Par Mostefa Hamouda, Londres Email: [email protected] En r�ponse au commentaire paru sur Batna-info et commis par mon cher ami Salim Samai de Berlin qui s�inqui�tait du devenir des casernes de la capitale des Aur�s dont la superficie occupe la moiti� de l�ancienne ville de Batna, je n�ai pu refr�ner la hargne non chauviniste de d�verser mon trop-plein d�am�re nostalgie et de vifs regrets. Permets-moi, en premier lieu, de te tutoyer. Je l�aurais fait de toute fa�on sans avoir � demander ta permission ! Pour la simple raison que je suis de ceux qui oseraient t�appeler Baya. Te revois-tu sur cette terrasse de caf� � quelques pas du c�l�bre Point Charlie contemplant la Brandebourg Gate � Berlin, et moi sirotant un th� au lait pour ne pas d�roger � �l�english way� devant une chemin�e rougeoyante dans un pub douillet dans le voisinage du ch�teau de Windsor en Angleterre ? Avons-nous le temps et le loisir de faire semblant, en spectateurs d�sabus�s, de nous inqui�ter du sort du moindre m�tre carr� de l�innocente ville de Batna dont nous avons choisi de nous �loigner ? Est-il concevable d�abandonner sa m�re sur un lit d�h�pital et, � distance, d�l�guer un vague cousin, un ami ou un voisin afin de la prendre en charge ? La m�taphore est bien claire�! Nous avons, pour diff�rentes raisons �couardise, poltronnerie ou autre � choisi de partir. L�adage est connu : quand on affiche sa faiblesse, on donne du courage aux autres. Nous sommes tous responsables du visage d�figur�, de l�esprit vici� de Batna et des moult s�vices qui lui ont �t� inflig�s ; nous, par notre exil, et ceux qui y sont demeur�s par leur silence. La liste des blessures de cette ville doublement martyre est tr�s longue : le colon a �cr�m� son �lite combattante, certes, mais qui a affadi ses couleurs et d�natur� ses particularit�s architecturales, �cologiques, historiques et cultuelles ? Le cauchemar a commenc� il y a tr�s longtemps ! Il a commenc� : - quand subrepticement �Les Quatre Portes de la ville� disparurent ; - quand le mur du camp �Essor� tomba en totalit� entra�nant dans sa chute l��l�gante �Tromba� dont la source n�a jamais tari. La main de l�homme, h�las, se veut responsable de son �ternelle st�nose ! Si, si, j�ai bien dit la main de l�homme, pas celle de l��tranger ; entendons-nous bien ! Ce mur, j�y reviens, n��tait-il pas un symbole de la force militaire coloniale ? Pourquoi n�en avons-nous pas fait un butin de guerre, d�tail historique � l�instar du mur d�Hadrien entre l�Ecosse et l�Angleterre ou celui de Berlin ? - Quand le stade militaire avec sa piscine et son jardin se volatilis�rent. - Quand le th��tre de la ville, �rig� en 1899, connut la disgr�ce et n�est plus fr�quent� que par les fant�mes qui lui sont rest�s fid�les vit sa s�ur a�n�e l��glise se r�soudre en vapeur. A noter que cette belle chapelle fut construite en 1858 et consacr�e en 1863, deux ans avant la visite � Batna de l�empereur Napol�on III. N�aurait-elle pas fait une belle biblioth�que ou un mus�e ? Pardon, les mots sont hors-contexte ! Carr�ment incongrus ! - Quand les platanes qui bruissaient majestueusement avec orgueil et fiert� dans le quartier du Camp et la mythique DMB (quartiers de mon enfance) se dissip�rent en alimentant de voraces broyeurs. - Quand La Verdure devint un agressif et vulgaire bloc de b�ton ; provocateur sous tous les angles. Un v�ritable chef-d��uvre architectural qui n�a rien � envier aux �uvres de Gaudi, Le Corbusier ou Yamasaki ! - Quand la �merja�, une des plus belles prairies du pays, abrita une usine crachant quotidiennement des tonnes de produits des plus toxiques et des plus polluants. Une pollution qui a port� un coup fatal � la virginit� l�gendaire de l�exquis breuvage aux mille vertus de Casrou. - Quand apr�s une hypocrite mise en sourdine on fit taire la radio locale afin qu�elle ne p�t r�percuter l�appel au secours de nos monuments tortur�s. - Quand �les notables et les �lus� applaudirent la d�cision de mettre au placard le Challenge des Aur�s, une des plus belles manifestations nationales de l�athl�tisme alg�rien. - Quand le festival international de Timgad a perdu son essence m�me et son �me fut corrompue � faire rougir de honte Licinius Optatianus et � donner le tournis � Lucius Septimus Severus. - Quand l��norme MSPB, un titan du football alg�rien de jadis, cessa d��tre ce foudre de guerre et flirte d�sormais avec une obscure deuxi�me division. - Quand le label de la glorieuse et combattante �quipe du CAB qui enfanta les Brahim Guellil, les Mouloud Harsous et les Larzak (Michou) devint un moyen s�r pour les opportunistes de se distinguer et se faire un label eux-m�mes. - Quand la c�l�bre troupe Essaada, malgr� son professionnalisme, son amour et sa passion pour la musique finit par se diluer parce qu�elle n�eut pas le loisir d�enfanter. - Quand �Bouss�adia� se confina � son habitat naturel � le village N�gre � et ne fut plus tent� de faire ses descentes en ville pour l��gayer de son carnaval � la kerkabou. - Quand Ammi Mohamed Salah El Berrah dit Errtel, le dernier des crieurs, celui qui parcourait ruelles et venelles et de sa voix rauque, � la Rod Stewart, annon�ait les noms de ceux qui �taient appel�s � faire l�ultime voyage. Eh oui ! Quand Ammi Mohamed r�pondit, � son tour, � l�appel de l�Eternel, du Tout-Puissant, il le fit sans crier gare et sans que personne nous l�annon��t ! - Quand Batna d�borda au-del� de �Dar Lalmania�, au sud, et �d�Elbatoir� au nord pour finir par se m�tastaser outrageusement. - Quand un tribalisme non bio, fertilis� in-vitro dans un cauchemardesque laboratoire donna naissance � un monstre qui endossa l�odieuse mission d�affaiblir, d�assujettir et d�empoisonner les esprits de pr�ceptes tels que �bons ou mauvais, les n�tres d�abord, le reste au diable�, alors que du temps du vrai Batna il n�y avait pas �les n�tres�, il n�y avait que des Batn�ens ! - Quand �La Gasa�, �Le Menchar�, �le Pont Rouge� et �les Dix-huit� ne font plus partie du lexique de nos petits et pour lesquels les grands n��prouvent plus aucun attrait. - Quand un des premiers �crivains de la ville en la personne de Mohamed Bensai dit Hamouda, un intellectuel qui c�toyait des sommit�s telles qu�Andr� Gide, prix Nobel de litt�rature, Abdelhamid Ben Badis, Louis Massignon, Bachir Ibrahimi, Ferhat Abbas pour ne citer que ceux-l�, mourut dans la mis�re et l�anonymat les plus abjects. - Quand la maisonnette de l��crivaine franco-suisse Isabelle Eberhardt � Z�mala tomba en ruine sous les yeux de tous. Pour rappel, Isabelle Eberhardt est une �crivaine franco-suisse qui a pris le parti de la lutte violente contre le pouvoir colonial fran�ais en 1897 et d�cida de vivre � Z�mala comme musulmane. - Quand les courts de tennis c�d�rent place � un mastodonte de bunker d�o� �mana la d�claration de guerre � l��criteau de Pestalozzi, sculpt� � la Michel-Ange dans la pierre, en relief, en gras et en plein, sur le fronton de l��cole Jules Ferry dont la cour garde en m�moire nos innocents rires et nos cris. Cet immortel �criteau, grav� � jamais comme sur le bronze, dans le tr�fonds de nos m�moires, de l�illustre p�dagogue suisse Johann Heinrich Pestalozzi : �L�avenir des nations est dans les �coles du peuple� et qui datait de 1851 finit par �tre grossi�rement, furieusement et �prement saccag�, et l�galement SVP ! (dans le cadre de la campagne �Ta�rib el mouhit�). Le slogan qu�on lui a substitu� exhale encore ses relents �cres et exacerbe les douleurs sans cesse renouvel�es. Je le dis ab imo pectore. Oui, les pensionnaires de ce que sont devenus les ex-courts de tennis vainquirent, Batna �tait d�j� �teinte ; trop jeune pour nous faire jouir de toute sa quintessence. Son �me s�est envol�e ! Elle s�est envol�e avec celles des Khaznadar, des Mekdad, des Salah Dahmane, des Doumandji, des Amor Derdour, des Zakaria Hamouda... Et j�ajoute � ces Hommes de savoir et de courage cette grande dame au look et � l�allure d�une star de Hollywood, l�irr�prochable �Ma Saliha Sahraoui� celle qui m�a appris � �crire mon nom et � composer mes premi�res petites phrases dans la langue de Moli�re ! Allah yarhamhoum elkoul. Bien que tous frapp�s du sceau de l�int�grit�, de la droiture, de la puret� et surtout de l�incorruptibilit�, ils ne purent, h�las, contenir le terrible coup de butoir qu�a subi Batna. Oui, l�effet de souffle fut trop fort, il fut d�vastateur ! Tous les signes d�une am�re vendetta sont l�, Batna paya et n�en finit pas de payer ! Moralit� : gare � ceux qui brandissent leur courage ! Tout Batn�en sait, sans l�ombre d�un doute, que sa ville a subi une curieuse et bizarre h�mipl�gie : ses intellectuels ne se sont jamais r�volt�s � l�instar de leurs a�n�s ! Et c�est l� que le b�t blesse. Si Z�goumguem, Marietta, Tatak�ul, Bastos, Mehras, Zahrani, sans oublier la sympathique Toto ressuscitaient, ils te diraient, tout comme je te le dis cher Salim, devant une telle catastrophe, pardon, devant une telle toile de ma�tre digne des Renoir et des Matisse, que repr�sentent les casernes de Batna. Une goutte d�eau dans l�oc�an de la destruction programm�e ! Ils insisteraient pour savoir qui a mis sur pied cette machine destructrice et de quelle m�daille il a �t� d�cor� ? Cher ami Salim, cette humble et modeste r�trospective n�a point pour but d�interpeller ni de culpabiliser quiconque � l�histoire en prendra soin �, mais de chatouiller la fibre nostalgique de tous ceux qui ont ou ont eu un quelconque lien avec Batna la coquette. Hyper-nostalgiques, attention ! Lire avec mod�ration car une overdose risquerait d�actionner la machine lacrymale, surtout chez ceux vivant sous d�autres cieux !