Dans ces deux entretiens crois�s, le directeur de la communication au niveau de la Direction g�n�rale de la S�ret� nationale (DGSN), Djilali Boudalia, et le secr�taire g�n�ral du Syndicat national des journalistes (SNJ), Kamel Amarni, reviennent sur la r�cente agression d�une journaliste et deux photographes de presse par des policiers. Ils livrent tour � tour leurs visions des rapports de force entre policiers et journalistes sur le terrain. COMMISSAIRE DIVISIONNAIRE DJILALI BOUDALIA, DIRECTEUR DE LA COMMUNICATION � LA DGSN : �Le policier ne doit pas se dresser en obstacle face au journaliste� Entretiens r�alis�s par Mehdi Mehenni Le Soir d�Alg�rie : Quel regard portez-vous sur la r�cente agression d�une journaliste et des deux photographes de presse par des policiers ? Djilali Boudalia : Le geste des policiers responsables de ces actes est condamnable, d�autant plus que nous les consid�rons contraires aux lois de la R�publique et aux instructions de la hi�rarchie. Pour nous, il s�agit d�une violence injustifi�e et nous ne tol�rons cela sous aucun pr�texte. Ce sont des cas isol�s et l�enqu�te diligent�e par nos services, malgr� le refus des victimes de porter plainte, a permis de sanctionner les fautifs. Cependant, ces cas ne peuvent nullement �tre assimil�s � une volont� de nuire � la corporation journalistique. Comment un policier peut-il se dresser comme un bouclier face � un journaliste dans l�exercice de son m�tier ? En aucun cas le policier ne peut se dresser en obstacle face � un journaliste dans l�exercice de son m�tier. Les d�passements ne peuvent nullement, d�ailleurs, servir de pr�textes ou de justificatifs. Nous condamnons la violence d�o� qu�elle vienne, d�autant que nous la consid�rons exog�ne � la corporation et n�a plus raison d�exister dans les rangs de la Police alg�rienne. Une telle attitude ne peut-elle pas d�couler d�une mauvaise compr�hension du r�le de chacun ? Chacun a un r�le � jouer comme chacun doit apporter sa contribution pour servir la soci�t�. Le journaliste informe et �claire l�opinion publique, le policier prot�ge le citoyen et veille au respect des lois de la R�publique. Nous ne pouvons, d�ailleurs, imaginer une soci�t� sans l�un ou l�autre. Les deux m�tiers sont compl�mentaires. De notre c�t�, nous avons engag� un v�ritable travail de fond pour que les choses soient claires. Le policier est aujourd�hui conscient que chacun a une mission pr�cise. De tels comportements ne nuisent-ils pas � l�image de l�institution de la police ? Pour nous, c�est un incident clos. Nous devons avancer. Cela ne doit pas rester un point noir dans l�image de la police. Nous demandons aussi la compr�hension des journalistes. Existe-t-il, � vos yeux, une situation de crise, voire une impasse entre policiers et journalistes ? Cet incident n�est pas un signe de mauvais rapports entre les deux. Nous partons du principe que s�il y a eu depuis deux ans des milliers de sit-in et qu�aucune plainte n�a �t� d�pos�e par un journaliste pour agression polici�re, c�est qu�il n�existe pas de situation de crise. Maintenant, s�il y a eu quelques m�contentements de la part de journalistes, nous essayons toujours de les arranger � l�int�rieur de nos rangs. Policiers et journalistes sont-ils condamn�s � vivre des rapports de force sur le terrain ? La cohabitation entre policiers et journalistes a toujours exist� et il y a des hauts et des bas comme dans toutes relations. Maintenant, il faut savoir tirer les enseignements du pass� pour aller de l�avant. Mais puisqu�il y a une grande volont� de la part de la hi�rarchie de bannir ce genre de comportement, nous sommes convaincus que nos rapports avec la presse ne peuvent �tre que pour le mieux. M. M. KAMEL AMARNI, SG DU SYNDICAT NATIONAL DES JOURNALISTES : �Les rapports entre la presse et les services de s�curit� sont par nature complexes� Le Soir d�Alg�rie : En tant que journaliste et repr�sentant syndical, quel sentiment avez-vous � chaque fois qu�il y a agression polici�re sur un confr�re ? Kamel Amarni : Je suis naturellement scandalis� par toute agression � l�encontre d�un journaliste ou un repr�sentant de la corporation tous corps confondus. Que cette agression �mane de la police ou autre. Quelles sont les cons�quences imm�diates que peuvent avoir de tels agissements sur l�exercice et aussi sur l�avenir de la profession ? Je dois d�abord pr�ciser que les derni�res agressions enregistr�es rel�vent de cas isol�s. Ce n�est pas un comportement syst�matique des agents de l�ordre. Nous enregistrons ce genre de d�rapage lorsqu�il y a foule, manifestations d�ordre social, politique, sportif ou autre. A chaque fois qu�il y a agression d�un confr�re, le Syndicat r�agit et agit. Nous d�non�ons et exigeons des sanctions � l�encontre des agresseurs. D�ailleurs, c�est ce qui a �t� demand� lors de la derni�re agression. Chaque cas doit �tre sanctionn� s�v�rement, de m�me que nous demandons aux confr�res victimes de tels actes de se manifester et notamment d�poser plainte. L�opinion publique n�est-elle pas priv�e dans de pareils cas de son droit � l�information ? Pendant des ann�es, le journaliste a fait face � la menace terroriste. Ce n�est donc pas aujourd�hui qu�il se r�signera � de simples pressions, fussent-elles polici�res. Ne pensez-vous pas qu�il arrive que certains journalistes outrepassent leurs droits ? Avant f�vrier 2011, l�administration justifiait des mesures restrictives, �tant donn� l��tat d�urgence. Aujourd�hui, ce n�est plus le cas. Le journaliste a non seulement le droit mais aussi le devoir d�assurer des couvertures de toutes manifestations publiques de quelque nature qu�elles soient. Aucune loi ne restreint le journaliste � exercer son m�tier, quand cela reste dans un cadre �thique. Ni la police ni aucune autorit� publique n�ont le droit de s�y ing�rer. Pouvez-vous nous d�crypter la progression des rapports entre policiers et journalistes depuis la cr�ation de la presse priv�e ? Les rapports entre la presse et les services de s�curit� sont par nature complexes. Et cela partout dans le monde. A plus forte raison dans un pays comme l�Alg�rie qui a connu le terrorisme, o� policiers et journalistes luttaient c�te � c�te. Et en d�autres p�riodes de troubles majeurs o� ils �taient face � face. Car il ne faut pas oublier que les policiers et les professionnels de la presse �taient parmi les cibles les plus privil�gi�es de cette p�riode. Mais �a reste comme le jeu du chat et de la souris. Le policier est pay� pour emp�cher le journaliste de faire certaines choses, et ce dernier est justement r�mun�r� pour les faire. Avez-vous l�impression qu�il y a de plus en plus d�acharnement policier contre les journalistes et pourquoi ? L�impression n�est pas qu�il y en ait plus ou moins, mais c�est qu�on en parle de plus en plus. De tels actes ne passent plus inaper�us au niveau de l�opinion publique en g�n�ral. Nous avons toujours eu en tant que syndicat � traiter de nombreuses affaires de ce type. Mais depuis un an, cela n�a plus le m�me retentissement m�diatique. A quel point pensez-vous que la nature des rapports entre policiers et journalistes peut-elle influer sur la cr�dibilit� de la profession ? La cr�dibilit� de la profession journalistique, de mon point de vue, ne d�pend pas forc�ment d�un face-�-face ou d�une complaisance grossi�re avec la police. En tant que journalistes, nous avons notre code d�ontologique, et chacun exerce son m�tier comme bon lui semble.