Quel int�r�t y aurait-il, aujourd�hui en 2012, sept ann�es apr�s son adoption, de parler de la Charte de S�ville, un document sign� par une trentaine d�organismes de radiot�l�vision du pourtour m�diterran�en, un texte qui avait fait l��v�nement, � l��poque, mais dont il n�a �t�, � ce jour, �tabli aucun bilan, � charge ou � d�charge ? Nous avons accept� de l��voquer et d�en d�battre, au moins pour deux raisons : en premier lieu, pour exhumer ce document r�f�rentiel de l�oubli dans lequel il semble avoir �t� plong� ; ensuite pour identifier et mesurer les incidences que les mouvements contestataires arabes de 2011 seraient susceptibles d�entra�ner sur son actualisation. Rappelons pour ceux qui n��taient pas � S�ville en 2005 que cette Charte, sans �tre limitative de la libert� d�expression des m�dias publics membres de la Copeam, s��tait fix� pour objectif de poser un certain nombre de r�gles d�ontologiques et �thiques que les signataires s�engag�rent � appliquer dans le travail d�information et d�investigation qu�ils menaient sur l�actualit� des pays de l�espace euro-m�diterran�en. Le texte initi� par la T�l�vision alg�rienne et endoss� par la Conf�rence r�unie le 7 mai 2005 n��tait pas exhaustif. Il comportait un expos� des motifs de deux paragraphes dans lequel les m�dias concern�s relevaient qu�ils �taient, je cite, �conscients des risques de d�voiement de l�acte d�informer par des pratiques tendant � conditionner les opinions� et que, partant de l�, ils en appelaient � privil�gier �une approche professionnelle fond�e sur une information ouverte� dans un cadre de respect, de tol�rance et de dialogue� une information int�grant la richesse et la sp�cificit� des patrimoines culturels de chacun�. Ils s�accord�rent, en cons�quence, � �respecter les principes fondamentaux de l��thique professionnelle� qu�ils d�clin�rent sous la forme de 10 engagements. Je ne vais pas vous les citer tous. Retenons, simplement, que les plus essentiels recommandaient : � de reconna�tre aux journalistes la clause de conscience ; � de faire preuve d�exactitude, d��quit� et d�objectivit� dans la relation des faits et des �v�nements ; � de bannir toute forme d�incitation � la violence, � l�intol�rance, � la haine raciale et religieuse ; � et de s�abstenir de toute information par omission, montage ou toute autre forme de manipulation, notamment par l�alt�ration de documents �crits ou audiovisuels. Le consensus auquel les signataires sont parvenus sur l�appr�ciation des codes auxquels devrait ob�ir le travail de l�information ne fut pas le fruit du hasard. Il a r�sult� de la n�cessit� de tirer des enseignements concrets et op�ratoires de l��valuation du contexte international qui pr�valait � ce moment-l�. On sortait de la guerre d�Irak et de l�invasion du Liban par Isra�l, des �v�nements qui avaient donn� lieu, au niveau des m�dias, � tant de partialit� et de d�sinformation que tout observateur �quidistant avait de la peine � distinguer entre les gouvernements en action et les radio-t�l�visions devenues partie prenante aux conflits. Le journalisme �embedded�, inaugur� en 1991 par les troupes am�ricaines, avait �t� reconduit au m�pris et de la clause de conscience des journalistes et de la v�rit� due aux opinions. Face � ces d�rives dont les sommets furent atteints par la mont�e en �pingle des fameuses et introuvables armes de destruction massive et le bombardement de la radio-t�l�vision palestinienne � Ramallah, les t�l�visions publiques m�diterran�ennes, en particulier celles du Sud, ne purent demeurer impassibles et se confiner dans une attitude de r�signation quasiment coupable. Elles eurent t�t fait de sensibiliser les acteurs m�diatiques publics au sein des ONG dont la Copeam sur l�indispensable moralisation de l�acte d�informer qui passait, � leurs yeux, autant par la d�nonciation de ce diktat que par la mise en place de garde-fous, m�me si elles ne se faisaient pas trop d�illusions sur les limites d�une telle d�marche. Et de fait, en dehors du confort moral que celle-ci avait pu prodiguer, rien � ou si peu � ne changea dans les lignes �ditoriales, jusqu�ici � l��uvre. Durant les ann�es qui suivirent l�adoption de la Charte, les m�dias publics euro-m�diterran�ens avaient, de nouveau, rat� l�occasion de traiter, de fa�on mesur�e et �quilibr�e, des ph�nom�nes de soci�t� comme l�islamophobie, la stigmatisation des minorit�s, la mise � l�index des rites et traditions religieuses, et des �v�nements militaires graves comme l�invasion de Ghaza, les massacres et le blocus impos� par Isra�l. Dans ces tourbillons de violence, les gains arrach�s par la Charte de S�ville, bien qu�ayant eu le m�rite d�exister, s�av�r�rent, � l��preuve des d�fis, bien t�nus, donnant � mesurer l��cart consid�rable s�parant la th�orie de la pratique. A ce contexte ancien, vint s�en ajouter un nouveau, lorsque certains pays arabes furent secou�s par de profonds changements politiques porteurs de projets d�mocratiques. La Charte avait, l�, une excellente opportunit� � saisir pour pouvoir rebondir et rattraper son d�ficit. En d�pit de d�buts timor�s, incapables de d�coder des �v�nements comme ceux de Tunisie, les m�dias publics de cet espace se ressaisirent pour tenter d�accompagner le d�roulement de la R�volution, accroch�s, il faut le relever, aux r�seaux sociaux, pas du tout professionnels et � la locomotive des t�l�visions du Golfe. Encore que l� aussi, il y a beaucoup � dire sur la v�racit� et l�objectivit� des comptes rendus propos�s � leur public par certaines cha�nes, dont celles-ci. La question pos�e par de nombreux experts, � ce propos, �tait de savoir s�il existait, dans le dictionnaire de la communication moderne, un terme qualifiant un m�dia de �militant�, un statut in�dit qui n�a pas manqu� d�entacher le cr�dit du journalisme authentique. Ce cr�dit fut d�autant plus expos� au doute qu�il s�est accompagn�, dans certains cas, de �la politique de deux poids, deux mesures� que les t�l�spectateurs ont d� subir dans la relation d��v�nements tels que ceux de Bahre�n, d�Oman, d�Arabie Saoudite et du Kowe�t, discr�tement �voqu�s et parfois m�me occult�s. Dans ce grand mouvement qui balaya toutes sortes de tabous, de digues et de balises, la palme revient, sans doute, d�abord aux journalistes arabes des pays concern�s qui ont su reconqu�rir les espaces de libert� et restituer � la communication une grande partie de ses responsabilit�s. Mais cela ne suffit pas si on veut assurer � la libert� d�expression et au pluralisme d�opinion les prolongements indispensables � leur survie et � leur essor. Sans programmes de d�veloppement appuy�s par des politiques publiques engag�es, en termes de financement et de formation, de tels acquis resteraient bien fragiles. Les nouveaux pouvoirs publics install�s au Sud sont interpell�s, � cet �gard, pour apporter leur soutien multiforme aux m�dias �mancip�s afin qu�ils puissent poursuivre leur �uvre, donner la parole � tous, professionnaliser leurs contenus, diversifier leur offre, respecter les r�gles de d�ontologie et d��thique dans la relation et l�accompagnement des mutations politiques et soci�tales pr�figur�s par les nouveaux sc�narios, pour arriver � donner un sens � leurs r�les et � leurs missions dans la promotion d�une nouvelle gouvernance dans leurs pays. Ce qui est vrai pour les m�dias du Sud l�est tout autant, sinon plus, pour ceux du Nord qui doivent d�passer leurs �go�smes dict�s par la logique commerciale et les nouvelles strat�gies du business li�es � la recherche des gains d�audience et de publicit�. La crise financi�re majeure qui secoue le Nord les pousse, malheureusement, en ce moment, � s�aligner sur la frilosit� de leurs soci�t�s � la recherche du parfait bouc �missaire, c'est-�-dire toujours l�autre, pour exorciser leurs difficult�s �conomiques et leur mal-vie, comme ce fut le cas lors de l�exploitation politicienne et ethnique des tueries de Montauban et de Toulouse. Et pourtant, la multiplication des mouvements des �indign�s� en Europe est faite, en toute logique, pour rejoindre le r�veil des peuples arabes, dans un effort commun dirig� vers la recherche de rapports et de modes de coop�ration fond�s sur une nouvelle vision de la politique et des relations entre les peuples. Dans un tel contexte, la responsabilit� des m�dias publics, ici et l�, est de servir de vecteur � cette aspiration partag�e. La Charte de S�ville pourrait, en s�y ressour�ant, offrir les instruments utiles pour y parvenir, � la condition expresse qu�elle s�amende et mette en place des m�canismes d��valuation et de contr�le � faire valoir lors de chaque assembl�e g�n�rale annuelle, seule et unique garantie de son applicabilit� r�elle. B. M. Espoirs et craintes La 19e Conf�rence de la Copeam, qui s�est tenue � Marrakech du 29 mars au 1er avril 2012, s�est achev�e sur l��lection d�un nouveau secr�taire g�n�ral en la personne de Pierre Luigi Malesani, directeur des relations ext�rieures de la RAI, en remplacement de Mme Alessandra Paradisi dont le mandat est arriv� � expiration. Plac�e sous le signe de �Mutations dans les soci�t�s euro-m�diterran�ennes : les m�dias en mouvement�, la session de cette ann�e a enregistr� de nombreuses interventions et communications dont celle de MM. Mustapha El Khalfi, ministre de la Communication du Maroc, Andr� Azoulay, conseiller du roi Mohammed VI, Mohammed Khemlichi, secr�taire g�n�ral adjoint de la Ligue arabe, Fay�al Lara�chi, directeur g�n�ral de la SNRT, Toufik Khelladi, directeur g�n�ral de l�EPTV et Adnane Kheder, directeur g�n�ral de la T�l�vision tunisienne. Plusieurs personnalit�s et professionnels des m�dias des deux rives de la M�diterran�e ont planch�, deux jours durant, sur les questions d�actualit� telles que l��thique et la d�ontologie, les nouveaux espaces d�expression d�mocratiques dans les pays arabes, la libre circulation des contenus et les droits sportifs � propos desquels une d�claration, initi�e par la T�l�vision alg�rienne, appelant � une large concertation entre networks, f�d�rations nationales, continentales et internationales de football, pour mettre fin au diktat du monopole exerc� par les groupes d�tenteurs a �t� adopt�e, � l�unanimit�, comme document de r�f�rence. Au cours de la premi�re journ�e, Badr� Eddine Mili, �crivain et consultant international en m�dias, Nawfal Reghai, directeur � la Haute Autorit� marocaine de r�gulation, Latifa Tayah, chef de projet � l�Institut de Panos- Paris, Jean R�veillon, directeur g�n�ral de France 2, Noureddine Affaya, professeur de philosophie moderne � l�Universit� Mohammed V de Rabat, Jean Phillipot, pr�sident de l�Union europ�enne de Radio-T�l�vision (UER), et Maria Amata Garito, pr�sidente de l�Universit� t�l�matique Uninettuno se sont succ�d� � la tribune pour exposer les nouvelles probl�matiques n�es des changements politiques survenus dans le monde arabe ainsi que leurs incidences sur les relations avec le Nord. Les d�bats qui s�ensuivirent ont mis en �vidence les espoirs plac�s dans la consolidation de la libert� d�expression mais aussi les craintes de d�voiement et de manipulation des m�dias expos�s aux nouveaux sc�narios de gouvernance. Badr�Eddine Mili, cor�dacteur de la Charte de S�ville qui a �dict�, en 2005, les principes de l��thique et de la d�ontologie r�gissant le travail des m�dias euro-m�diterran�ens, a dress� le bilan de son application et avanc� des propositions en vue de son actualisation dans la communication dont voici le texte.