28 janvier 1957. Des milliers d'algériens, structurés au sein de la fédération de France du FLN, observent une grève d'une semaine dans différentes villes de l'Hexagone. Responsable de la région parisienne, Mohamed Ghafir dit Moh Clichy témoigne ici de cette action mémorable entamée en application aux instructions du FLN . D'emblée, il affirme que c'est le FLN qui a appelé à la grève, sous l'égide du comité d'organisation et d'exécution, issu du congrès de la Soummam. Mémoire infaillible, il souligne que cet évènement a été déclenché pour que le peuple algérien suive le FLN, d'autant que certains étaient dans l'expectative. Pour ce responsable, ce fut une course pour rallier le peuple à sa cause. La France, pour isoler le Front, « eut recours à des actions administratives et psychologiques ». Le moudjahid rappelle trois étapes importantes, dont l'offensive du nord constantinois, dirigée par Ziroud Youcef. Une opération qui coûta la vie à douze mille personnes. Ziroud Youcef, dit-il, avait voulu impliquer le peuple dans la révolution. Vient par la suite, le 20 août 1956, qui unifia les rangs de la révolution, autant sur le plan autorité que géographique. A partir de cette date, ajoute « da Moh », le pays est partagé en six wilayas, que le Comité de coordination et d'exécution s'attela à rallier tout le peule derrière le FLN. Pendant cette période, la France jouait la division, d'où la nécessité de déclencher cette grève. Au départ, partait-il, «il était prévue quinze jours de grève. Mais à la fin il a été décidé une semaine». M. Ghafir indique que les objectifs visés par cette action sont connus et sont écrits par le Comité de coordination et d'exécution. Il s'agit de la mobilisation générale de tout le peuple algérien, seul représentant authentique et exécutif, élimination du clan messaliste, pour éviter la troisième force et démontrer à l'assemblée générale des Nations Unies que les exigences d'indépendance et de souveraineté du Front de libération nationale sont celles de la nation entière. Moh Clichy se souvient. «J'ai vécu l'évènement en tant qu'un des acteurs de la banlieue nord de Paris, dont j'étais responsable. LA FRANCE, SEPTIÈME WILAYA Lorsqu'on parle de la banlieue nord de Paris, c'est-à-dire le 17 eme arrondissement, dont Clichy, d'où mon nom de guerre Moh Clichy». Mohamed Lebjaoui, envoyé par Abane Ramdane, au mois de janvier 1957, en vue de coiffer le comité fédéral de la fédération de France, dont certains responsables étaient arrêtés, était venu avec de nouvelles directives pour la préparation de cette grève, un évènement important qui devait se dérouler en Algérie et en France. Par devoir de mémoire, le moudjahid rappelle que la grève des huit jours a concerné l'Algérie et l'émigration, qui était structurée au sein de la fédération de France du FLN. Les tracts et les directives du Comité de coordination et d'exécution étaient clairs et précis. Le moudjahid exhibe le tract daté de janvier 1957. Il y est écrit : « l'annonce de la grève générale de huit jours à l'occasion du débat de l'Onu sur la question algérienne a semé le désarroi chez les autorités françaises. Le général Massu menace de livrer les magasins des grévistes au pillage et l'administration française, de licencier les fonctionnaires. C'est la meilleure preuve de l'affolement qui règne dans les rangs des colonialistes. C'est une raison supplémentaire pour que le peuple algérien fasse de cette grève un succès total. Les menaces du général Massu resteront vaines. Nos commerçants savent les sacrifices qu'exige notre libération. Ils ne se laisseront pas intimider. Les meilleurs de nos fils tombent tous les jours. Les biens du peuple sont quotidiennement saccagés par la soldatesque française. Que le général Massu instaure le pillage à Alger, ce sera une nouvelle illustration de l'ordre colonial et de la pacification. Cela n'ébranlera guère la détermination des Algériens à arracher leur indépendance ». Moh Clichy se souvient qu'à cette époque-là, les militants du FLN étaient minoritaires, comparativement aux messalistes. Qu'à cela ne tienne, « la grève des huit jours nous a apporté un bol d'oxygène ». Pour ce qui est de la préparation de la grève, il dit que celle-ci avait été préparée avec les éléments « qu'on avait et selon les consignes qu'on avait reçues ». Le débrayage devait commencer du 28 janvier au 4 février 1957, les ouvriers devaient cesser le travail et les commerçant fermer leur commerce. Au début, précise le moudjahid, il y avait eu des réticences, notamment chez les messalistes. « Quand on effectuait les tournées dans les cafés algériens pour distribuer les tracts, les messalistes repassaient derrière nous pour détourner l'émigration. Cette propagande n'a pas eu d'effet, puisque les nôtres, tout ce qu'on leur disait venait d'Algérie. Ils ont compris que la lutte est engagée par le Front de libération nationale», observe t-il. Et d'ajouter : «Cette grève nous a encouragés pour aller de l'avant. Dans les usines, les bouches de métro et les grandes stations de bus, des militants ont été installés en vue d'expliquer aux algériens sortis travailler de retourner chez eux ». Moh Clichy se souvient que « le premier martyr était mort le 26 janvier 1957, alors qu'il distribuait des tracts. Par ailleurs, le moudjahid fait savoir que la police française n'a pas intervenu du moment qu'il n'y a pas eu de manifestation, mais les messalistes ont appelé à une grève de deux jours seulement, en disant aux grévistes que «nous voulons les faire licencier». Cet arrêt de travail a paralysé les unités industrielles de la région parisienne et de la banlieue, et lorsque la grève est terminée, les ouvriers français ont bien accueilli les grévistes. Une fois la grève terminée, le martyr fut enterré, le 4 février. Pour lui l'enterrement a servi d'étincelle, puisque toute l'émigration a assisté aux obsèques. Il y avait une mobilisation générale. Et pour que les responsables ne se fassent pas connaître, « nous avons chargé un militant de dire que le défunt a été tué par ceux qui sont contre la révolution et que la révolution c'est le FLN, seul représentant du peuple algérien ». A partir de cette date, c'est le grand tournant. Et pour cause, explique-t-il, excepté certains militants messalistes, tout le monde a rejoint l'organisation. Et le nombre de militants, qui était de mille seulement, est passé à près de dix mille. En France la bataille est gagnée. Mais la bataille d'Alger ne l'était pas, puisque la zone autonome était disloquée et Massu devenu maître d'Alger. Sur un autre plan, précise la même voix, Mohamed Lebjaoui et Mohamed Salah Louanchi ont été arrêtés en février 1957 par la police française, alors qu'à partir de juin de la même année, « nous avion engagé une opération quadrillage, en recensant et en structurant l'ensemble des militants». Cela étant, à partir du Maroc, Abane Ramdane envoya Omar Boudaoud et Ali Haroun pour prendre en main la fédération de France. Ces derniers ont constitué un comité de cinq et leur fief en Allemagne jusqu'à 1962.