[email protected] Mourad savoure les cinq derni�res minutes de son long sommeil avant son r�veil. Il est bient�t quatre heures en ce 5e jour de Ramadan, l�heure � laquelle notre ch�meur doit aller chercher le pain. Une t�che qui lui incombe exclusivement. - Mourad, l�ve-toi, sinon tu ne trouveras rien, lui murmure sa m�re. Il ouvre les yeux, jette un regard sur sa montre, et d�un bond, se met debout. Il se dirige vers la salle de bains, se jette de l�eau sur le visage, enfile ses baskets et, d�un ton grave, s�adresse � sa m�re : - Vite, donne-moi les sous. La m�re s�ex�cute sans mot dire et lui tend un grand couffin r�serv� pour cette mission. Mourad, les yeux bouffis est secou� par la chaleur, il fait quelques boulangeries du coin, histoire de t�ter le terrain. �Il n�y a pas grand monde, �a veut dire que le pain n�est pas terrible�, pense-t-il. Il change alors de lieu, scrute quelques autres, mais il n�est toujours pas inspir�. Il est � la recherche du meilleur ! Dans sa qu�te, il est attir� par l�odeur all�chante d�un pain brioch� qui lui chatouille les narines. Il s�arr�te devant une mar�e humaine. Cette fois, c�est la bonne. L�interminable cha�ne ne le d�courage gu�re. A pr�sent, il est s�r qu�il est tomb� sur la meilleure marchandise. Il observe tous ces hommes qui sortent avec des sacs pleins de pain dor� de toutes les formes, humant la denr�e, avec un large sourire, fiers et heureux de leur acquisition. Mourad a l�eau � la bouche. La masse de quidams se fait de plus en plus importante, et les gens � l�int�rieur, la chaleur aidant, voient rouge. Ils haussent le ton, s�insurgent contre ceux qui ne respectent pas la queue. �J��tais l� avant lui, c�est � mon tour d��tre servi, ce n�est pas juste�, vocif�rent les je�neurs � l�endroit du boulanger, qui, en sueur, continue de servir les clients en silence. Et voil� qu�en quelques minutes, la cha�ne se d�sagr�ge et la boulangerie est prise d�assaut par une foule en furie. Des dizaines de bras s�allongent et nos consommateurs, le visage d�form� par la col�re, crient � tue-t�te : �Je veux 6 pains maonis, 4 pains brioch�s, 8 pains � la semoule, 7 scoubidous, 5 ficelles�� Mourad est encore loin derri�re. Il est pris en sandwich entre un malabar qui l��touffe et un sexag�naire qui, � bout de souffle, essaye de se faire entendre. Notre vendeur ne savant plus o� donner de la t�te, regarde ces fous furieux et avec un air sto�que �te son tablier, le d�pose sur le comptoir et leur lance : �Je ne sers plus personne jusqu�� ce que vous respectiez la cha�ne.� Mourad est alors pris de panique. Il s�extirpe de ce rassemblement, se met en face de ses cong�n�res et, s�improvisant meneur d�hommes, hurle : �Vous voyez ce que vous venez de faire, � cause de vous, il ne veut plus nous servir. Vous ne pouvez pas vous discipliner et rentrer dans les rangs ?� M�dus�s, et dans un mouvement synchronis�, ils se mettent en file indienne. �C�est vrai, il a raison, allez, que chacun prenne sa place, on ne va pas passer la nuit ici avec cette chaleur �pouvantable !� Mourad n�en revient pas. �J�ai r�ussi � calmer ces forcen�s, je suis un super h�ros. Quand je vais raconter �a chez moi, ils n�oseront plus me dire que je suis un vaut rien.�