Clôture du séjour de découverte technologique en Chine pour 20 étudiants    La gestion des archives dans le secteur de la santé et la transition numérique, thème d'un séminaire à Alger    L'expertise du groupe public de construction ferroviaire contribuera à la réalisation des mégaprojets dans les délais (PDG)    Ghaza: le bilan de l'agression sioniste s'alourdit à 44.235 martyrs et 104.638 blessés    Attaf reçoit le président de la Commission de la sécurité nationale et de la politique étrangère du Conseil de la Choura islamique iranien    La transition numérique dans le secteur de l'enseignement supérieur au centre d'un colloque le 27 novembre à l'Université d'Alger 3    Hand-CAN- 2024 dames: départ de l'équipe nationale pour Kinshasa    Oran: ouverture du 14e salon des énergies renouvelables "ERA" avec la participation d'une centaine d'exposants    Les incendies de forêts atteignent en 2024 l'un des plus bas niveaux depuis l'indépendance    Concert musical en hommage à Warda el Djazaïria à l'Opéra d'Alger    Liban: Josep Borrell réaffirme le soutien de l'UE à la FINUL    Le Président de la République préside l'ouverture de la nouvelle année judiciaire    Arrivée du Président de la République au siège de la Cour suprême pour présider l'ouverture de la nouvelle année judiciaire    Sonatrach : lancement d'un concours national de recrutement destinés aux universitaires    Président colombien : « Le génocide à Gaza est un message d'intimidation envers les pays du Sud »    Organisation d'une journée d'étude sur l'entrepreneuriat en milieu universitaire    Tebboune ordonne aux membres du Gouvernement de préparer des plans d'action sectoriels    Les joueurs mouillent-ils leurs maillots ?    Ligue 1 Mobilis : la LFP fixe les dates de la 11e journée    Belaili sauve l'EST de la défaite contre Ben Guerdane    Lettre ouverte A Monsieur le président de la République    L'Algérie révise partiellement sa politique des subventions des prix du gaz naturel pour les industriels    La Bolivie exprime son soutien au mandat d'arrêt contre Netanyahu et Gallant    Lettre ouverte A Son Excellence, Monsieur le président de la République    Quarante-cinq lotissements sociaux créés à travers plusieurs commune    Opération de dépistage du diabète    Des artistes illustrent les horreurs de Ghaza    Deux artistes algériens lauréats    Commémoration du 67e anniversaire de la bataille de Hassi-Ghambou dans le Grand erg occidental    Lettre ouverte A Son Excellence, Monsieur le président de la République    Canoë - Kayak et Para-Canoë/Championnats arabes 2024: l'Algérie sacrée championne, devant l'Egypte et la Tunisie    Le président de la République préside une réunion du Conseil des ministres    Tunisie: ouverture des Journées Théâtrales de Carthage    Tlemcen: deux artistes d'Algérie et du Pakistan lauréats du concours international de la miniature et de l'enluminure    Le président de la République préside la cérémonie de prestation de serment de la nouvelle Directrice exécutive du Secrétariat continental du MAEP    L'ANP est intransigeante !    L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



ENTRETIEN AVEC HAMMA MELIANI
Le th��tre, l��migration et les jeux identitaires
Publié dans Le Soir d'Algérie le 05 - 09 - 2012

Hamma Meliani est un extraordinaire touche-�-tout : th��tre, cin�ma et �criture. Sa soif de conna�tre fait de lui un homme de th��tre atypique mettant en relation plusieurs arts et plusieurs disciplines, comprenant que le th��tre est le lieu d�articulation de nombreux savoirs.
Ce n�est pas sans raison qu�il s�exerce au cin�ma, au th��tre et � l��criture litt�raire qu�il enrichit s�rieusement par la convocation des sciences sociales. Il a, d�ailleurs, un DESS en sciences politiques. Sa formation � l�Ecole d�art dramatique de Bordj El Kiffan a pr�destin� Meliani dans une sorte de processus le menant du cin�ma et la t�l�vision � une profonde r�flexion sur les questions de l��migration. Apr�s avoir r�alis� des films et des documentaires pour l�ex- RTA, il d�cide de quitter le pays pour s�installer en France o� il n�arr�te pas de se former en s�inscrivant dans des �coles de th��tre et de cin�ma ou � l�universit� avant d�ouvrir en 1979- 80 sa propre �cole de formation, L�Aspic, dot�e d�un atelier exp�rimental, structure sollicit�e en France par de nombreuses municipalit�s et espaces culturels et th��traux. Auteur de plusieurs textes dont certains ont �t� mis en sc�ne par ses soins en Alg�rie, dans les th��tres r�gionaux d�Oum El Bouaghi (l�Amour � mort, 2011), de Tizi Ouzou (Lamento pour Paris, 2011), au TNA (le R�ve du p�re, 2011) et � Sa�da (Entre feu et cendres, 2012), Hamma Meliani, 62 ans, plus d�une vingtaine de mises en sc�ne � son actif, passant du th��tre pour enfants � la marionnette, en n�oubliant nullement le comique et le tragique, a �t� celui qui a permis de faire conna�tre les merveilleux textes dramatiques (La R�publique des ombres et le Temps des araign�es, cr��s au th��tre des Amandiers � Paris) d�un po�te et journaliste, d�c�d� il y a quelques ann�es, oubli� en Alg�rie, Ahmed Azegagh. Dans cet entretien, il nous parle du th��tre en milieu immigr� qui a connu d�extraordinaires �claircies � partir de la fin des ann�es 60 et du d�but des ann�es 70. Il �voque le contexte sociopolitique, ses grandes tendances et ses diverses manifestations.
Le Soir d�Alg�rie : Quand on parle de th��tre de l�immigration, on pense spontan�ment aux ann�es 70.
Hamma Meliani : En effet, c��tait pendant les ann�es 70 que l�expression th��trale de l�immigration avait commenc� de s�exprimer. La France n��tait plus celle de l��re coloniale. L�Alg�rie devenue un pays souverain agitait les mouvements de lib�ration du tiers monde, proposait un nouvel ordre mondial et pr�parait la nationalisation des puits de p�trole. Apr�s le traumatisme de la guerre d�Alg�rie, Mai 1968 avait insuffl� un r�ve de justice et de libert� � la soci�t� fran�aise. C��tait l��poque des slogans, pour n�en citer qu�un : �Fran�ais immigr�s, m�me patron, m�me combat !� Avec comme credo la dialectique marxiste, syndicats, partis de gauche, mao�stes, autonomes, et autres groupuscules r�volutionnaires passaient au crible le comportement, la mentalit� et la morale �jud�o-chr�tienne�. La France bouillonnait ! De partout surgissaient des groupes de th��tre, des cin�astes, des peintres ; des fanzines circulaient entre les mains des militants. Des radios pirates inondaient les ondes. On d�battait de la lutte des classes, du racisme, du f�minisme, de la situation scandaleuse des immigr�s. Un vent de fraternit� soufflait alors sur la mauvaise conscience des racistes, des machistes, des militaristes et des patrons. Toute l�Europe bouillonnait en ce temps-l� entre racistes et antiracistes. De m�me le mouvement f�ministe s�imposait lui aussi en force politique. Le rapport des Fran�ais avec les Alg�riens avait chang� en partie.
C�est durant cette p�riode justement que vous avez entam� votre exp�rience dans cet univers.
J�arrivais � Paris en provenance d�Alg�rie d�o� je vivais un autre bouillonnement entre r�volution agraire, gestion socialiste des entreprises et volontariat estudiantin. Je venais juste de r�aliser Gen�se, un long m�trage sur les luttes sociales en Alg�rie, produit gr�ce aux services cin�ma de l�Arm�e nationale populaire, l� o� une ann�e auparavant j�avais accompli mon service militaire. Ce film, une fiction underground, fut tourn� en six jours avec l�aimable et b�n�vole participation de mes camarades de l�Ecole de Bordj El Kiffan : Zahir Bouzerar, Sa�d Benselma, Boualem Benani, Fethia, Makhlouf Boukrouh, Ahmed Mazouz et tant d�autres avaient particip� � cette aventure qui m�a valu de quitter le pays pour l��migration. Une fois en France, j�oscillais entre la r�alisation cin�matographique et la pratique th��trale mais l�agitation sociale et l�urgence d�une action artistique pour repr�senter et d�fendre la communaut� maghr�bine contre tous les exc�s racistes, au travail et dans la rue, nous avaient pouss�s � r�agir ; chanteurs, musiciens, com�diens, tous amateurs mais bons artistes. Et c�est ainsi qu�on a commenc� � parler de th��tre de l�immigration.
Quelles sont les conditions sociologiques, politiques et artistiques qui ont permis l��mergence de ce th��tre ?
Giscard �tait au pouvoir, la droite et les forces de police n��taient pas tendres avec les immigr�s et encore moins avec les �tudiants �trangers non boursiers. On jouait au chat et � la souris en prenant tous les risques. Avide de tout savoir et de tout faire, je participais aux �v�nements artistiques qui, le plus souvent, se passaient dans les centres Sonacotra, devant des piquets de gr�vistes, dans les cit�s universitaires, les associations antiracistes ou culturelles. Tous ces �v�nements artistiques portaient un �lan de solidarit� et de soutien aux travailleurs immigr�s. La soci�t� fran�aise �tait divis�e. Il y avait les racistes, les patrons esclavagistes et ceux qui luttaient pour un monde meilleur, tout comme aujourd�hui d�ailleurs. La guerre du Vi�tnam faisait rage. Le Chili �tait en �bullition. Le flux migratoire des pays du Sud apportait de nouveaux migrants � la m�tropole : �tudiants, travailleurs maghr�bins, africains, portugais, r�fugi�s politiques chiliens et asiatiques, naufrag�s des boat people. Un mouvement anti-imp�rialiste arm� naissait alors pour mener une r�volution mondiale et tordre le coup � la finance internationale, au patronat, aux militaristes, aux marchands d�armes, aux colons isra�liens qui martyrisaient le peuple palestinien, aux Am�ricains qui persistaient dans leur action de d�stabilisation des Etats progressistes en Am�rique du Sud et ailleurs. En Allemagne d�abord apr�s l�assassinat de Rudy le Rouge, la Fraction arm�e rouge allemande faisait parler d�elle, puis en Italie, les Brigades arm�es rouges enlevaient Aldo Moro, en France, Action directe ciblait des officiers et des marchands d�armes, la R�sistance palestinienne, de son c�t�, aidait l�IRA et ces mouvements dans leur formation paramilitaire. L�Arm�e rouge japonaise �touff�e dans l��uf avait particip� � ces actions mondiales contre l�imp�rialisme jusqu�� l�arrestation du jeune Furaya � l�a�roport de Lod, en Isra�l, alors qu�il d�tournait un avion. Je ne vais pas citer tous les groupuscules r�volutionnaires d�Espagne, d�Am�rique et d�Asie qui secouaient les peuples du monde. Carlos avait d�tourn� un avion vers Alger. N�anmoins, c��tait dans un contexte de suspicion et de crainte que vivait l��migration alg�rienne. C��tait l��poque o� la police pouvait contr�ler votre identit� n�importe o� et n�importe quand. Le soir, les caf�s alg�riens, qui �taient si nombreux � Paris, connaissaient bien le sens de �l�op�ration coup-de-poing�, les flics y faisaient des rafles et tabassaient � coups de poing les clients, g�n�ralement des Maghr�bins. Dans les cit�s de banlieue, les fen�tres �taient devenues assassines ; on tirait sournoisement sur les m�mes aux cheveux fris�s qui jouaient dehors. Des assassinats ont �t� commis un peu partout dans l�Hexagone. De scandaleuses bavures polici�res se r�p�taient. C��tait pendant cette p�riode � la fois r�volutionnaire et r�pressive que le premier acte du th��tre de l�immigration se faisait voir et entendre ; d�non�ant l�exploitation au travail, le racisme assassin et la r�pression polici�re. Ces th�mes �taient jou�s d�abord sous forme d�agit-prop puis la dramaturgie a �volu� � travers l�improvisation et l��criture de sketchs, de courtes sc�nes, refl�tant l��v�nement du moment.
Comment avez-vous d�couvert ce th��tre ? Dans quelles conditions aviez-vous commenc� cette exp�rience ?
Le Festival de th��tre des immigr�s �tait le r�v�lateur. Il avait jou� son r�le dans la communication devant un public nombreux et vari�. Il a fait conna�tre des gens et permit des rencontres et des retrouvailles entre artistes maghr�bins et fran�ais. Le festival ne signifiait pas pour autant que le th��tre des immigr�s fonctionnait avec des statuts, ses artistes, sa tr�sorerie et sa valeur marchande. C��tait l�expression dramatique d�une identit� qui se manifestait le plus souvent dans des lieux alternatifs. Le th��tre des immigr�s n�avait pas de sanctuaire ni d�outils de travail, ni sc�ne ni coulisses. Il s�exprimait partout o� c�est possible m�me dans la rue, parfois dr�le, parfois �mouvant, d�non�ant les travers d�une soci�t� injuste. Tout comme d�ailleurs le faisait chaque jour le regrett� Aguyguy Mouna place de la Sorbonne. Debout sur un cageot, des colifichets et des slogans coll�s sur sa veste comme des m�dailles et des labels, il haranguait la foule avec ses discours politiques acerbes et plaisants. C��tait un mod�le de th��tre de contestation comme le pratiquait en Italie mais professionnellement Dario Fo et sa compagne Franca Rame devant des publics plus importants et dans des lieux appropri�s � chaque th�matique. Le discours th��tral de Dario Fo nous s�duisait, son g�nie en tant que com�dien, auteur, metteur en sc�ne �tait remarquable. Entre-temps, l�open th��tre et le living th��tre se manifestaient avec le mouvement Hippie aux USA contre la guerre du Vi�tnam et pr�sentaient leurs performances un peu partout dans le monde. Parall�lement aux multiples expressions th��trales immigr�es qui s�exprimaient en Allemagne, en Angleterre, au Luxembourg, en Belgique et ailleurs, des tentatives d�expression dramatique maghr�bine amateurs se jouaient en France avec la cr�ation de spectacles autour de la th�matique des violences sociales, du contr�le social et du soutien � la r�sistance palestinienne. La troupe Al-Assifa a fait un travail th��tral int�ressant en ces moments-l�. Install�e � Aubervilliers, la troupe la Kahina, sous la f�rule de l�audacieuse Saliha Amara, situait bien le cadre du th��tre des immigr�s avec la cr�ation de spectacles plus profonds et d�une dramaturgie digne de professionnalisme malgr� le manque de moyens. Il fallait attendre 1981 avec l�av�nement des socialistes au gouvernement pour que ce travail soit reconnu. Le Carrefour de la diff�rence de Diden Oumer avait b�n�fici� d�une subvention et a cr�� un spectacle. Nadia Samir, Mazouz Ahmed et Kada Benchiha avaient alors courageusement rassembl� autour d�eux des com�diens et des artistes immigr�s professionnels et avaient mis en sc�ne avec l�aide de l�Etat leur spectacle Abou Torouf. Ce spectacle a b�n�fici� d�une tourn�e en France. En ce temps, j�oscillais entre les uns et les autres et entre la r�alisation cin�matographique et le th��tre. Mais une opportunit� m��tait offerte pour diriger l�atelier exp�rimental de th��tre de la maison des Amandiers de Paris. J�enseignais tout ce que j�avais appris � l��cole de Bordj El Kiffan, j�exp�rimentais cet acquis avec toutes les d�couvertes venant du monde entier concernant l��criture dramatique, la voix, le corps, l�interpr�tation, la mise en sc�ne, l�art de la lumi�re et du son. J�y m�lais �galement tout ce qui m�avait marqu� lors de mes voyages, de mes exp�riences et de mes p�r�grinations dans l�agitation artistique de l��poque. Cependant, j�animais des activit�s th��trales et de photographies pour les enfants immigr�s de M�nilmontant avec l�association d�animation et de spectacles populaires interculturels dirig�e par le po�te alg�rien Ahmed Azeggagh. C�est d�ailleurs sous son impulsion que j�ai fond� ma propre compagnie de th��tre : l�Aspic-Th��tre. Et c�est aupr�s de lui que j�ai saisi le sens et la noblesse de l�action artistique et de l��ducation populaire. L�Aspic-Th��tre �tait pr�sid� par Jean-Marc Delbreil, un compagnon de longue date dans les luttes de l��migration. Nous �tions � peine une poign�e de mordus, alg�riens, fran�ais, espagnols, portugais, marocains, tunisiens, italiens, tous agit�s pour un th��tre certes, militant mais qui avait une valeur universelle. Se sont joints � cette exp�rience des artistes-peintres comme Boudjema� Mostefaoui qui �tait le d�corateur de nos spectacles. C�est ainsi que furent cr��es au th��tre Pr�sent et � la Maison des amandiers de Paris plusieurs �uvres dont Derni�re prosopop�e, un texte magnifique de Khaled Saleheddine qui traitait de la r�pression au Maroc, Le Temps des araign�es d�Ahmed Azeggagh, une pi�ce po�tique qui abordait le mariage mixte o� amour et fureur s�exprimaient sans complaisance. Comme une souris dans la plage, le premier spectacle de Fellag, un montage d�apr�s un texte publi� sur l�enfance et les m�saventures d�un immigr� alg�rien. J�ai mont� cinq pi�ces de Dario Fo, de Kateb Yacine, j�ai mis en sc�ne Les Anc�tres redoublent de f�rocit�. Avant de quitter la Maison des amandiers pour la Fondation Artaud, j�avais adapt� et mont� un conte maghr�bin, Loundja, pour le jeune public des �coles, des lyc�es et coll�ges. Par ailleurs, j�animais des activit�s avec d�autres associations culturelles de l��migration. Etant l�un des fondateurs de l�ACB (Association de culture berb�re), je m�occupais de la revue Tidukla, dirigeais l�atelier th��tre et formais les com�diens qui allaient jouer en tamazigh des montages po�tiques, des sc�nes de la vie dans l��migration et des extraits de pi�ces universelles. C��tait pendant cet autre bouillonnement pour la reconnaissance de la langue et de la culture berb�res que des petits spectacles furent cr��s et diffus�s. Lors d�un �v�nement officiel organis� dans le cadre de la politique de la ville pour la d�couverte des expressions artistiques de l��migration, j�ai pr�sent� Cit� coinc�e, un spectacle sur la condition des jeunes �migr�s. Il fut mont� avec l�Aspic- Th��tre et l�ACB et pr�sent� � Beaubourg avant le concert de Karim Kacel, un artiste lumineux c�l�bre par sa chanson Banlieue. Entretemps, le regrett� Mohia m�avait confi� la mise en sc�ne de sa pi�ce Tachbalit en tamazigh. Mont�e avec l�atelier th��tre de l�ACB avec un esprit de pionnier dans l�expression dramatique amazigh, diffus�e un peu partout et remarquablement interpr�t�e par Sa�d Fenouch, Djafar Chibani, Youyou, Sa�d Hammach, Nafa� Moualek et bien d�autres, cette pi�ce �tait le premier spectacle amazigh, exigeant et professionnel. Voil� comment avait commenc� mon exp�rience th��trale dans l��migration en France.
Quel a �t� l�apport de la tourn�e de Kateb Yacine avec sa pi�ce Mohamed prend ta valise ?
Mohamed prend ta valise !a �t� une bouff�e de bonheur et de prise de conscience collective. C��tait vraiment le miroir qui nous jetait � la figure le drame de l�immigration alg�rienne que Yacine a si bien connu. Et puis les ingr�dients du spectacle �taient captivants : chant, musique, narration, dialogues, sketches et int�gration du public � l�action nous plongeaient dans la r�alit� de ces personnages auxquels on s�identifiait. L�apport de cette pi�ce venue d�Alg�rie jou�e en franco-alg�rien et de sa diffusion en France a marqu� les esprits par sa simplicit� et par sa dramaturgie propre au g�nie cr�ateur de Kateb Yacine. Enfin, on constatait qu�il existait un public sensible � la situation des immigr�s et le public des �migr�s �tait aussi nombreux que les Fran�ais. Pour tous ceux qui ont vu le spectacle au th��tre des Bouffes du Nord, c��tait vraiment un moment de communion v�cu entre les artistes et le public. Le th��tre de Kateb Yacine nous a impuls� un nouveau souffle pour notre cr�ativit�. Son influence irradiait sur nous tous. A moi, il m�a apport� la rigueur dans la dramaturgie, dans le traitement th��tral judicieux, le sens de la po�sie dans l��criture dramatique. L�apport de Mohamed prend ta valise ! a �t� consid�rable aupr�s du th��tre de l�immigration.
Quelle fonction avait ce th��tre ? Quelle place occupait-il dans le contexte th��tral, artistique, sociologique et politique de l��poque ? Les troupes faisaient-elles un travail de sensibilisation politique et sociale en direction des populations immigr�es ?
La fonction de ce th��tre de l�immigration comme celle de toute expression artistique �migr�e est d�essence sociale. Cette fonction sociale ne se limitait pas seulement � la cr�ation th��trale, elle participait � l�accompagnement d�activit�s d��ducation populaire aupr�s des �migr�s et de leurs enfants. Un peu partout, des associations culturelles �taient, cr��es autour d�ateliers de th��tre. Certaines subventionn�es, d�autres non. Et puis, les troupes constitu�es autour de la probl�matique de l�immigration n��taient pas des troupes professionnelles et n�occupaient pas de place consacr�e dans le th��tre fran�ais. La seule exp�rience de pratique artistique digne d�une v�ritable expression th��trale aupr�s des jeunes �migr�s a �t� men�e � Nanterre par Raoul Sangla, metteur en sc�ne et r�alisateur. Devenu directeur du Th��tre des amandiers, Raoul Sangla avait ouvert grandes les portes du th��tre pour la population immigr�e. Des jeunes venaient des cit�s des Hauts-de-Seine pratiquer le th��tre, la photo et le cin�ma. Avant de mettre fin � cette exp�rience qui avait permis de former une brochette d�artistes des banlieues et devant les brillants r�sultats de leurs travaux, Raoul Sangla fut pri� de quitter la direction du th��tre, au regret de tous.
Les troupes �taient-elles instrument�es par certains groupes politiques ? S�appuient- elles sur des soutiens militants ?
Des troupes instrument�es, je n�en connais pas. Je ne connais pas non plus de troupes de th��tre de l��migration qui s�appuyaient sur des soutiens d�organisations militantes. Mais il est vrai qu�il y avait une �coute, parfois un soutien prodigu� par des municipalit�s de gauche, essentiellement communistes. Le FAS (Fonds d�action sociale, sorte de fonds pr�lev� sur le salaire des travailleurs �migr�s) encourageait ces initiatives, la politique de la ville aussi avec des plans comme �Et� chaud� pour pr�venir les �meutes des jeunes banlieusards et l�incendie des v�hicules.
L�acte th��tral faisait-il partie d�un projet politique et militant ?
Il n�y avait pas beaucoup de troupes de th��tre immigr�. Nous �tions une poign�e, �parpill�s un peu partout. Nous �tions surveill�s, infiltr�s par les RG et autres services. L�acte th��tral ne faisait pas partie d�un projet politique ou militant concert�. Chaque troupe exprimait le sien par sa d�marche artistique et dans ses �uvres. Al Assifa �tait r�solument militante avec une position proclam�e anti-imp�rialiste, antisioniste. Son acte politique �tait clair : la d�fense de l�ouvrier �migr� et du syndicat, tout comme le travail r�alis� par Mustapha Belad et Baba Belka�em Labhairi � Nanterre. La Kahina, qui �tait install� � Aubervilliers o� se trouvait la plus importante concentration immigr�e, travaillait sur le long terme avec des activit�s artistiques et exprimait son acte th��tral avec des pi�ces coh�rentes touchant l�histoire de l��migration, le mieux-vivre, le racisme, l�exclusion. N�anmoins, chaque troupe avait ses pr�occupations pour la survie, pour la diffusion de ses spectacles et pour trouver les moyens pour en r�aliser d�autres. Ma compagnie l�Aspic-Th��tre avait une d�marche professionnelle et militante et son acte po�tique. C��tait aussi une �cole de th��tre d�o� se sont form�s des jeunes qui avaient int�gr� d�autres troupes ou cr�� les leurs. Il est vrai que depuis les chantiers culturels que je r�alisais en banlieue et le fameux spectacle Virage violent mont� � Nanterre en 1988 et � Champigny-sur- Marne en 1990 devant 4 000 spectateurs, mon �criture dramatique et ma dramaturgie se sont affirm�es dans mon travail de cr�ation.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.