Gare à l'amalgame ! L'identification du présumé tueur en série de Toulouse et Montauban, qui s'avère être un Franco-Algérien se revendiquant d'Al Qaîda, risque d'accroître encore les sentiments antimusulmans et antimaghrébins en France. Déjà stigmatisée en cette période de campagne pour la présidentielle dans ce pays, la communauté musulmane craint l'exacerbation de la xénophobie, dont elle a été toujours la cible. C'est même le cheval de bataille de l'extrême droite, représentée par le Front national (FN) de Marine Le Pen, qui s'est sentie renforcée, hier, dans son discours haineux. Dès l'annonce du nom du criminel, en l'occurrence le jeune Mohamed Merah, Marine Le Pen est montée au créneau pour «déclarer la guerre au fondamentalisme». «Des groupes politico-religieux se développent face à un certain laxisme. Il faut maintenant mener cette guerre contre des groupes politico-religieux fondamentalistes qui tuent nos enfants chrétiens, nos jeunes hommes chrétiens, nos jeunes hommes musulmans et les enfants juifs, il y a deux jours», lance-t-elle, presque euphorique. Le ton est donc donné. Et c'est de cela qu'ont peur les musulmans et les Français d'origine étrangère de France. L'islamisme intégriste, dont a souffert – et souffre encore l'Algérie – ces vingt dernières années, vient d'offrir un précieux cadeau aux extrémistes de droite pour humilier davantage les immigrés et les Français issus de l'immigration. Sans foi ni loi, ces intégristes islamistes, formés et endoctrinés par leurs «frères» en Afghanistan ou ailleurs, sont prêts à tout. Même à s'allier avec le diable. Les vies humaines, musulmanes, chrétiennes, juives ou autres n'ont aucune valeur pour eux. Leur seul objectif est d'assouvir leur instinct grégaire qui les incite à semer la terreur sur terre au «nom de Dieu». Mais ils ne gagneront pas. Les premières réactions en France après l'annonce de l'identité de ce présumé tueur sont modérées. Les responsables politiques et cultuels ont appelé d'une seule voix à «éviter de tomber dans le piège». Ils ne cachent pas, dans ce sens, leurs appréhensions «d'une remontée anti-islam en France». Le chef de file du MoDem, François Bayrou (centre droite), dit ne pas faire de cette tuerie une «affaire de racisme». Il exhorte la société française à «former l'ensemble le plus uni possible». Le candidat Nicolas Dupont-Aignan appelle, lui aussi, à éviter «les dérapages assimilant le terrorisme, l'islam et les Français musulmans». «Ils (ces dérapages, ndlr) sont la meilleure des manières de donner raison à ce terroriste et à sa folie criminelle. Ne lui faisons pas ce cadeau», lance-t-il. Accusé d'exploitation politique de cette affaire, le candidat-président Nicolas Sarkozy appelle les Français à «l'unité nationale et à ne céder ni à l'amalgame ni à la vengeance». Même son de cloche chez les représentants de la communauté musulmane de France. Le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, rappelle qu'il ne faut «pas d'amalgame entre la religion musulmane à 99,9% pacifique, citoyenne, responsable, non violente et tout à fait intégrée dans notre pays, et ces minimes petites franges de gens décidés à faire un mal atroce». «La communauté musulmane, dans sa très grande majorité, ne peut pas se reconnaître dans cette forme de pratique, qui n'est que l'expression de la haine, de la violence, du terrorisme, qui n'ont rien à voir avec les religions que nous représentons», précise-t-il. Le président de l'Union des musulmans de Grigny (Essone), Abdelhak Eddouk, dénonce le criminel présumé : «Tuer de jeunes juifs pour venger les jeunes Palestiniens ne peut que nous révolter, ne peut que nous inquiéter.»