es, je voudrais rappeler deux autres contributions parues dans les colonnes de ce m�me quotidien : la premi�re date du 08 juin 2005 relative � la loi n�2005-158 du 23 f�vrier 2005 adopt�e par le Parlement fran�ais(*). La seconde contribution �tait adress�e � Monsieur Ahmed Benbella, publi�e le 20 mai 2009. A propos de la contribution relative � la loi fran�aise suscit�e, je veux dire toute ma fiert� d�avoir �t� le premier � avoir r�agi et je regrette le silence observ� pendant longtemps � son �gard car les autres r�actions ont �t� bien tardives. Cela �tant dit, je soumets aux lecteurs la teneur de ma r�action. J�ai commenc� ma contribution par certaines remarques pr�liminaires dont la plus importante est, je cite : �Il n�est gu�re dans mon intention de porter un quelconque jugement sur la pertinence de cette loi fran�aise qui reste exclusivement de la comp�tence et de la souverainet� fran�aises d�autant plus que je suis profond�ment et farouchement jaloux du respect intangible de la souverainet� nationale et de la non-ing�rence, m�me � l��re de la mondialisation.� Une autre remarque pr�liminaire consistait � justifier ma contribution par ma position d�acteur d�une �poque et t�moin d��v�nements ayant fait l�objet d�une partie de cette loi. En ce sens, bien que n��tant pas historien, je me devais de porter contradiction � son contenu malgr� la formulation de la premi�re remarque cit�e pr�c�demment. Ainsi tout le contenu de ma contribution consistait � �tablir l�ineptie, la falsification des faits contenus dans cette loi par la formulation principielle ou le d�tail factoriel. Je n�ai � aucun moment us� d�un style revanchard, insultant ou de qualificatifs propres aux slogans. J�ai toujours opt� et milit� pour l�affirmation ou la r�plique argument�e et sereine. A propos de la lettre adress�e � Monsieur Ahmed Benbella, premier pr�sident de l�Alg�rie ind�pendante, j�avais tenu � mettre en exergue de l�article deux citations, la premi�re est une sorte de testament de Mourad Didouche (�Si nous venions � tomber au champs d�honneur, racontez-nous et dites ce que nous f�mes�). La seconde est de Monsieur Benbella, au d�but des ann�es 1980 : �Si j�avais faut�, alors j�ai suffisamment pay� et si j��tais innocent, alors je leur pardonne. � L�objet de ma lettre � Monsieur Ahmed Benbella �tait relatif � �l�affaire Cha�bani�. J��crivais : �Monsieur le pr�sident, la pr�sente adresse vous est particuli�rement et personnellement destin�e, par ce que vous f�tes et ce que vous �tes. En cons�quence, elle ne peut absolument pas �tre l�expression d�un comportement politicien ou m�me politique de ma part (�). Mon adresse � vous concerne le martyr Mohamed Cha�bani, ce jeune colonel de la glorieuse ALN puis de l�ANP et membre du Bureau politique du FLN, au lendemain de l�Ind�pendance. Je tiens tout de suite � pr�ciser que mon propos ne s�inscrit nullement comme une tentative de demander la r�vision du proc�s qui lui fut intent� et encore moins le proc�s de son proc�s (�). Il n�est nullement dans mon intention d�en faire le Dreyfus alg�rien et pour moi, de m�inspirer d�Emile Zola. Non je n�accuse point qui que ce soit ni quoi que ce soit�� Les lecteurs auront appr�ci� d�eux- m�mes ma d�marche et le feront d�autant plus lorsqu�ils sauront que j��tais l�un des protagonistes de cette affaire et que je fus condamn� et emprisonn� et les miens r�prim�s par le pouvoir de Monsieur Benbella. Devrais-je pour autant aujourd�hui rouvrir les plaies et d�verser tout le fiel pour ces faits ? J�y reviendrais plus loin. Ces trois exemples (le livre de Monsieur Sa�d Sadi, la r�plique � la loi fran�aise et la lettre � Monsieur Benbella) expriment toute ma d�marche et constituent la trame de ma pr�sente contribution. Dans tous mes �crits relatifs � la guerre de Lib�ration nationale, je me faisais une religion de souligner trois fondamentaux pr�alables : primo, tout en �tant un acteur � modeste parmi tant d�autres � de ce formidable mouvement historique que fut la guerre de Lib�ration nationale, je ne pr�tendais nullement faire valoir d��uvre historique mon t�moignage. Le m�tier d�historien est toute une autre affaire ob�issant � ces crit�res que je ne peux nullement faire valoir ou pr�tendre atteindre �autodidactiquement�. C�est dans cet esprit que j��crivais dans l�adresse � Monsieur Ahmed Benbella, � propos de Mohamed Cha�bani : �Monsieur le pr�sident , vous conviendrez ais�ment et indubitablement avec moi que les jeunes historiens d�aujourd�hui et que les futurs historiens �prouveront d�immenses difficult�s � appr�hender l�histoire de Mohamed Cha�bani (�) Ils se demanderont fatalement (le) comment et (le) pourquoi (de cette histoire) et orienteront leurs pr�occupations � d�terminer les auteurs et les circonstances de ce cas (�) Ils verseront alors dans le �dryfusionnisme � (�).� Secundo, mon (mes) t�moignage (s) se rapportent naturellement � une p�riode et un espace bien d�termin�s et tr�s limit�s ne peut (ne peuvent) donner lieu � une quelconque g�n�ralisation ou une hypoth�tique extrapolation, fatalement non cr�dibles. En apportant mon t�moignage, je le circonscrivais � ma v�rit� ou ce que je croyais �tre ma v�rit� de l��poque, en fonction de mes connaissances de l��poque tout en m�appliquant � ne pas les polluer, les travestir par des connaissances ult�rieures aux faits. Certes la d�marche n��tant gu�re ais�e, donc je ne peux attester et garantir ce t�moignage que par la probit� intellectuelle, sa sinc�rit�. En d�autres termes, ce n�est qu�un t�moignage. En tant que juriste de formation, je n�ai jamais �t� partisan de la formule : �dire la v�rit�, toute la v�rit� et rien que la v�rit� et je lui pr�f�re celle qui consiste � dire : �Ma v�rit� (ou ce que je crois sinc�rement en �tre ainsi), toute ma v�rit� et rien que ma v�rit�, �tant entendu que la formule possessive n��quivaut point le d�terminatif d�finitif, pour plagier les grammairiens. Tertio, la guerre de Lib�ration nationale �tant un formidable mouvement historique, n� de la volont� conjugu�e des hommes et des �v�nements, transcende dans un rapport int�ractif cette m�me volont� voire cette conjugaison. C�est pourquoi, toute �uvre, toute contribution visant � d�crire, rapporter, transcrire, narrer, raconter cet imp�tueux mouvement de l�histoire �rige une vigilance extr�me de la part de tout pr�tendant � pareil ouvrage. C�est le seuil du monde de l�histoire et du m�tier d�historien qu�on ne peut franchir ais�ment et surtout impun�ment et je ne le franchirai pas pour ma part. N�anmoins, en tant qu�acteur modeste de ce vaste mouvement, mais surtout en tant que t�moin ayant r�dig� et publi� ses m�moires, je me devrais de pr�ciser, et cela revenait � chaque fois comme un refrain (�t�moignez ! t�moignez ! t�moignez !�), comme un leitmotiv, qu�en tant qu�acteurs, �nous n��tions ni anges ni d�mons�. C�est aussi dans cet esprit que j�avais intitul� mes m�moires Monologue, dialogue, un homme face � l�histoire, chaque vocable ayant sa charge s�mantique. Ce sont ces fondamentaux qui motivent ma pr�sente contribution et en ce moment pr�cis o� nous c�l�brons le cinquanti�me anniversaire de la victoire (19 Mars 1962) et dans quelques semaines le cinquanti�me anniversaire du recouvrement de la souverainet� nationale. A cette occasion, on nous annonce de part et d�autre une profusion de livres, de films, de documentaires, de reportages audio-visuels et �crits. Ce sera, j�imagine, un r�veil torrentiel des m�moires. Tant mieux et je m�en f�licite m�me si je regrette que ce �d�bit� sera plus fort de l�autre c�t� que chez nous. Il y aura fatalement et assur�ment dans cette �profusion m�morielle� du tr�s bon et du tr�s mauvais, des t�moignages avis�s, profanes, int�ress�s, d�sint�ress�s, probes, orient�s � des fins avou�es ou inavou�es, en somme du mielleux et du fielleux. Bref, les �gu�guerres� m�morielles sont d�j� entam�es, et l�on nous �conseille� d�j� la s�curit� et la mesure dans la c�l�bration. Paradoxalement, et au fond de moim�me, j�adopte et j�adh�re � ce �conseil� mais pour des raisons tout � fait autres. Tout ce torrent m�moriel, avec tout ce qu�il charrie, n�exprime en fait que la grandeur de notre guerre de Lib�ration nationale qui fut un moment privil�gi� du si�cle pass�. Chez nous, ce mouvement m�moriel a d�j� commenc� m�me timidement. Des t�moignages sont r�guli�rement publi�s par la presse nationale. Ils �manent d�acteurs directs de ce mouvement de lib�ration qu�un c�l�bre chroniqueur qualifiait r�cemment de �Has been� et quoi de plus normal car ne peuvent t�moigner que les �Ras been�. C�est la loi de la nature. La v�ritable et pertinente question est celle du contenu du t�moignage et des postures de son auteur. C�est � propos de ce mouvement que j�interviens tout en r�p�tant � l�envi ma totale adh�sion et ma profonde conviction de la n�cessit� d�une telle d�marche. Point de place � la censure ni � l�autocensure. N�anmoins, une telle libert� requiert une vigilance � toute �preuve et une p�dagogie constructive. On a pendant trop longtemps critiqu� � tort ou � raison et beaucoup � raison la politique officielle � cet �gard. Cette critique fort fond�e ne doit nullement le �droit� � une d�marche, apparemment antinomique, qui aboutit au m�me r�sultat. Si la politique officielle en mati�re d�histoire s�est, en permanence, fond�e une vision, une pr�sentation idyllique, ang�lique, �pique de la guerre de Lib�ration nationale, le r�veil et la lib�ration de la parole et des m�moires doivent �viter l�autre �cueil, celui de la vision, de la pr�sentation �d�moniaque�. La r�alit� historique n�appartient ni � la vision officielle ni � celle qui lui est oppos�e. Les t�moignages publi�s derni�rement peuvent donner lieu � des interpr�tations et � des lectures tr�s dangereuses de certaines �tapes de la guerre de Lib�ration nationale et de l� ouvrent la voie � la g�n�ralisation et l�extrapolation. Pour la clart� de l�expos�, je me permets de r�sumer la th�matique de ces t�moignages sans juger leur valeur ou la v�racit� des faits qui y sont rapport�s. La quasi-totalit� de ces t�moignages s�articule de ce qu�on appelle commun�ment les �affaires�. Je cite p�le-m�le les �affaires� Abane Ramdane, Amirouche, El Haoues, Chaabani, Lamouri, Chihani, Adjel Adjoul, Si Zoubir, Si Salah, ou encore celles des �complots �, celle des �3B� (Boussouf, Krim Belkacem, Bentobal), de l�EMG, du GPRA, du CNRA, etc. Pour mieux cerner cette th�matique, posons quelques pr�alables, en premier lieu, je pr�cise que je ne remets nullement en cause les aspects factuels. �Nous n'�tions ni anges ni d�mons� est une affirmation que j'utilise pour dire que la r�volution ou la guerre de Lib�ration nationale fut l�aboutissement d�un long processus o� les hommes furent � la fois sujets et objets de l�histoire. Ils influencent le cours de l�histoire et en subissent le contre-coup. Leurs actions furent � la fois pes�es, r�fl�chies, justes, spontan�es, r�actives, erron�es, fausses, brais�es. Enorm�ment de facteurs entrent en jeu, certains parfois � la fois farfelus et d�cisifs, sans compter les effets du hasard, heureux ou malheureux. En tant que moudjahidine, nous avions certes men� des actions h�ro�ques dignes des �pop�es l�gendaires, mais nous avions eu aussi � avoir peur, � flancher par moment, � avoir le spleen, � languir sur nos proches, nos villages et villes. Nous avions battu et vaincu l�ennemi comme nous avions subi de lourdes pertes. Nous avions r�ussi, failli et d�faill�. Nous avions pleur�, eh oui, pleur� de peine comme de joie. Nous avions ri ensemble, les uns des autres, des situations tragicomiques. Nous nous chamaillions, parfois pour si peu et m�me nous nous jalousions pour des broutilles. Nous avions nos noms de guerre mais aussi des sobriquets. Nous n��tions ni anges ni d�mons. Aurions-nous �t� meilleurs que les proph�tes ? Aurions-nous �t� plus infaillibles ? La r�ponse coule de source. Pour revenir � certaines �affaires� �voqu�es �pisodiquement, je ne veux en retenir que deux : Amirouche et Chaabani, deux colonels l�gendaires. On reproche au premier � et a posteriori � ses m�thodes martiales de commandement, sa discipline d�airain. De l�, certains franchiront impudemment le Rubicond, en le qualifiant de sanguinaire. En fait, Amirouche fut fonci�rement un r�volutionnaire au plan mental et disciplinaire, menant et subissant une guerre impitoyable. S��tait-il tromp� ? Aurait-il commis des erreurs, des fautes ? Assur�ment oui et cette r�ponse est d�ordre principiel et post�rieur. N�aurais-je pas moi-m�me ou tout autre homme commis les m�mes erreurs et fautes dans les m�mes conditions et circonstances ? Etait-il sanguinaire, dictateur, injuste ? Assur�ment non ! Non et non ! Il �tait simplement un homme, un immense militant ; et un r�volutionnaire accompli avec ses propres limites et les limites impos�es par le cours de l�histoire. Avait-il massacr� des centaines d��tudiants ayant rejoint le maquis ? Au-del� de cette comptabilit� macabre (dizaines ou centaines, un seul aurait �t� de trop), il y a lieu d�analyser objectivement la situation de l��poque. Avancer p�remptoirement de tels faits, c�est travestir, ou mieux, m�conna�tre l�histoire. La �bleuite� n�est pas un simple d�tail de l�histoire comme dirait l�autre. Elle a �t� men�e par un gigantesque arsenal d�ploy� par les autorit�s coloniales (hommes, finances, plans et un art consomm� de la guerre psychologique). Amirouche a d� lutter sur plusieurs fronts et combattre plusieurs ennemis (arm�e coloniale et forces suppl�tives, groupuscules messalistes, collaborateurs connus et clandestins). Par ailleurs, pourquoi certaines m�moires, certains t�moignages seraient-ils si s�lectifs en occultant le fait que ce m�me Amirouche avait orient� des dizaines, sinon des centaines de jeunes ayant rejoint le maquis vers les universit�s des pays solidaires de notre r�volution? Certains sont encore en vie et peuvent en t�moigner loin de toute surench�re et instrumentalisation (cf les t�moignages dans les �crits de Sa�d Sadi, Rachid Adjaoud ou Djoudi Toumi). Toujours � propos d�Amirouche, et dans un autre registre, on voudrait attribuer le martyr d�Amirouche en compagnie du Colonel Si El- Haou�s � une trahison �manant de certains cercles de la r�volutions. Je ne voudrais pas pol�miquer � ce propos car n�ayant pas de connaissances pr�cises, v�rifi�es et verifiables � cet �gard mais j�ai eu � vivre, en tant que moudjahid dans la r�gion o� sont tomb�s les deux valeureux colonels. C�est une r�gion de tous les dangers o� s�journent ou transitent de plusieurs forces h�t�roclites (harkis, groupuscules messalites, partisans et d�bris de Bellounis) ; ceci sans parler de la structure socio-culturelle de la r�gion. C�est une r�gion de transhumance pastorale o� l�organisation tribale et la pens�e tribaliste pr�valaient. Lors de ma pr�sence dans cette r�gion (1955- 1956), j�avais appris � me m�fier tout le temps et de tout. Un simple jeune berger pouvait, consciemment ou inconsciemment, volontairement ou pas, vous sauver la vie ou courir � votre perte. Une tente de nomades pouvait �tre aussi un refuge r�confortant ou un pi�ge mortel. Dans ces conditions, avancer la th�se d�un complot envers les deux colonels me para�t hasardeux, faute de preuves palpables, v�rifiables et v�rifi�es. Au total et concernant le colonel Amirouche dont le nom, la stature et la c�l�brit� me semblent outrageusement instrumentalis�s selon les circonstances, toute d�marche probe, tout t�moignage honn�te et sinc�re doivent s�inscrire dans un cadre historique, bien ma�tris�, pr�cis�ment analys� et loin de toute consid�ration politicienne. Amirouche avait une profonde foi dans le combat qu�il menait. �L�affaire Chaabani�. Venons-en ! Je l��voque pour la premi�re fois en ces termes bien qu��tant un des protagonistes. Auparavant, je voudrais m�interroger sur une certaine tendance � vouloir insinuer qu�elle eut lieu durant la guerre de Lib�ration en la collant � d�autres �affaires�. �L�affaire Chaabani� est un moment de l�Alg�rie ind�pendante. Ainsi, je ne veux pas l��voquer dans ses multiples p�rip�ties � et je suis dans une posture favorable pour le faire � mais dans sa logique, dans sa dynamique. Mohamed Chaabani, je l�ai connu lorsqu�il avait rejoint le maquis dans une zone de la Wilaya I, qui deviendra plus tard la Wilaya VI. C��tait un jeune �tudiant de l�institut badissien. Sage, instruit, pond�r�, voire tr�s doux. On l�avait surnomm� Taleb (au double sans du terme arabe en usage, � savoir �tudiant et sage). Tout le monde recherchait sa compagnie et il faisait l'unanimit�. Il n��tait li� � aucune tendance, sinon � ses propres convictions culturelles et civilisationnelles. Malheureusement, notre compagnonnage ne dura pas longtemps puisque j��tais appel� � me diriger vers le sud puis vers l�ouest, sur ordre de Si El Haoues. Je ne l�ai plus revu jusqu�� l�ind�pendance. Ses seules qualit�s intrins�ques lui permirent jusqu�au commandement d�une wilaya. On oublie souvent de souligner un fait important : on dit qu�il fut le plus jeune colonel de l�ALN puis de l�ANP mais on oublie qu�il fut aussi le seul colonel sans pass� politique militant, ni MTLD-PPA, ni UDMA, ni PCA, ni Oul�mas. Il n�avait que ses convictions patriotiques scell�es, intangibles et non n�gociables. C�est l� le secret de l�origine de son action � et de sa perte � au lendemain de l�ind�pendance. Il n��tait m� par aucune soif de pouvoir, ni par un quelconque esprit partitionniste, claniste. Il ne voulais simplement pas marchander ses convictions et ses principes. Aurait-il voulu une responsabilit� civile, militaire ou diplomatique qu�il l�aurait obtenue sur le champ. C�est uniquement sur une base d�affinit� personnelle que je l�avais rejoint, affinit� provoqu�e par la puret� de ses convictions. La suite des �v�nements a confort� la justesse et la noblesse de ses convictions, m�me � titre post-mortem. Le colonel Tahar Zbiri empruntera vainement la m�me d�marche. Etant un acteur direct de ce moment de l�histoire, serais-je tent� ou m�appartient-il aujourd�hui d�exciper cette qualit� pour �r�gler certains comptes� ? Assur�ment non ! Je refuse une telle posture pour de multiples raisons historiques objectives et intellectuelles, je n�ai aucun int�r�t � d�fendre, aucun sentiment de revanchard. En interpellant le pr�sident Ben Bella, comme soulign� pr�c�demment, je lui signifiais mon intention de d�fendre uniquement une m�moire et non pas d�intenter un quelconque proc�s envers qui que ce soit ou quoi que ce soit. J�avais adopt� la m�me d�marche concernant un autre monument de l�histoire : le colonel Lotfi. Bien de choses se disent sur son martyr, sur son commandement. A bien des �gards, il me rappellait Chaabani par son instruction, sa sagesse, son engagement in�branlable. Aujourd�hui, je d�fends sa m�moire. Somme toute, pourquoi t�moignons- nous ? Sommes-nous condamn�s � ne rapporter que des �histoires� ? Je ne le crois pas et je ne suis pas de cette �cole. Le seul vrai t�moignage digne d��tre �tal�, c�est celui de l�histoire de l�Alg�rie, de la guerre d�ind�pendance d�Alg�rie. Pour qui t�moignons-nous ? Certes pour l�histoire, pour les jeunes g�n�rations. Si tel est le cas, alors soyons tr�s vigilants et p�dagogiques dans la pr�sentation de nos t�moignages, nobles dans nos desseins et ne pas commettre de confusion de genres et d��poques. Ne r�agissons pas � une n�gation par une n�gation, � une falsification par une autre falsification. Les r�sultats pourront �tre plus catastrophiques. Une excuse peut �tre plus vile pour expliquer un impair, un d�lit, dit le proverbe arabe. Que dirait un jeune de 20 ou 30 ans en prenant connaissance de certains t�moignages autour des �affaires de X ou Y�? N�y a-t-il pas risque de faire assimiler la guerre de Lib�ration � une lutte mafieuse, � une lutte de mafiosi pour l�accaparement des postes de responsabilit� et de pouvoir? N�est-il pas en droit de conclure et penser que ces l�gendaires dirigeants (Amirouche, et autres), longtemps ensenc�s, ne sont en fait que des assoiff�s de pouvoir, pr�ts � tout pour le �koursi�? N�est-il pas loisible pour lui de voir en Amirouche ce grand r�volutionnaire, obsession de tous les strat�ges colonialistes, un simple tueur d��tudiants alors qu�en r�alit� il fut un grand promoteur de la formation des cadres pour l�Alg�rie ind�pendante ? Lorsqu�on pr�sente au jeune Alg�rien la d�cision de d�cr�ter la gr�ve des 8 jours comme une erreur catastrophique pour la R�volution, que peut-il penser alors de son auteur Larbi Ben M�hidi dont la grandeur fut reconnue en premier par l�ennemi ? Que peut penser ce jeune de Zighoud Youcef lorsqu�on lui dit que le 20 Ao�t 1955 �tait aussi une action catastrophique ? Il faut lui pr�senter les faits avec leurs tenants et leurs aboutissants. Il n�est gu�re dans mon intention de pr�ner la censure, de travestir la r�alit� ou de taire quoi que ce soit mais seulement de pr�ner une p�dagogie du t�moignage, expurg�e de tout sensationnalisme, de narcissisme, de r�glements de comptes. Malheureusement, certains t�moignages, volontairement ou involontairement, ne sont qu�un chapelet d�objectifs les uns plus insultants, de jugements de valeur post�rieurs o� le fait c�de le pas � l�appr�ciation. Je ne joue pas au moralisateur mais je veux simplement attirer l�attention sur les d�sastres incommensurables que provoque ce type de t�moignage parmi les nouvelles g�n�rations. Faisons honneur � l�appel du 1er Novembre dont l�entame fut : �A vous qui �tes appel�s � nous juger.� Nous n��tions ni anges ni d�mons. Alors aux g�n�rations actuelles et futures de n��tre ni les uns ni les autres. Ayons ensemble de la hauteur de vue, digne de cette glorieuse guerre de Lib�ration et �vitons les �gueguerres m�morielles �. Elles nous viennent d�ailleurs et cela nous suffit amplement. M. D. Rappels : (�crits de l�auteur) - Monologue, dialogue, un homme face � l�histoire. 3 vol. - Lettre � Monsieur Ben Bella, Le Soir d�Alg�rie, 20/05/2009. - Lettre � Monsieur Sa�d Sadi. - Proclamation du 1er Novembre, un appel aux armes, un hymne � la paix. - Nul ne pourrait y songer, ensemble d�articles publi�s entre 1985 et 2000. PS. Monsieur Sa�d Sadi a d�cid� de ne plus briguer un nouveau mandat � la t�te de son parti. Je tiens � saluer l�homme pour l��uvre qu�il a accomplie, � plusieurs titres et j�ose esp�rer maintenant qu�il est plus libre qu�il continuera � �crire et � susciter des d�bats constructifs.