�Mettez la r�volution dans la rue, et vous la verrez port�e par le peuple�, dixit le chahid Larbi Ben M�hidi. �Jamais depuis 1830, une action concert�e, organis�e n�avait pu mobiliser sur l�ensemble du territoire et au sein de l��migration en France, le m�me jour, au m�me moment des millions d�hommes. La gr�ve g�n�rale marque donc l�un des plus grands moments de l�Histoire de l�Alg�rie depuis le d�but de l�occupation coloniale.� Confession de feu Mohamed Lebdjaoui. Ce dernier et Mohamed Tahar Louanchi, membres du premier CNRA (Conseil national de la R�volution alg�rienne), issu du Congr�s de la Soumam, ont �t� envoy�s en France par Abane Ramdane pour, d�une part, pr�parer la gr�ve des 8 jours et, d�autre part, r�organiser la F�d�ration de France (la 7e wilaya du FLN/ALN) mais surtout pour engager le combat lib�rateur dans l�antre du colonisateur. Pr�paratifs pour le grand jour � Alger L�ampleur du �ph�nom�ne� d�passait les capacit�s de discernement des petits. Le moment �tait �norme. Les adultes discutaient � voix basse de l��v�nement. Dans les discussions furtives, entre les grands, les enfants entendaient revenir souvent le mot El- Djebha. Ce ph�nom�ne d�passait la valeur d�une vie humaine. Il �tait �lev� au rang des sacralit�s. Tout le monde attendait le grand jour. Les enfants voulaient voir de leurs yeux ces hommes qui donnaient ordres et instructions et qui se faisaient respecter et glorifier par des l�gendes narr�es � voix basse. Leurs silhouettes n��taient pas visibles mais leur grandeur rayonnait sur les quartiers du peuple des indig�nes. Dans les quartiers populaires musulmans de la Glaci�re, Djenane-Mabrouk ou de la cit� PLM de la p�riph�rie sud de Maison-Carr�e (El Harrach), les p�res de famille d�liaient leurs mis�reuses bourses pour s�approvisionner. Ils achetaient quelques kilos de semoule, du sucre, un demi-litre d�huile, deux ou trois litres de p�trole, un demi-litre d�alcool � br�ler, une aiguille pour d�boucher le r�chaud � p�trole, des allumettes,� Mais il n�y avait aucune fr�n�sie. Les familles qui disposaient de quelques moyens aidaient les plus d�munies. Il faut prendre ses pr�cautions Aucune personne n�est rest�e en marge de cet �v�nement. Au grand jour, tout a �t� paralys� pendant une semaine. Le premier jour, les rues des quartiers musulmans �taient vides et tristes. Les parents interdisaient aux enfants de sortir. Les paras de Bigeard d�barquaient dans les quartiers populaires pour d�verser leur violence. Mais rien � faire. Rien ne pouvait contrer la recherche de la dignit�. La lutte politique et militaire, lanc�e par le FLN cr�� deux ans auparavant par un groupe restreint, pour lib�rer le pays, venait d��tre port�e avec force par les populations citadines de l�Alg�rie colonis�e. Culture politique de haut vol En effet, par d�cision prise au niveau du CCE (Comit� de coordination et d�ex�cution) du FLN en session en novembre 1956, une gr�ve de 8 jours (du 28 janvier 1957 au 4 f�vrier 1957) venait d��tre d�cr�t�e. L�objectif principal de cette action �tait d�affirmer et de d�montrer l�adh�sion populaire au choix irr�versible de la lib�ration par la lutte politico-militaire de l�Alg�rie. Il visait �galement � marginaliser les militants messalistes du MNA encore en possession de capacit� de nuisance non n�gligeable les emp�chant par ailleurs de se constituer, avec l�aval de Soustelle, en force alternative (la fameuse 3e force) pour n�gocier avec le gouvernement de l�Hexagone. Plus important, la r�union de l�Assembl�e g�n�rale de l�ONU qui s�appr�tait � consacrer une s�ance, le premier jour de gr�ve (le 28 janvier 1957), au cas de l�Alg�rie, illustrait le fait que le peuple alg�rien adh�rait aux th�ses ind�pendantistes du FLN. Les concepteurs de cette gr�ve d�montrent en outre que ce ne sont pas que de simples petits chefs de guerre assoiff�s de pouvoir et de privil�ges, comme le voyaient les politiciens fran�ais, mais des r�volutionnaires et des hommes d�Etat, soutenus par leur peuple, qui ma�trisent parfaitement la vision politique internationale et mesurent les retomb�es politiques de leur combat. La contribution de l��migration Pour des divergences politiques n�es apr�s le coup de force de l��t� de 1963 � la F�d�ration de France (FF) �tait l�galiste, donc contre la prise du pouvoir par la force par le clan dont nous subissons toujours les cons�quences � l�histoire officielle a, en r�action, minimis� et marginalis�, comme elle tente de le faire pour les Wilayas 3 et 4, la contribution de l��migration au combat lib�rateur. Cette contribution, men�e dans l�adversit�, �tait en r�alit� importante, voire essentielle. A titre illustratif, l�apport du financement de l�action arm�e des wilayas s��levait � 80% des d�penses de ces wilayas, disaient les rapports sur la guerre de lib�ration. La F�d�ration de France �tait l�arme redoutable qui a port�, pour la premi�re fois dans l�Histoire des mouvements de lib�ration, le combat du colonis� dans le territoire du colonisateur. Il y a �galement les actions d��clat dans le domaine politique puis militaire, comme les journ�es m�morables de 1960 qui ont �branl� la conscience de l�intelligentsia fran�aise, la poussant � faire des pressions sur l�Etat fran�ais afin d�engager des n�gociations avec le FLN. La gr�ve des 8 jours a �t� une r�ussite, disent les t�moins. �Plus de 300 000 OP (ouvriers sp�cialis�s) ont observ� pendant 8 jours la gr�ve. Ce qui a consid�rablement ralenti le tissu industriel fran�ais�, rappelle Ghafir Mohamed, dit Moh Clichy, cadre f�d�ral de la FF, 7e Wilaya pour les intimes. Cette r�ussite a exig� des militants de la FF abn�gation et sacrifice puisqu�elle avait co�t� la vie au chahid Rabia Rabi, assassin� dans la nuit du 26 janvier 1957 � l��ge de 34 ans par les tueurs du MNA. Sous les ordres de Ghafir Mohamed, le chahid participait, en compagnie des militants Lahc�ne Makhlouf, Amar Bela�d, Ahmed Abderrahmane, Brahim Bellali et Mohamed Tahar Cherfaoui, tous originaires du m�me village de Guenzet Nath Yala, � la sensibilisation des travailleurs et la distribution des tracts des Alg�riens lorsqu�il a �t� surpris au quartier de Clichy par les assassins proches de Messali Hadj. Il �tait �vident qu�aucune force de r�pression ne pouvait briser la volont� populaire d�exprimer son soutien au FLN. �Les menaces du g�n�ral Massu resteront vaines. Nos commer�ants savent les sacrifices qu�exige notre lib�ration. Ils ne se laisseront pas intimider. Les meilleurs de nos fils tombent tous les jours. Les biens du peuple sont quotidiennement saccag�s par la soldatesque fran�aise. Que le g�n�ral Massu instaure le pillage � Alger, ce sera une nouvelle illustration de l�ordre colonial et de la pacification. Cela n��branlera gu�re la d�termination des Alg�riens d�arracher leur ind�pendance�, lit-on dans l�appel � la gr�ve rendu public par le FLN. �Le jour de l�enterrement du chahid Rabia Rabi le 4 f�vrier 1957 au cimeti�re de Thiais dans la r�gion parisienne, a �t� pour nous un grand moment de mobilisation. Certains militants messalistes d�couvrant � travers cet acte criminel la nature r�elle de leur mouvement ont ralli� massivement le FLN�, nous confie Ghafir. Selon lui, la gr�ve des 8 jours �tait une p�riode de grande communion, dans l�adversit�, entre les membres de la communaut� �migr�e et entre cette communaut� et le pays. �Je me rappelle que lorsque les Alg�riens avaient repris le travail le 5 f�vrier, ils furent accueillis par leurs coll�gues fran�ais avec des acclamations. Voil�, les fellagas sont de retour, leur disaient-ils, marquant ainsi le respect de la classe ouvri�re fran�aise du combat des Alg�riens qui aspiraient � vivre libre.� Apr�s cette action r�ussie, la FF, malgr� l�arrestation le 27 f�vrier 1957 de ses dirigeants notamment Mohamed Tahar Louanchi, Taleb El Ibrahimi et Mohamed Lebdjaoui, n�est pas rest�e inerte. Bien au contraire. Elle a men� d�autres actions particuli�rement l��limination, le 26 mai 1957, du d�put� Ali Chekkal, devant le pr�sident fran�ais Ren� Coty. Chekkal, qui faisait �galement fonction de vice-pr�sident de l�Assembl�e, allait �tre envoy� � l�ONU pour contrer la d�marche des pays qui soutenaient le FLN. �Cette ex�cution �tait un vrai miracle�, disait son auteur en narrant les p�rip�ties de cet attentat � la limite du rocambolesque. Cet acte d�une lutte arm�e contre une force de r�pression �tait un miracle parce que son auteur n��tait pas un tueur de m�tier mais un militant de conviction, pr�t au sacrifice et qui ex�cutait de mani�re disciplin�e les ordres du commandement de la R�volution.