D'une année à l'autre, le phénomène du hooliganisme gagne du terrain. Au point où la police veut se désengager de la sécurité des rencontres sportives. Elle en a ras-le-bol ! Lyas Hallas - Alger (Le Soir) - A cause de la violence dans les stades, la Sûreté nationale enregistre dans ses rangs de plus en plus d'incapacités temporaires de travail ainsi que des dégâts endommageant son parc roulant. Mais c'est surtout le plan de déploiement de ses unités qui est chamboulé chaque weekend. L'année 2011 a été particulièrement agitée où l'on avait enregistré près de 11 000 émeutes et autres incidents troublant l'ordre public. La violence devenant le mode d'expression des Algériens qui, pour un oui ou un non, manifestent dans la rue. Les rencontres sportives étaient ainsi une charge de travail qui a usé les hommes en bleu et fait craquer son premier responsable. En juin 2012, le directeur général de la Sûreté nationale, le général-major Abdelghani Hamel, a eu le mérite de mettre tout le monde dans le désarroi. Il avait lancé un ballon-sonde annonçant un éventuel retrait de ses troupes de l'organisation des rencontres sportives. Cela n'avait, en tout cas, pas suscité un débat sérieux autour de la problématique. Hier, à l'ouverture de la journée d'étude portant sur le thème de «la gestion sécuritaire des rencontres sportives », le DGSN a remis le dossier sur la table. Il persiste et signe : «Il n'est pas question que la sécurisation des enceintes sportives reste du seul ressort de la police.» Le bilan des violences est sans appel : «Au cours des quatre dernières saisons sportives, la violence a engendré la mort brutale de 7 supporters, 2 717 blessés dont 1 589 policiers, 567 véhicules endommagés dont 270 appartenant à la DGSN. Par ailleurs, la facture de cette violence est encore plus significative pour la police. Le coût global des incapacités temporaires de travail accordées aux personnels blessés est de l'ordre de 5 milliards de centimes (47, 67 millions de dinars).» Le général Hamel prône une nouvelle approche : «la Coproduction de la sécurité.» Elle se base sur le concept de la «sécurité préventive». «Cela ne signifie pas que l'institution fuit ses responsabilités codifiées par la loi. L'organisation des rencontres sportives n'est pas une activité purement sécuritaire. Elle concerne tout le monde, et il faut que tout un chacun se mobilise afin que la police recentre ses efforts sur la lutte contre la criminalité. Non seulement les mouvements de nos unités sont truffés de risques, mais leur opérationnalité est affaiblie par ces déplacements répétitifs. Le plan de déploiement des unités est chamboulé chaque week-end. Chose qui ne leur permet pas d'intervenir avec l'efficacité souhaitée en cas d'une autre menace à l'ordre public», a-t-il estimé. Le ministre de la Jeunesse et des Sports, présent à cette journée d'étude, avait annoncé que son département prépare un projet de loi relative à l'éducation sportive et physique. Un texte qui inclut un volet encadrant l'organisation et la sécurisation des rencontres sportives. Les experts français et espagnols, invités à contribuer au débat organisé par la DGSN à la faveur de cette journée d'étude, ont recommandé, en substance, la création de la fonction de stadiers et l'interdiction d'accès au stade pour les supporters à problèmes. Une interdiction qui peut être administrative ou judiciaire. Il s'agit d'astreindre ces supporters à pointer dans un commissariat le temps que se déroule la rencontre. Une démarche qui nécessite une référence juridique qui n'existe pas encore en Algérie. L. H. ANNIE SALADIN, DIRECTEUR ORGANISATION SECURITE DE L'OLYMPIQUE LYONNAIS : «Entre le tout-répressif et le laxisme, il y a un juste milieu» La législation française impose aux clubs professionnels de football de désigner un «interlocuteur » pour la police, chargé d'organiser les rencontres et de coordonner le dispositif de sécurité mis en place à l'occasion, y compris lors des déplacements de ses supporters. Annie Saladin est «directrice organisation sécurité» de l'Olympique lyonnais. Elle a pris part à la journée d'étude organisée par la DGSN ce jeudi, à El Hamiz, au siège de la Direction des unités républicaines de Sûreté. Elle nous parle dans cet entretien de son expérience en la matière. Le Soir d'Algérie : Comment identifiez-vous les matchs à haut risque ? Estce seulement le nombre de spectateurs attendus pour assister à la rencontre qui le détermine ou bien d'autres facteurs entrent en jeu ? Annie Saladin : Le nombre de spectateurs est déterminant, bien sûr. Plus l'affluence est grande, plus le risque d'avoir affaire à des groupes de supporters au comportement répréhensible est grand. Certaines rencontres ont un caractère de «derby» et sont forcément à haut risque vu la rivalité entre les deux galeries, comme face au club de Saint-Etienne par exemple. Or, on se pose surtout la question de savoir quelle réputation ont les supporters des clubs visiteurs, s'ils ont tendance à créer des problèmes, etc. Par quels moyens assurez- vous la sécurité dans les stades ? Nous faisons appel à des prestataires de service privés qui disposent de personnels formés dans ce sens. Ils mettent à notre disposition entre 300 et 500 stadiers, suivant la nature du match et le nombre de spectateurs attendus. Nous ne pouvons recruter des permanents parce que nous ne pouvons assumer une telle masse salariale. Nous gérons le dispositif en coordination avec la police. Nous disposons d'un système de télésurveillance. Le rôle de nos stadiers est préventif. Nous les déployons à l'intérieur comme à l'extérieur du stade, ils contrôlent les accès, etc. Ainsi, ils préviennent la police au cas où ils n'arrivent pas à maîtriser des comportements risquant de troubler la rencontre. Quel rôle ont les comités de supporters et les médias dans ce dispositif de prévention ? Les médias préfèrent relater les faits. Cela amplifie parfois des incidents et complique notre tâche qui est plutôt préventive. Nous communiquons beaucoup plus avec les supporters afin d'éviter les incidents. Les briefings d'avant match sont-ils ouverts aux délégués des supporters ? Non. Seuls les agents d'accueil, les stadiers et des policiers y assistent. Votre dispositif paraît un peu répressif. Les stades sont aussi un espace où les couches défavorisées expriment des revendications sociopolitiques ou même identitaires. Ne pensez-vous pas qu'une présence policière exagérée peut constituer une provocation, un élément déclencheur de troubles ? Tout à fait. Le stade est un défouloir où les gens ne font pas que supporter leurs équipes. Mais notre approche n'est pas répressive. Les policiers sont déployés à l'extérieur du stade et n'interviennent à l'intérieur que si le besoin s'en fait sentir. Il y a ce qu'on appelle le «risque zéro», le tout-répressif. Il y a l'approche «laxiste». Et il y a le juste milieu. Nous nous inscrivons dans cette logique. On échange avec les supporters, on essaie de prévenir des incidents en interdisant l'accès au stade pour les supporters à problèmes, etc.