Entretien r�alis� par Mokhtar Benzaki PARTENARIAT STRAT�GIQUE AVEC LES �TATS-UNIS D�AM�RIQUE �Ni un mal absolu, ni un bien absolu� A l�occasion de la visite express que Madame Hillary Clinton, secr�taire d�Etat am�ricaine, avait effectu�e en f�vrier 2012 � Alger, le Soir d�Alg�rie avait sollicit� Mohamed Chafik Mesbah, ami et collaborateur ext�rieur, � l�effet de commenter l��v�nement. Il avait r�serv� sa r�ponse, pr�f�rant se d�tacher de l��pisode factuel � la visite proprement dite de Mme Hillary Clinton � pour se consacrer, � la lumi�re de ce qui est commun�ment appel� �le printemps arabe�, � un �clairage plus circonstanci� de l��volution des rapports alg�ro-am�ricains. Dans l�intervalle, Mme Hillary Clinton a effectu�, tout r�cemment, une deuxi�me visite � Alger apr�s qu�un �dialogue strat�gique � alg�ro-am�ricain se soit ouvert � Washington. Le tout, avec pour arri�re-fond, la crise persistante au Mali. L�enjeu des relations alg�ro-am�ricaines n�en devient que plus important. D�o� l�int�r�t de l�analyse de Mohamed Chafik Mesbah que nous livrons � nos lecteurs. Le Soir d�Alg�rie: Vous aviez estim� que la r�cente visite de Mme Hillary Clinton, en f�vrier dernier, � Alger, �tait d�nu�e de grande signification. Comment pouviez-vous �tre aussi cat�gorique ? Mohamed Chafik Mesbah : Parce que, tout simplement, les relations internationales ne peuvent �tre ramen�es � des sc�nes de spectacle. Dans l��re moderne que nous vivons, les politiques �trang�res nationales s�articulent, forc�ment, autour d�enjeux majeurs qui s�expriment � travers des strat�gies fond�es sur le long cours et articul�es autour d�une �valuation pr�cise, actualis�e en permanence, des rapports de force entre protagonistes dans le monde. Ce sont, ainsi, des think tanks, souvent priv�s qui, � un premier stade, avec des p�les de recherche universitaires qualifi�s, animent le processus de r�flexion acad�mique sur les grands d�fis qui, au plan international, interpellent les Etats-Unis d�Am�rique. Le meilleur exemple de ces think tanks c�est, probablement, la Rand Corporation-Research and Developmentqui emploie 1 500 analystes et chercheurs et qui dispose d�un budget annuel avoisinant les 230 millions de dollars. M�me si ce think tank a pour centre d�int�r�t principal la d�fense et la s�curit�, les questions de relations internationales figurent toujours dans son plan de charges. Ce sont, � un deuxi�me stade, les appareils administratifs publics � minist�res et agences sp�cialis�es � l�instar de la CIA � qui exploitent les analyses disponibles pour �laborer des hypoth�ses de travail op�ratoires. Il ne faut pas, cependant, oublier le r�le essentiel des lobbies qui sont devenus un acteur, non gouvernemental, certes, mais tout de m�me essentiel dans la formulation de la politique �trang�re am�ricaine. Ces lobbies, qui ne sont ni plus ni moins que des groupes de pression organis�s autour d�int�r�ts d�termin�s, influent sur le processus de prise de d�cision diplomatique � tous les niveaux � opinion publique, Parlement et pr�sidence des Etats-Unis en particulier �. Le meilleur exemple de ces lobbies c�est, sans doute, l�AIPAC (American Israel Public Affairs Comitee). L�AIPAC regroupe 100 000 membres et emploie 165 personnes tout en disposant d�un budget annuel de 45 millions de dollars. L�objectif essentiel de l�AIPAC consiste � surveiller tous les processus de prise de d�cision visant Isra�l pour les faire �voluer, syst�matiquement, dans un sens favorable � l�Etat sioniste. C�est tout ce processus complexe qui, en dernier ressort, d�bouche sur une proc�dure d�arbitrage politique impliquant les structures du pouvoir ex�cutif et l�gislatif � Conseil national de s�curit�, pr�sidence des Etats-Unis d�Am�rique ainsi que commissions sp�cialis�es du Parlement, Congr�s et S�nat �. Voil�, en bref, le processus d��laboration de la politique �trang�re am�ricaine o� la place des responsables officiels, comme vous pouvez vous en douter, n�est pas, n�cessairement, la plus d�terminante. Les secr�taires d�Etat successifs donnent, probablement, � cette politique une tonalit� personnelle, plus ou moins av�r�e. Tenons-en-nous, pour la d�monstration, au conflit du Sahara occidental. Mme Hillary Clinton ne s�est pas gard�e de manifester son appui � la politique marocaine vis-�-vis de cette question. Force est de constater, pourtant, que sa position de secr�taire d�Etat n�a pas eu raison de la politique traditionnelle d��quilibre suivie par l�administration am�ricaine qui tente de garder une certaine �quidistance entre th�ses marocaines et alg�riennes. En dernier ressort, c�est l�int�r�t de puissance des Etats-Unis d�Am�rique qui s�impose, pas les inclinations des responsables du moment. Imaginer, � cet �gard, que la simple visite � Alger de Mme Hillary Clinton allait influer sur la substance de la politique des Etats-Unis d�Am�rique vis-�-vis de l�Alg�rie, cela rel�ve de l�ing�nuit�. Pourtant, le c�r�monial protocolaire r�serv� par le pr�sident de la R�publique � Mme Hillary Clinton laissait indiquer que la visite �tait bien d�int�r�t exceptionnel� Sans vouloir diminuer du statut de la secr�taire d�Etat aux Etats-Unis d�Am�rique, ni minimiser de l�influence personnelle de Mme Hillary Clinton laquelle semble dominer le Conseil de s�curit� national, il n�en reste pas moins que l��poque est r�volue o� le c�r�monial diplomatique �tait au c�ur de la politique �trang�re des grandes puissances. Vous voulez �tre �tonn� de l�impact de ce fameux d�ner offert par le pr�sident de la R�publique ? La table d�honneur regroupant autour de Mme Hillary Clinton les principaux responsables des institutions nationales � pour la plupart du troisi�me �ge � elle a pu noter qu�elle �tait la plus jeune des convives ! Mais revenons � l�objet principal de votre question. Penser que l�aspect ostentatoire du dispositif protocolaire mis en place pour l�accueil de Mme Hillary Clinton allait inciter cette derni�re � exprimer de la sympathie pour �les r�formes politiques� initi�es en Alg�rie, cela proc�de de la candeur politique. Les h�tes am�ricains ont pu noter, sans doute, que Mme Hillary Clinton a �t� accueillie au perron de la pr�sidence de la R�publique par M. Abdelaziz Bouteflika lui-m�me et qu�elle a eu droit aux honneurs d�un d�tachement de la Garde r�publicaine, voire � un d�jeuner offert par le chef de l�Etat lequel pourtant � vu son �tat de sant� � se limite � participer aux seuls d�ners officiels. Cette h�te � vouloir accueillir Mme Hillary Clinton avec les honneurs dus � un chef d�Etat aura plut�t exacerb� l�attention des autorit�s am�ricaines qui y auront d�cel�, forc�ment, une preuve suppl�mentaire que le r�gime alg�rien �tait en qu�te de caution internationale. Le ministre alg�rien des Affaires �trang�res, lors de ses visites successives � Washington, n�a cess�, � cet �gard, de manifester le plus grand empressement pour convaincre Mme Hillary Clinton d�accepter le principe d�un voyage en Alg�rie. Quel voyage ! Une visite de quatre heures, tout juste une escale. Faut-il s�en �tonner ? Les secr�taires d�Etat am�ricains successifs � Colin Powell, en 2002, Condoleezza Rice en 2008, Hillary Clinton cette ann�e � ont tous s�journ� pour la m�me dur�e dans notre pays. Cela doit, sans doute, rev�tir une signification particuli�re dans le code diplomatique des Etats-Unis d�Am�rique. Pays d�int�r�t secondaire, l�Alg�rie ? Pas si s�r, pourtant ! Si vous voulez appr�cier, vraiment, l�int�r�t que les Etats-Unis d�Am�rique accordent � la situation en Alg�rie, il faudrait focaliser l�attention sur les visites r�p�t�es en Alg�rie, depuis l�av�nement de ce qui est appel� �le printemps arabe� et l��clatement de la crise au Mali, de responsables civils et militaires am�ricains de second rang certes, mais bien plus impliqu�s dans le processus de prise de d�cision diplomatique, s�curitaire et militaire. Pourtant, Mme Hillary Clinton, de sa propre initiative, vient d�entreprendre une deuxi�me visite � Alger. Cela suppose qu�elle accorde de l�importance diplomatique � l�Alg�rie� Ce n�e�t �t� l�ouragan Sandy qui frappe les Etats-Unis d�Am�rique et qui a oblig� Mme Hillary Clinton � avancer sa visite � Alger, elle aurait m�me d� y passer la nuit. Ce qui aurait �t� une premi�re. Elle a consacr�, �galement, cette deuxi�me visite � l�Alg�rie sans faire les escales habituelles dans les autres pays maghr�bins. Cela implique-t-il une �volution de la politique am�ricaine vis-�-vis de l�Alg�rie d�autant qu�un dialogue strat�gique a �t� entam� � Washington entre les deux pays ? Ce serait de l�infantilisme que d�imaginer que la politique �trang�re des Etats-Unis ob�it � des intuitions de circonstance. D�autant que l�administration am�ricaine actuelle, � la veille d�un scrutin pr�sidentiel essentiel, ne dispose plus de toute la latitude pour op�rer un quelconque changement substantiel de politique �trang�re. L�objectif strat�gique des Etats-Unis d�Am�rique pour ce qui concerne l�Alg�rie est p�renne, il consiste � conduire ce pays � s�ins�rer dans un m�canisme de s�curit� r�gionale �voluant sous son contr�le. La crise actuelle qui touche le Mali et qui risque de s��tendre � tout le Sahel est une opportunit� pour �enfoncer le clou�. L�adh�sion de l�Alg�rie au principe d�une intervention militaire au Nord-Mali � voire sa participation � vaut bien un d�placement � Alger de Mme Hillary Clinton. Au demeurant, contrairement aux id�es re�ues, il faut se convaincre qu�il existe une coordination �troite entre la France et les Etats-Unis d�Am�rique, l� o� ils ont des int�r�ts communs. Les observateurs avis�s ont bien raison d�affirmer que sur la crise malienne, les divergences entre France et Etats- Unis d�Am�rique ne sont pas essentielles. Il existe juste une distribution des r�les car les Etats-Unis d�Am�rique � indemnes du �syndrome colonial� � sont cens�s disposer de plus d�influence sur l�Alg�rie. Autrement c�est, encore une fois, commettre une erreur d�appr�ciation que d�imaginer que la France et les Etats- Unis d�Am�rique entretiennent une rivalit� fondamentale au Mali. L�Alg�rie qui n�a plus d�autre choix, � propos de la crise au Mali, que de se ranger � la solution de l�intervention arm�e sous mandat onusien, veut entourer son adh�sion de garanties pour �viter que le conflit ne s��tende au territoire alg�rien ou que l�opinion publique nationale ne r�agisse d�favorablement. Les officiels am�ricains auront, sans doute, �t� �tonn�s de d�couvrir, c�t� alg�rien, �de la prudence� l� o� ils pensaient devoir se heurter �� de la r�ticence �. Le pr�sident Abdelaziz Bouteflika a, selon toute vraisemblance, trac� sa feuille de route vis-�-vis des Etats-Unis d�Am�rique en termes d�objectifs strat�giques. Dans cette feuille de route, ce sont moins les principes de doctrine militaire et diplomatique qui y sont en jeu que la p�rennit� du r�gime, au travers d�un quatri�me mandat pr�sidentiel, perspective de plus en plus probable. Gageons que Mme Hillary Clinton et les responsables qui l�ont accompagn�e sont parfaitement conscients de ces donn�es implicites de l��quation, vitales pour M. Abdelaziz Bouteflika et accessoires pour eux. Vous semblez sous-estimer l�importance du dialogue strat�gique qui a �t� entam� � Washington � Ce dialogue constitue, effectivement, une date importante, c�est la premi�re tentative de structuration des relations alg�ro-am�ricaines dans une perspective strat�gique. Nous en sommes, cependant, � une �tape pr�liminaire qui rel�ve plus de la prospection que de l�approfondissement. Mais nous ne m�prenons pas. L�objectif de ce dialogue, par del� ses aspects politique et �conomique, consiste � d�finir la place de l�Alg�rie dans les dispositifs de s�curit� qui se mettent en place alentour. Le reste, c�est plus de la litt�rature. L�important est que l�Alg�rie n�gocie bien sa place. Autrement, comme le souligne � l�envi le titre g�n�rique de cet entretien : �Un partenariat strat�gique avec les Etats-Unis d�Am�rique, ce n�est ni un bien absolu, ni un mal absolu.� La structuration des relations alg�ro-am�ricaines, au sens strat�gique, est un th�me r�current sur lequel nous aurons � revenir. Puisque vous persistez � minimiser l�importance des seuls contacts officiels, quelle grille de lecture proposez-vous, alors, pour d�crypter l��tat des relations alg�ro-am�ricaines ? Vous nous placez au c�ur de la probl�matique qui sous-tend le dialogue strat�gique alg�ro-am�ricain. Vous l�avez compris, la politique am�ricaine � l�endroit de l�Alg�rie ce ne sont pas de simples faits factuels. Pour acc�der � la trame de cette politique, ces faits factuels doivent �tre ins�r�s dans une grille de lecture d�ensemble. Une grille qui relie entre eux des �v�nements d�apparence sans rapport. La trame de la politique �trang�re am�ricaine vis-�-vis de l�Alg�rie, c�est la notion d�int�r�t vital. La politique �trang�re am�ricaine se d�finit, en effet, en fonction des int�r�ts supr�mes des Etats-Unis d�Am�rique. Ces int�r�ts supr�mes, faut-il le souligner, sont �troitement imbriqu�s aux consid�rations de gestion, de contr�le et d�utilisation des ressources �nerg�tiques � travers le monde. N�escomptez pas rencontrer de la philanthropie dans la d�marche de puissance am�ricaine au sens g�n�rique du terme. Aucun �tat d��me n�imprime cette d�marche. Si vous d�celez, n�anmoins, des objectifs d�apparence philanthropique, c�est juste pour masquer l�aspect abrupt de la politique �trang�re am�ricaine en la dotant d�un caract�re plus consensuel aux yeux de l�opinion publique internationale. Prenons un peu de libert� par rapport au sujet pr�cis qui nous pr�occupe. Entre les deux partis qui se succ�dent aux commandes des Etats-Unis d�Am�rique � le Parti d�mocrate et le Parti r�publicain �, ainsi qu�entre les �coles de pens�e qui impriment la doctrine diplomatique am�ricaine, existe-t-il, tout de m�me, des diff�rences autres que de simples nuances ? C�est Condoleezza Rice, je cite de m�moire, qui proclamait : �La politique �trang�re des Etats-Unis d�Am�rique n�est ni d�mocrate ni r�publicaine, elle est am�ricaine. � Les diff�rences dont vous faites �tat tiennent plus au mode op�ratoire qu�aux fondements doctrinaux de la diplomatie am�ricaine. Dans l�id�alisme du pr�sident Wilson, dans la rigidit� du pr�sident Monroe ou dans la �real politik� du pr�sident Nixon, ce sont toujours les int�r�ts sup�rieurs des Etats-Unis d�Am�rique qui d�terminent la d�marche. Prenez le plan dit de �d�mocratisation du Grand-Moyen- Orient� port� par le pr�sident George Bush, sous l�influence des n�oconservateurs. Comparez-le avec la version �soft� valid�e par le pr�sident Barack Obama. N�est-ce pas un m�me objectif ? Garantir la pr�sence des Etats-Unis d�Am�rique dans des zones sensibles qui, � la fois, rec�lent les plus importantes richesses naturelles dans le monde et constituent des sources de menace majeure pour la s�curit� des puissances occidentales. En ce sens, l�appareil diplomatique alg�rien, du moins ceux qui le dirigent, devrait cesser de sp�culer, sans mesure, sur l�int�r�t pour l�Alg�rie d�avoir comme partenaires les r�publicains plut�t que les d�mocrates et vice-versa. Ils sont tous am�ricains. Quel enseignement peut-on tirer de l�historique des relations diplomatiques alg�ro-am�ricaines ? Faut-il occulter les relations tiss�es durant la guerre de Lib�ration nationale, lorsque le s�nateur John Fitzgerald Kennedy d�fendait le droit � l�autod�termination du peuple alg�rien ? Que dire des rapports tiss�s d�s 1957 entre le responsable des services de renseignement alg�riens, M. Abdelahafidh Boussouf, et le r�sident de la CIA en Europe du Sud ? Ce contact, pour m�moire, avait �t� suivi du d�placement aupr�s des unit�s de l�ALN du journaliste am�ricain Peter Breastrup du Times dont le reportage contribua � faire conna�tre le combat du peuple alg�rien. Ne nous fixons pas sur ces digressions destin�es � souligner que dans le subconscient du peuple alg�rien il existe une trace o� l�image des Etats-Unis d�Am�rique �tait positive. Cette image �tait m�me dissoci�e de celle de l�OTAN, marqu�e, ostentatoirement, par une forte implication dans l�effort de guerre fran�ais contre le peuple alg�rien engag� dans une guerre de Lib�ration nationale. Mais ne nous �garons pas. D�finissons, � pr�sent, les grandes phases des relations diplomatiques alg�ro-am�ricaines post-ind�pendance alg�rienne. Elles se rapportent aux p�riodes o� la magistrature supr�me �tait exerc�e, successivement, par les pr�sidents Ben Bella, Boumedi�ne, Chadli, Zeroual et Bouteflika. Ces pr�sidents alg�riens successifs ont g�r� les relations avec les Etats-Unis d�Am�rique selon la conjoncture du moment mais en fonction d�objectifs li�s � la politique suivie, en propre, par chacun d�entre eux. Existe-t-il une m�me trame strat�gique pour les politiques qui se sont succ�d� ? Probablement. Malgr� des d�buts prometteurs lors de son d�placement � New York pour l�admission de l�Alg�rie � l�Organisation des Nations Unies � c�r�monie marqu�e par la pr�sence symbolique du pr�sident John Kennedy �, le pr�sident Ahmed Ben Bella s�est orient�, sans d�lai, vers une politique d�hostilit� frontale avec les Etats-Unis d�Am�rique illustr�e par un soutien intempestif � Cuba � le pr�sident Ahmed Ben Bella s��tant d�plac�, directement, de New York � La Havane dans un geste de d�fi vis-�-vis des Etats-Unis d�Am�rique � puis un soutien logistique appuy� aux mouvements d�opposition d�mocratique en Am�rique latine. Cet �tat de choses avait conduit l�administration am�ricaine � envisager une politique de r�torsion contre l�Alg�rie. Seul le coup d�Etat du 19 juin 1965 en a d�cid� autrement. Epousant une d�marche plus pragmatique, le pr�sident Houari Boumedi�ne a dissoci� entre les dimensions politique et �conomique de sa politique am�ricaine. Nonobstant le r�le actif jou�, alors, par l�Alg�rie dans ce qu�il �tait convenu d�appeler �la lutte anti-imp�rialiste � et, surtout, malgr� la rupture des relations diplomatiques de 1967 � 1973, le pr�sident Houari Boumedi�ne a fait fructifier la coop�ration �conomique bilat�rale avec les Etats-Unis d�Am�rique laquelle avait connu, alors, son ��ge d�or�. Malgr�, cependant, l�essor de cette coop�ration �conomique, le pr�sident Houari Boumedi�ne observait une prudence excessive vis-�-vis des Etats-Unis d�Am�rique. M. Sma�l Hamdani qui interrogeait le pr�sident Houari Boumedi�ne � sur la conduite � tenir vis-�-vis des Etats- Unis d�Am�rique � dossier dont il avait la charge �, s�attira cette r�plique cinglante : �Pr�munissons+nous de leur nuisance !� Le pr�sident Chadli Bendjedid, d�embl�e, contraint d�absorber l�impact n�gatif qui avait r�sult� de l�annulation intempestive du fameux contrat de vente de gaz dit �El Paso� � et cens� �tre un contrat d�importance strat�gique � s�est montr�, au total, plus pragmatique que son pr�d�cesseur. Il a proc�d� � un r�am�nagement substantiel de la coop�ration diplomatique et militaire avec les Etats-Unis d�Am�rique qui s�en est trouv�, singuli�rement, renforc�. Il convient d��voquer, � cet �gard, que c�est lui qui effectua � en 1986 � la premi�re visite d�Etat d�un pr�sident alg�rien � Washington. Une visite qui avait marqu� un tournant dans l�instauration de relations diplomatiques et militaires plus denses entre les deux pays. Le pr�sident Liamine Zeroual ayant pr�sid� aux destin�es de l�Alg�rie durant la p�riode sanglante du terrorisme n�avait pas eu � se focaliser sur les questions de doctrine diplomatique. Apr�s une p�riode d�h�sitation, sa politique avait fini par trouver gr�ce aux yeux des responsables am�ricains qui jugeaient sa d�marche, globalement, positive. C��tait la politique de �la conditionnalit� positive� pr�n�e par le sous-secr�taire d�Etat am�ricain Robert Pelletreau qui subordonnait le soutien des Etats-Unis d�Am�rique � l�Alg�rie � la mise en �uvre acc�l�r�e d�un processus de r�conciliation nationale accompagn�e de r�formes �conomiques mat�rialis�es et adoss�es � des �lections ouvertes aux �islamistes mod�r�s �. Peut-�tre, les Etats-Unis d�Am�rique souhaitaient-ils, en sus, que le pr�sident Liamine Zeroual s�engage dans la voie d�une normalisation avec Isra�l, mais il ne l�a pas fait. C�est l�, au demeurant, une demande am�ricaine r�currente. Avec le pr�sident Abdelaziz Bouteflika, les responsables am�ricains ont trouv� un partenaire attentif qui a bris� bien des tabous dans le sens du rapprochement entre les deux pays. Une p�riode marqu�e d�embl�e par les visites � retentissement tant au si�ge de l�Otan qu�aux Etats-Unis d�Am�rique accompagn�s d�un renforcement spectaculaire de la coop�ration s�curitaire. Certes, ce dernier est arriv� au pouvoir apr�s la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide, a pu tirer profit d�un contexte qui a facilit� sa d�marche diplomatique. Il n�a pas, pour autant, franchi, le Rubicon. S�y pr�pare-t-il avec le dialogue strat�gique qui vient d��tre entam� � Washington ? La question m�rite d��tre pos�e. Tacticien �prouv�, M. Abdelaziz Bouteflika pourrait songer � monnayer, une nouvelle fois, la bienveillante neutralit� am�ricaine pour un quatri�me mandat pr�sidentiel de plus en plus probable, en contrepartie, premi�re phase, d�une adh�sion de l�Alg�rie � l�intervention militaire projet�e au Mali, mais surtout, deuxi�me phase, d�une �volution rapide du dialogue strat�gique alg�ro-am�ricain vers l�inclusion de l�Alg�rie dans un m�canisme de s�curit� r�gionale domin� par les Etats- Unis d�Am�rique. Au pr�alable, il lui faudra, malgr� tout, vaincre les �ventuelles r�sistances internes, tant pour l�adh�sion au principe de l�intervention militaire au Mali qu�au basculement franc dans une v�ritable alliance strat�gique avec les Etats-Unis d�Am�rique. Ce � quoi il semble, selon toute vraisemblance, s�atteler. Hormis cet aspect s�curitaire sur lequel vous insistez, vous n�avez toujours pas fait �tat des autres enjeux qui int�ressent, au plan strat�gique, les Etats-Unis d�Am�rique en Alg�rie ? Les centres d�int�r�ts strat�giques pour les Etats-Unis d�Am�rique peuvent �tre ramen�s � trois domaines essentiels : la coop�ration s�curitaire encore une fois, la coop�ration �conomique et, enfin, la coop�ration diplomatique. Mais, repla�ons- nous en contexte. L�Alg�rie, sur la rive sud de la M�diterran�e dan un espace englobant le Sahel, constitue une puissance r�gionale disposant d�une arm�e structur�e et de ressources en hydrocarbures essentielles pour les besoins de l�Europe occidentale. Par ailleurs, l�Alg�rie a accumul� une exp�rience singuli�re dans la lutte contre le terrorisme avec une connaissance pointue des r�seaux terroristes dans l�espace sah�lien, dans le territoire fran�ais et m�me dans les zones d�int�r�t vital pour les Etats-Unis d�Am�rique, territoire am�ricain inclus. C�est l�ensemble de ces facteurs qu�il faut combiner pour parvenir � la substance de l�int�r�t strat�gique des Etats-Unis d�Am�rique pour l�Alg�rie.