Par Arezki Metref [email protected] Les crimes commis en France, � Toulouse et dans sa r�gion, par le djihadiste visiblement solitaire Mohamed Merah, dont l'origine alg�rienne est insidieusement mise en avant par les m�dias, soul�vent une �motion l�gitime, des interrogations multiples, tout en levant un li�vre � sa mani�re. En effet, les motifs intimes, psychologiques, id�ologiques du passage � l'acte ne sont pas encore bien connus. Y a-t-il une chance qu�ils le soient jamais apr�s le d�nouement que la traque de Merah a connu ? Quoi qu�il en soit, les analyses nous parviennent � travers le filtre d'une presse et d'une classe politique loin d'�tre apais�e, surtout en p�riode �lectorale o� la seule monnaie courante est l'�motion. Bien entendu, quelles que soient les motivations de l'assassin, son acte est odieux et condamnable. Si tant est qu'il en ait une, son forfait dessert sa cause. Nul besoin d'�tudes sophistiqu�es pour pronostiquer en cons�quence de ces attentats un regain d'islamophobie, d�j� r�pandue et banalis�e, ainsi que l'exacerbation d'un racisme antiarabe et singuli�rement antialg�rien puisque cette identit� a �t� soulign�e. Les condamnations vigoureuses de responsables religieux musulmans ne suffisent pas � lever l�amalgame courant entre violence qui se justifie par le radicalisme religieux et islam. Les millions de musulmans qui vivent leur religion dans le respect de la la�cit� et dans celui des autres vont devoir payer tous, collectivement, le geste fou d�un probable psychopathe qui se r�clame de l�islamisme. Et qui, semble-t-il, m�lange avec une belle d�sinvolture d�linquance et extr�misme religieux basique. D�s qu�on a appris l�origine musulmane et le parcours djihadiste du tueur, l�extr�me droite a de nouveau enfourch�, par la voix de Marine Le Pen, son argument coutumier, c�est-�-dire la criminalisation d�une religion et l�ethnicisation d�une radicalit� religieuse. L'extr�me droite n'est pas la seule force politique x�nophobe � tirer profit de cette trag�die. La droite dite r�publicaine ne crache pas dessus non plus. A preuve, l'ahurissante d�claration du tr�s droitier pr�sident de l'UMP, Jean- Fran�ois Cop�, embrayant � partir de l'�motion suscit�e par le drame sur la r�activation de sentiments anti-musulmans manifestement fertiles dans la r�colte des voix. La th�orie du bouc �missaire qui, en temps de crise, sert la s�duction �lectorale tant elle permet une auto-absolution et la culpabilisation de l�autre, th�orie visant les musulmans et, de fa�on plus g�n�rale, les immigr�s, est encore une fois remise sur le tapis. Piqu� au vif, un imam a m�me os� le rapprochement avec le 11 septembre 2001 qui a �t� suivi aux Etats-Unis d�une chasse aux musulmans sans pr�c�dent. Dans le climat particuli�rement tendu qui est celui de la crise en France et de l'�lection pr�sidentielle qui permet � certains candidats adeptes du choc des civilisations de puiser dans les in�galit�s et les difficult�s sociales le carburant pour se doper, l�acte de l�assassin s�en prenant � des soldats et � des enfants juifs est �videmment pain b�nit pour les tenants de la haine, de l�exclusion, qui consid�rent que tous les musulmans sont des Merah potentiels. Cette triste r�flexion vient alors � l'esprit : qu'en aurait-il �t� si deux des victimes de la tuerie de Montauban n'avaient pas �t� eux-m�mes d'origine maghr�bine ? En pointant du doigt l'origine �trang�re de l'assassin, n'y a -t-il pas un risque de conforter une certaine opinion prompte � d�signer l'�tranger comme le fauteur de trouble et de favoriser les d�rives dont nombre de pays europ�ens font les frais ? La r�ponse est oui ! Pour rappel, la tuerie perp�tr�e le 22 juin dernier en Norv�ge, par Anders Behring Breivik un fondamentaliste chr�tien exalt� agissant au nom de la lutte contre l'Islam, et qui a fait 77 morts. Autres faits : le d�mant�lement en novembre 2011 en Allemagne d'une cellule n�onazie � l'origine d'une s�rie de meurtres racistes, s�vissant depuis une dizaine d'ann�es, l'assassinat en Italie de vendeurs s�n�galais, etc. Si ces actes criminels sont le fait d'individus isol�s ou de groupes d'individus somme toute marginaux, qualifi�s par les criminologues de �loups solitaires�, la politique ouvertement x�nophobe de certains pays d'Europe est elle, sinon plus, du moins tout aussi inqui�tante. Passons sur les �in�galit�s entre civilisations� lanc�e par un Claude Gu�ant visiblement missionn� pour glaner des voix dans les arri�re cours du Front national. Disons juste que de telles affirmations, infond�es et malsaines dans un d�bat de justice et d�humanisme, contribuent � cr�er un climat de suspicion qui inscrit malheureusement des actes haineux dans le registre de l�advenu. Passons aussi sur la pol�mique autour de la viande hallal en France qui a, comme dit l�autre, mis le diable � la cuisine fran�aise et voyons succinctement ce qui se passe dans quelques autres pays europ�ens. En Hongrie, les Roms sont d�sign�s � l'opprobre par des partis de la majorit� gouvernementale. Ce racisme d�Etat ne semble pas scandaliser l�Union europ�enne ou alors �a ne se voit. En Bulgarie, ce sont les Turcs qui payent les pots cass�s tandis que, aux Pays-Bas, apr�s les musulmans, les immigr�s d'Europe centrale et orientale sont � leur tour livr�s � la vindicte. L'Europe a-t-elle peur ? Oui, bien s�r, elle a peur mais elle ne choisit pas la bonne protection. En offrant toujours la m�me victime expiatoire � une opinion qui cherche des coupables ailleurs qu'en elle-m�me, les Etats europ�ens ne font que donner plus de profondeur au foss� qui se creuse entre les groupes sociaux, certains consid�r�s inf�rieurs � d�autres du fait de leur incapacit� � �tre �assimil�s�. Evidemment, l'islamisme radical existe bel et bien. Il est destructeur. Sa violence est d�j� barbare lorsqu'elle est produite par des groupes structur�s. A cette barbarie s'ajoute une autre ignominie quand elle est le fait de loups solitaires. Sans vouloir d�douaner qui que ce soit, ne convient-il pas de rappeler ici que 90% des victimes de l'extr�misme islamiste � travers le monde est constitu� de musulmans ? Revenons � ce propos quelques ann�es en arri�re pour se rem�morer que lorsque les islamistes radicaux massacraient les d�mocrates en Alg�rie, les capitales europ�ennes, dont Paris, soutenaient plut�t les islamistes comme �tant l'expression de la d�mocratie et du peuple.