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1962-2012 : O� EN SOMMES-NOUS CINQUANTE ANS APR�S ?
2 - La m�re-patrie et ses enfants
Publié dans Le Soir d'Algérie le 27 - 05 - 2012


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C�est en principe le f�minin qui enfante du masculin, mais il y a deux cas au moins o� c�est le masculin qui a enfant� du f�minin : le premier est celui d�Eve qui, selon les religions, est issue d�Adam, et le second, celui de patrie qui, bien que f�minin, est issu du masculin �pater� qui signifie p�re en latin.
Le mot m�re vient aussi du latin �mater� et d�signe la femme qui a enfant�, mais, paradoxalement, la m�re-patrie est le �pays des p�res�. Pourquoi pas le �pays des m�res� d�autant, qu�en anglais, on dit �motherland�, qu�il existe des soci�t�s matriarcales, et que la majeure partie des pays porte des noms � consonance f�minine ? On ne sait pas. En dehors du machisme, il n�y avait aucune raison de dire �patriote� et �patriotisme� au lieu de �matriote� et �matriotisme�. On s�y serait fait. Lorsque Solon r�digea le fameux Code qui porte son nom, on lui demanda pourquoi il n�avait pas inclus parmi les crimes r�pertori�s pour composer le premier code p�nal celui du �parricide�. Le l�gislateur grec eut cette r�ponse : �Parce que j�esp�re que ce crime ne sera jamais commis.� Personne n�avait jug� utile de l�interroger sur le �matricide�. Cette mani�re de voir r�v�le, en dehors du sexisme des origines, deux choses : dans le cas d�Adam et d�Eve, l�homme n�est pas sup�rieur ou �gal � la femme, il lui est curieusement ant�rieur. Dans le cas des nations, le patriotisme est associ� � l�homme et la patrie � la femme au foyer qui met au monde de robustes et vaillants enfants qui l�aimeront et la d�fendront alors que cela n�a pas toujours �t� vrai. On a beau �crire qu��on appartient � sa patrie comme on appartient � sa m�re�, beaucoup d�hommes ont trahi leur patrie ou leur m�re, et dans l�histoire de beaucoup de nations des Jeanne d�Arc et des Fatma n�Soumer se sont lev�es pour incarner et d�fendre la m�re-patrie en p�ril. Avant le 5 juillet 1962, notre m�re-patrie �tait un ensemble de d�partements fran�ais, et nous des apatrides, car nous n��tions ni fran�ais ni alg�riens. Ce n��tait pas la premi�re fois qu�on �tait orphelins, et les Fran�ais n��taient pas les premiers � nous enlever notre m�repatrie � notre barbe et sous notre khchem. Les Ottomans et les Romains les ont pr�c�d�s dans la pratique du kidnapping, et pour des dur�es beaucoup plus longues : quatre si�cles environ pour les uns et les autres. On appelle ce genre de rapt le colonialisme, ses auteurs les colonisateurs, et ses victimes, les colonis�s. Mais lorsqu�un de nos compatriotes s�est lev� un jour pour �mettre l�avis qu�il y avait peut-�tre un peu de notre faute dans ces serial kidnappings, des �patriotes� le couvrirent d�injures comme si c��tait lui qui avait remis les cl�s du pays aux Romains, aux Turcs puis aux Fran�ais. Il avait commis le matricide d��crire dans un livre paru � Alger en f�vrier 1949 ( Les conditions de la renaissance alg�rienne) : �Pour cesser d��tre colonis�, il faut cesser d��tre colonisable. � On lui en voulut pour ce blasph�me antipatriotique plus qu�aux colonisateurs. C��tait pourtant vrai, puisque colonis�s nous l��tions, et que colonisables nous cesserons d��tre le 1er Novembre 1954 parce que vingtdeux jeunes Alg�riens l�avaient enfin d�cid�. La m�re-patrie, terre des anc�tres, n�est pas r�gie par les lois de la biologie mais de l�histoire : elle na�t, cro�t ou stagne, mais jamais ne meurt ; elle peut se porter comme un charme ou rester dans le coma pendant des si�cles ; on peut la n�gliger et la livrer � la colonisation, comme on peut la lib�rer d�une occupation et la rajeunir. Maternelle, elle se plie aux volont�s de ses enfants et subit leurs outrages sans souffler mot comme devant ceux qui, parce qu�ils ont contribu� � sa lib�ration, voient aujourd�hui en elle une mineure plac�e sous leur tutelle. On peut remplacer son nom par un autre (Tamazgha, Numidie, Ifrikya, R�gence d�Alger, Al-Djaza�r, Alg�rie�), la rendre prosp�re ou mis�rable, g�n�reuse ou intol�rante. Elle peut aussi changer de descendance et adopter une autre prog�niture, comme cela s�est vu en Australie, en Am�rique ou au Mexique o� les premiers habitants �taient noirs ou rouges, et qui sont aujourd�hui pour la plupart blancs et blonds. Le pr�sident am�ricain est noir alors que les premiers habitants des Etats-Unis n��taient ni noirs, ni blancs, ni blonds. La Palestine ne sait plus si elle est juive ou arabe, et les pieds-noirs disaient que l�Alg�rie leur appartenait parce qu�ils avaient mis en valeur sa terre et construit ses villes modernes. Le Coran dit : �Nous donnons la terre � ceux parmi nos cr�atures qui y accomplissent des �uvres utiles.� Le crit�re de la propri�t�, ici, n�est pas l�h�ritage, mais l�usage. C��tait d�j� la philosophie du socialisme alg�rien et de la R�volution agraire pour ceux qui s�en souviennent. Que doit-il advenir de la terre qu�on ne valorise pas ? Faut-il qu�elle soit perdue pour tout le monde ? Le principe coranique pourrait devenir un jour un principe de politique internationale et �tre oppos� � ceux qui occupent inutilement des terres alors que l�humanit� a besoin que tous les espaces de la plan�te soient exploit�s et fructifi�s pour la survie de l�esp�ce car les ressources naturelles s��puisent, tandis que la d�mographie mondiale cro�t de plus en plus vite. La m�repatrie alg�rienne, notre terre nourrici�re, a de tout temps �t� riche par le fait de la nature, ou de la Providence si l�on pr�f�re. Elle l�a bien dot�e en lui donnant l��tendue, des terres fertiles, un sous-sol regorgeant de ressources hydriques, mini�res et fossiles, en diversifiant ses paysages et son climat, et en la pourvoyant d�une longue fa�ade maritime. C�est de ces richesses que nous avons v�cu � travers l�histoire sans toujours les mettre en valeur nousm�mes. Notre pays est un don du Sahara, comme on disait de l�Egypte qu�elle est un don du Nil. Mais nous n�avons pas toujours m�rit� de notre m�re-patrie : l��uvre de la nature �tait belle, nous l�avons ternie avec nos �uvres laides. Nous l�avons vid�e de sa s�ve sans rien lui donner en retour. Comme d�autres mamans, elle a mis au monde des fils valeureux et des hommes �clair�s, mais aussi des enfants indignes et des esprits obscurantistes. Les meilleurs sont morts en voulant la lib�rer, d�autres l�ont mal guid�e et appauvrie, et certains ont m�me pris les armes contre elle. Elle a aussi �t� trait�e comme une m�re-porteuse dont les enfants ont �t� � d�autres, ch�rissant une belle-m�re adoptive ou une famille d�accueil sur quelque continent. Un hadithdit : �Le Paradis se trouve sous les pieds des m�res.� C�est parce que nous n�avons pas m�rit� de notre m�re-patrie que nous avons eu la �trag�die nationale�, c�est-�-dire l�Enfer sur terre. Notre m�re-patrie nous a donn� la vie, elle nous a nourris, instruits et soign�s. Ce qu�elle a fait pour nous, elle voudrait pouvoir le faire aux g�n�rations � venir, nos enfants et nos descendants, mais elle a besoin pour cela de nous, de notre travail et de notre g�nie. Y sommes-nous dispos�s ? On fragilise sa m�re-patrie quand on est d�pendant de l�ext�rieur, quand on �change des ressources naturelles contre des produits et des services �labor�s � l��tranger, quand on perd son �lite, quand le peuple est d�motiv�, quand la politique, art de g�rer les int�r�ts de la m�re-patrie, est pervertie, quand le syst�me �ducatif est mauvais, quand on ne pense pas � l�avenir, mais au seul pr�sent. De grandes infrastructures sont r�cemment venues embellir notre paysage et rendre fluide la circulation des v�hicules et le transport des personnes, ou nous alimenter r�guli�rement en eau potable, mais elles ont �t� r�alis�es par des �trangers et pay�es avec l�argent de la nature, celui du p�trole. Malgr� son �ge canonique, notre m�repatrie semble �tre encore dans les langes. Depuis les premiers Etats numides jusqu�� l�Ind�pendance, son histoire est jalonn�e de luttes et de sacrifices pour combattre une occupation ou essayer d��tablir un ordre int�rieur. Elle a pu relever des d�fis comme celui du colonialisme, mais elle n�a pas r�ussi toutes les mutations n�cessaires � une croissance normale, de sorte qu�� ce jour elle donne l�impression de n�avoir pas fini de na�tre, de vivre perp�tuellement les douleurs de la naissance et de devoir � chaque tournant repartir de z�ro. Aujourd�hui, elle est encore dans l��preuve, luttant contre des pulsions de mort surgies de son sein, �voquant d�autres p�riodes o�, apr�s avoir sembl� s�approcher du sommet d�une r�alisation, ses enfants se h�taient de rebrousser chemin, laissant en plan l�ouvrage devenu source de discorde. Quels que soient les noms qu�ils ont port� tout au long de leur histoire, et quoique celle-ci soit difficilement dissociable de celle de l�ensemble du Maghreb, les Alg�riens ont travers� les deux derniers mill�naires avec un fonds mental invariable au c�ur duquel les historiens ont �t� unanimes � rep�rer un certain nombre de caract�res permanents comme l�attachement � la libert�, une grande sensibilit� � l�injustice et aux in�galit�s et un sens religieux pr�gnant. Si ce viatique psychologique leur a suffi pour parvenir au XXIe si�cle, il ne leur a pas permis de s�agr�ger les uns aux autres, d��difier des syst�mes sociaux d�passant les limites agnatiques et tribales, de s�agglom�rer dans une structure �tatique unitaire, de b�tir une arm�e nationale, de d�velopper des modes de production collectifs et d��laborer une culture sup�rieure. Tout en pr�sentant les contours ext�rieurs d�une nation par le fait d�avoir en commun un territoire, des caract�res psychologiques, une religion et une ou deux langues, ils n�ont que rarement pu les convertir en facteurs de regroupement, en faits de conscience g�n�rateurs d�institutions politiques et de syst�mes sociaux, en d�nominateurs communs et en mouvements d�ensemble. Leurs bonnes dispositions naturelles sont comme rest�es � l��tat de virtualit�s non �closes et d��nergies �parses. A chaque invasion �trang�re notre m�re-patrie ne trouvait pas une conscience nationale pour la d�fendre, mais seulement des tribus valeureuses et des personnalit�s de premier ordre condamn�es cependant � �chouer car ne pouvant compter ni sur une mobilisation g�n�rale, ni sur une arm�e nationale, ni sur des structures �conomiques et sociales capables de soutenir un effort de guerre prolong�. Aussi, ses enfants en �taient-ils r�duits �
s�allier au nouveau conqu�rant pour se venger du pr�c�dent, aux Vandales pour chasser les Romains, aux Byzantins pour chasser les Vandales, aux Arabes pour chasser les Byzantins et aux Turcs pour chasser les Espagnols, dans un path�tique �lan de lib�ration qui se soldait � chaque fois par une nouvelle occupation, sans que les causes qui perp�tuaient � l�infini cet engrenage ne soient saisies par leur conscience, rapport�es � leur �tat social, identifi�es, puis liquid�es une fois pour toutes. En tant qu�individualit�s, les Alg�riens se sont de tout temps distingu�s par leur frugalit�, leur g�n�rosit�, leur courage, leur intelligence et beaucoup d�autres bonnes dispositions. Mais ils ne se sont jamais constitu�s en soci�t� coh�rente, et ce stade leur est rest� constamment interdit par leur faible inclination au consensus, � la syst�matisation des actions et au d�passement des contingences. C�est que, bonnes moralement et individuellement, ces qualit�s avaient, sociologiquement et politiquement, leurs revers. En fait, elles n�eurent � s�exercer positivement que ponctuellement, en tout cas plus volontiers quand il s�agissait de rejoindre un mouvement de r�volte comme celui dirig� par Jugurtha, Takfarinas, Mazippa, Firmus, Koce�la, La Kahina, cheikhs Al Mokrani et Al Haddad, Bouamama ou d�autres, que lorsqu�il fallait se mettre au service d�une �uvre de construction comme celle initi�e par Massinissa, Juba 1er, Ibn Rostom, Bologhine, Yeghmorassen, Abou Hammou, l�Emir Abdelkader ou d�autres. Les soul�vements dirig�s par les premiers, comme les Etats fond�s par les seconds, ne duraient en g�n�ral que peu de temps avant de s��vanouir avec leurs promoteurs sous les coups de boutoir de l��tranger, des luttes intestines ou de la trahison. Les exemples sont nombreux et s��talent sur les deux mille ans d�histoire connue de notre pays : nomades contre s�dentaires, Massyles contre Massesyles, Kotamas contre Rost�mides, Z�natas contre Sanhadjas, Zirides contre Hammadites, Almohades contre Almoravides, tribus contre a�rouch, assimilationnistes contre nationalistes, harkis contre moudjahidine, et aujourd�hui, modernistes contre islamistes, arabophones contre francophones� D�glingu�s par les occupations successives, une colonisation chassant une autre, d�sunis depuis toujours, �parpill�s � travers nos immensit�s, ou agripp�s aux flancs de nos montagnes o� nous nous sommes exil�s pour fuir le conqu�rant, nous n�avons pas eu la latitude de consolider nos valeurs intrins�ques, syst�matiser nos aptitudes, optimiser le rendement de nos moyens, tirer de notre g�n�rosit� ancestrale un �art de vivre d�une vie de nation�. Nous avons �t� partie prenante � des projets g�n�raux, � des travaux publics d�cid�s par des �trangers et non issus de notre volont�. Nous avons aid� les Ph�niciens � �tablir des comptoirs sur nos c�tes, les Romains des cit�s sur nos plaines, les Turcs des forts sur nos collines et les Fran�ais une colonie sur nos terres cultivables. Nous avons �t� respectivement leurs nomades, leurs Barbares, leurs sujets et leurs indig�nes. Nous avons contribu�, dans la disparit� et l��miettement, � l��uvre des autres chez nous et quelquefois loin de nos contr�es. Dans le domaine intellectuel, Saint-Cyprien, Optat de Milev, Fronton de Cirta, Terentius le Maure, Porphyrien, Arnobe, Apul�e de Madaure, Saint- Augustin et d�autres, ont beau �tre des n�tres, ils ont servi la gloire de la culture romaine et de l�Eglise. Ils ne pouvaient d�dier leur g�nie � rien d�autre et � personne d�autre. Nous n�avons rien fait pour notre propre compte avec notre amazighit�, tr�s peu avec l�islam, et rien de d�cisif avec l�influence occidentale. C�est comme si la t�che historique de nous �riger en nation homog�ne et ind�pendante avait chaque fois �t� remise au lendemain par nos devanciers. D�ailleurs, c�est aux d�s�quilibres structurels laiss�s en l��tat par les g�n�rations qui nous ont pr�c�d�s que nous sommes confront�s actuellement. Ce qui a de toute �vidence manqu� aux Alg�riens pour r�ussir les grandes mutations intellectuelles, politiques, �conomiques et sociales qui ont permis � d�autres peuples de se hisser au rang de puissances imposantes et de soci�t�s homog�nes, c��tait de r�aliser � la faveur des opportunit�s offertes par l�histoire le passage de l�individuel au collectif, du nomadisme � la s�dentarisation, de la tribu � la nation, du raisonnement coutumier � la rationalit�, de la qui�tude fataliste � la prise en charge consciente et r�solue de son destin. Pendant des si�cles, ils se sont content�s d�une sorte d�autogouvernement � l��chelle du �a�rch� ou de la �dechra�, s�accommodant d�un ersatz de d�mocratie volontariste et informelle � base de vertus morales comme la �djema� et la �touiza �, embryons d�institutions inop�rantes quelques kilom�tres plus loin et totalement herm�tiques aux am�liorations sugg�r�es par l��volution. A aucun moment, l�Alg�rie n�a poss�d� l��quivalent d�un projet de soci�t� prenant en compte tout son territoire, toutes ses populations, toutes ses richesses �conomiques et culturelles agenc�s � l�int�rieur d�une perception globale de l�Etat et saisis par la conscience g�n�rale comme des �l�ments fondateurs d�une identit� collective. C�est comme si notre ADN ne comportait pas d�informations relatives au groupe, de donn�es gr�gaires, d�h�r�dit� sociale. L�ADN des soci�t�s c�est leur pass�, et le pass�, c�est le logiciel renfermant ce qui a �t� accompli ensemble, la somme des exp�riences collectives, des habitudes de travailler et de produire en relation les uns avec les autres, amass�es tout au long du parcours historique. C�est le bilan, non pas de ce qui a �t� subi et support� par tous, mais de ce qui a �t� r�alis� de concert, en connaissance de cause, dans la libert� et la conviction. Ce sont toutes ces choses qui conf�rent � une communaut� le savoir-vivre ensemble, le savoir-faire historique, le �know-how� collectif qui la distingue des autres communaut�s. Ce sont ces influences r�ciproques, ces contraintes de groupe librement consenties, ces pratiques sociales s�culaires, qui ins�rent l�individu dans la communaut� et le particulier dans le g�n�ral. Ce n�est que lorsque les habitudes d�agir, de penser et de cr�er ensemble s�incrustent dans l�inconscient collectif et deviennent des m�canismes de symbiose et des institutions efficientes que le r�le de la communaut� s�affirme et relativise celui des individualit�s exceptionnelles et des �lites. Les valeurs les plus nobles, les vertus les plus hautes, les qualit�s les plus g�n�reuses, quand elles ne sont pas activ�es � des fins g�n�rales, ni conditionn�es pour devenir des mat�riaux de construction, quand elles gisent � l��tat primaire au fond de l�individu, ou tout au plus au niveau de la tribu, deviennent des handicaps, des d�fauts, des vices r�dhibitoires quand il s�agit d�instaurer des r�gles d�organisation collective et de fonctionnement g�n�ral. C�est ce qui explique que notre m�re-patrie ait mis au monde davantage de h�ros lib�rateurs que de h�ros civilisateurs, que notre peuple soit plus connu pour ses faits d�armes que pour ses r�alisations pacifiques, et que les �d�fis� nous aient toujours paru plus attrayants que l�invitation � nous engager dans des �uvres de longue haleine requ�rant assiduit�, discipline et synergie. Quand on a trop longtemps v�cu sans l�intervention d�une culture associative qui structure et organise les particules �l�mentaires que sont les individus autour d�une propri�t� d�limit�e, d�un travail r�gulier et d�un code social, quand on a pu traverser les si�cles sans ordre politique stable, ni contraintes juridiques d�aucune sorte, quand on n�a �t� que les spectateurs indiff�rents d�Etats �rig�s par des �trangers sur son propre sol, l�id�e que des syst�mes sociaux et des �difices institutionnels soient indispensables � la vie ne se pr�sente m�me pas � l�esprit, et le sens collectif ne trouve d�s lors ni comment ni o� se former. C�est un miracle qu�il ne soit pas arriv� aux Alg�riens ce qui est arriv� aux Indiens d�Am�rique, aux aborig�nes d�Australie ou aux civilisations pr�colombiennes que la persistance dans des modes d�organisation r�volus, ajout�e � la cruaut� des conqu�rants europ�ens, ont pr�cipit� dans le n�ant.
N. B.
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