De notre bureau de Paris, Khadidja Baba-Ahmed Cette �lection pr�sidentielle est-elle la bonne, celle qui tournera la page Sarkozy et fera revenir la gauche au pouvoir ? Au vu de l�arithm�tique, l�on serait tent� de dire oui. Au vu des d�clarations des autres candidats de gauche sur le report de leurs voix en faveur de Hollande, l�on dirait aussi qu�il y a beaucoup de chance � ce que les socialistes reviennent au pouvoir apr�s plus de vingt ans d�un pouvoir sans partage de la droite. Mais rien n�est encore fait et le score du Front national en assomme plus d�un dans l�Hexagone et beaucoup de s�interroger : la France a-t-elle, au lendemain de ce premier tour, bascul� dans une tri-polarisation de son paysage politique ? Les �tats-majors des deux finalistes s�attellent maintenant � peaufiner leur strat�gie pour tenter de faire gagner leur candidat. Les derniers chiffres officiels donnent cette r�partition : Hollande 28,63%, un score historique pour le PS depuis Mitterrand en 1988 ; Sarkozy 27, 08%, soit trois points de moins qu�au premier tour de 2007 ; Le Pen 18%, un score historique jamais atteint par son p�re, m�me lorsque qu�il s��tait retrouv� finaliste en 2002 ; M�lenchon 11%, qui confirme la dynamique de la gauche du PS mais qui est loin des pr�visions et des esp�rances tout en constituant une r�serve importante pour le finaliste PS. Bayrou 9%, soit la perte de la moiti� de ses �lecteurs de 2007 ; Eva Joly � 2,3, un score relativement bas mais assez attendu cette ann�e pour les Verts. Chacun des cinq autres candidats n�a pas r�ussi � r�unir plus de 3% autour de sa candidature. Hollande gagne la premi�re manche, l�espoir rena�t pour toute la gauche Que Fran�ois Hollande soit class� en premi�re position constitue pour ce premier tour la premi�re grande surprise, m�me si certains instituts de sondages l�avaient entrevu ces derni�res semaines. En t�te du premier tour, le candidat socialiste, contrairement � Sarkozy, a continu� tout au long de la campagne, avec constance et coh�rence, � expliquer son programme aux Fran�ais. �C�est un acte de confiance dans le projet que j�ai pr�sent� devant les Fran�ais pour redresser notre pays dans la justice, pour ma�triser la finance, pour retrouver la croissance et l�emploi, pour r�duire la dette, pour prot�ger notre industrie, pour promouvoir les valeurs de la R�publique, pour pr�parer l�avenir et notamment la transition �nerg�tique.� Dans ce seul extrait de l�intervention de Hollande � l�issue de la proclamation des r�sultats du premier tour, on trouve d�j� ce qui pourra peut-�tre lui assurer la victoire au soir du deuxi�me tour : le redressement du pays mais dans la justice, une valeur de la R�publique qui a �t� quelque peu pi�tin�e ces derni�res ann�es par la droite. Hollande a toutefois bien conscience que si ce premier tour a constitu� une sanction et un d�saveu du candidat sortant dont le discours tout au long de ces derniers mois a fait le jeu de l�extr�me droite, son score � lui, un premier essai victorieux, ne suffit pas � engranger une victoire finale. Il lui faudra rassembler et il a d�j� commenc� � le faire en appelant � un rassemblement de tous les citoyens attach�s � une R�publique enfin exemplaire et promettant de �r�pondre aux inqui�tudes l�gitimes, aux col�res nombreuses que le scrutin a r�v�l�es�. Il est clair que ces col�res se sont exprim�es � deux niveaux. D�abord chez les �lecteurs de gauche. Jean-Luc M�lenchon a fait un score plus faible que celui attendu, mais il a r�ussi � faire revenir la gauche glorieuse des ann�es 1980 sur la sc�ne politique fran�aise. D�s dimanche soir, M�lenchon a clairement indiqu� que le seul objectif pour le 6 mai �tait de battre Sarkozy, sans condition et demand� � ses �lecteurs de reporter leurs voix sur Hollande. Une victoire de ce dernier, qui enregistre aussi un report de voix d�Eva Joly (2,3 %) mais certainement aussi de la candidate Nathalie Arthaud de lutte ouvri�re et du candidat Poutou du nouveau parti anti-capitaliste (� eux deux 1, 8% des suffrages exprim�s). Le ni oui ni non du centre fait encore tr�bucher Bayrou Quant aux 9,1 % du candidat du Modem, soit 3 millions d��lecteurs, nul ne sait encore sur quelle candidature ces voix vont se reporter. �Je vais m�adresser aux deux candidats s�lectionn�s pour le deuxi�me tour, je vais leur dire ce qui est pour nous l�essentiel, en termes de valeurs, en termes d�actions � conduire, j��couterai dans les jours qui viennent leurs r�ponses et je prendrai mes responsabilit�s.� Aucune d�cision donc sur le report de voix de Bayrou qui consid�re que les r�sultats du premier tour qui donnent un �paysage �clat�, le trouble du pays�� devraient l�amener � proposer de �construire d�urgence une force d��quilibre du centre�. S�il ne donne pas de consignes claires, son �lectorat, selon les pr�visions des instituts de sondage, se r�partirait pour un tiers pour Sarkozy, un tiers pour Hollande et un autre tiers qui ne se prononcerait pas. Seule victoire de Sarkozy : le retour de l�extr�me droite Ce que ces instituts n�ont cependant pas vu dans leurs sondages sur les intentions de vote, c�est bien la mont�e sans pareille du Front national, m�me si tout le monde s�accordait � dire que les id�es du Front national, crise oblige mais pas seulement, ont creus� des sillons dans la soci�t� fran�aise. Les r�sultats de Marine Le Pen donnent plus que jamais des ailes � la fille de son p�re : �Ce n'est qu'un d�but, continuons le combat�, a lanc� la candidate FN. Marine qui a estim� que �rien ne sera plus comme avant�. �Face aux faux sondages, nous tous ensemble avons fait exploser le monopole des deux partis de la banque, de la finance, des multinationales, du renoncement et de l'abandon�, a-t-elle ajout�. �Face � un pr�sident sortant, � la t�te d'un parti consid�rablement affaibli, nous sommes d�sormais la seule et v�ritable opposition � la gauche ultralib�rale, laxiste et libertaire.� Pour qui voteront les candidats de Marine Le Pen ? On pourrait r�pondre certainement pas pour la gauche, cela pourrait aller de soi mais en l�occurrence, � �couter des �lecteurs du FN sur les ondes radiophoniques lundi matin, pas mal d�entre eux reporteraient leurs voix sur Hollande n�ayant voulu faire, au 1er tour, qu�un vote d�avertissement. Et certains de poursuivre : �Nous ne voulons au fond ni du racisme ni de la fin de l�euro�. L�extr�me droite a, en tout cas, le vent en poupe comme beaucoup de pays europ�ens en cette conjoncture de crise. Mais la crise n�explique pas tout. Si �cette tache ind�l�bile sur les valeurs d�mocratiques� a pris, c�est comme le dit si justement Eva Joly � cause de l��uvre de Sarkozy et de �ces apprentis sorciers de l�identit� nationale, qui � force de discours de division et de haine� ont permis cette ascension. Nicolas Sarkozy aura r�ussi, dans tous les cas, � faire la victoire de l�extr�me droite. Il ne compte pas s�arr�ter en si bon chemin. D�s la proclamation des r�sultats du premier tour, lui qui s�attendait � balayer Hollande en se classant le premier, il a mis ce r�sultat sur le dos de la crise et a commenc� d�ores et d�j� un exercice de s�duction sans pareil en direction des �lecteurs du FN, utilisant le discours que ch�rit tant l�extr�me droite : �J�appelle maintenant tous les Fran�ais qui mettent l�amour de la patrie au dessus de toute consid�ration partisane ou de tout int�r�t particulier � s�unir et � me rejoindre.� Pourtant, cette strat�gie d�appel au patriotisme �triqu� et � la nation ferm�e sur elle-m�me ne lui a pas tellement r�ussi. Mais il r�cidive et on le verra, au cours des 15 jours qui nous s�parent du second tour, crier encore � la mort de la France si jamais les citoyens votaient pour Hollande et avertir du danger que constitue la politique de Hollande, celle notamment relative � l�immigration, cauchemar de la Marine.