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L�entretien de la semaine SABAH EL ISSLAH M'RAKACH, PSYCHOLOGUE CLINICIENNE, DIRECTRICE G�N�RALE DE SOCI�T� EURL SAB SOLUTIONS,AU SOIRMAGAZINE :
�Le cambriolage est v�cu physiologiquement et psychologiquement�
Dans cet entretien qu�elle a bien voulu nous accorder, Salah El Isslah M�Rakach revient sur le traumatisme v�cu par les victimes d�un cambriolage, et ses effets sur leur entourage. SoirMagazine: Un cambriolage peut-il cr�er un traumatisme ou un choc ? Et quelle est la diff�rence entre un traumatisme et un choc ? Sabah El Isslah M'Rakach : Pour les professionnels de la sant� mentale et psychologique, vous abordez ici le domaine de la victimologie, qui est une branche de la criminologie et qui s�int�resse � tout ce qui se rattache � la victime : sa personnalit�, ses traits biologiques, psychologiques et moraux, ses caract�ristiques socioculturelles, ses relations avec le criminel et enfin son r�le et sa contribution � la gen�se du crime. Dans notre discours g�n�ral et populaire, on emploie des phrases telles que �c�est traumatisant� et/ou �je suis choqu�e�. La premi�re phrase renvoie plus � l�ext�rieur (interaction sujet /environnement), on va cibler ici une chose, un �v�nement, un comportement (externes � soi), La seconde, par contre, renvoie plut�t � un �tat int�rieur de la personne, un ressenti, un sentiment, c�est psycho-affectif (le sujet dans son intrapsychique). On parle m�me de choc culturel ; lorsque vous arrivez dans un pays, dont vous m�connaissez les rep�res, les codes et les comportements sociaux � adopter, vous vous sentez m�connu, il s�agit d�un sentiment �trange et soudain, lequel demande un temps d�adaptation pour que l�hom�ostasie puisse op�rer et permette � l�individu de d�passer l��tat de frayeur. Un choc est une attitude momentan�e de stupeur d�un sujet, au cours d�un moment donn� et face � une agression externe. Il est signe de fragilit�, car l�individu manifeste des difficult�s de r�ponses ad�quates et r�fl�chies, contrairement � son �tat normal face aux situations habituelles et �non m�connues� mentalement. On peut aussi faire une similitude avec le choc thermique, qui consiste en un stress physiologique induit par des changements soudains ou rapides de la temp�rature. Dans le cas du cambriolage, on est dans quelque chose de plus lent, en termes d��motions n�gatives, induites par une agression externe. C�est une exp�rience troublante, pour les victimes, dont l�effraction est v�cue physiologiquement et psychologiquement ; on a atteint leur intimit� profonde. On a �branl� leur �quilibre, le plus vital qui soit, on entame donc un processus de mentalisation de l��v�nement, de recherche de sens, d�enqu�tes, de reconqu�tes de l��quilibre initial. Le reste devient second, secondaire, apr�s un cambriolage. Mais tout le monde ne r�agit pas de la m�me mani�re et ne le surmonte pas de la m�me fa�on ni avec les m�mes moyens psychiques. Que ressentent les victimes d�un cambriolage ? Suite � un violent choc �motionnel, induit par un cambriolage, un traumatisme psychique peut provoquer des sympt�mes post-traumatiques, plus commun�ment appel�s PTSD (de l'anglais : Post-Traumatic Stress Disorder). C'est pourquoi, il est important de pratiquer un d�briefing �motionnel dans le cadre de la pr�vention d'un PTSD(ESPT en fran�ais). Les victimes peuvent ressentir de l�insomnie, de l�irritabilit�, des difficult�s de concentration, de la col�re ou un �tat d�excitation, d�agressivit�, d�impatience, de m�fiance, etc. Elles peuvent repenser souvent � l��v�nement du cambriolage, le revivre (flash-back) et s�en sentir d�munies et impuissantes. On retrouve chez certaines d�entre elles une attitude de d�fense sous forme d�insensibilisation qui prouve aussi des plaisirs. La victime va �viter le lieu ou des situations qui pourraient rappeler le cambriolage. Ces r�actions existent, car les victimes de cambriolage vont avoir besoin d�int�grer les �motions qui les ont submerg�es. Le d�briefing �motionnel par le psychologue clinicien, d�ment form� aux m�thodes de prose en charge de victimes, va permettre ce travail d�int�gration. Comment se manifeste ce choc psychologique ? Comment les victimes se comportent-elles par la suite ? Pendant l��v�nement traumatique, le corps r�agit : c�est la r�action tr�s courte d�immobilit� ou �freezing� du syst�me parasympathique (sid�ration cognitive, affective et motrice), puis celle de fuite/combat du syst�me sympathique (tachycardie, hyperventilation) pouvant se manifester par des comportements d'agitation, fuite panique, r�actions mim�tiques, voire des manifestations n�vrotiques (crise hyst�rique, phobie) ou psychotiques (d�lires, d�sorientation) chez des sujets pr�dispos�s. Une fois l��v�nement termin�, survient la phase de r�action du stress aigu (agitation, angoisse, souvenirs intrusifs, absence d��motions�). Ce sont des r�actions normales et naturelles apr�s une exp�rience traumatique telle que le cambriolage. Pour quelles victimes ce traumatisme est-il le plus fort ? Pour les plus vuln�rables �videmment, d�abord les enfants, mais aussi pour des adultes qui souffrent de troubles dissociatifs de l�identit� (ces derniers sont dus � de graves traumatismes subis durant l'enfance). Mais aussi pour les individus qui traversent d�j� une d�pression ou d�autres troubles n�vrotiques ou psychotiques. Pour le courant de la psychologie humaniste qui a �merg� aux Etats-Unis apr�s la Seconde Guerre mondiale (Eric Berne, Carl Rogers, Milton Erickson, Fritz Perls), le traumatisme est rattach� � la souffrance psychique de l'individu (occasionn�e par un �v�nement violent). Le traumatisme peut avoir des origines diverses (guerre, accident, maltraitance, abus, chocs divers...), il peut �tre verbalisable ou non selon le stade de d�veloppement de l'individu (ex : les traumatismes chez le f�tus), et il peut �tre conscient ou non (du fait des m�canismes d'amn�sie ou refoulement). Comment gu�rir d�un tel traumatisme ? Quelles sont les attitudes � adopter ? En pr�vention du PTSD (Post Stress Traumaticdisorder), il y a plusieurs phases dans le traitement : Les soins imm�diats : le defusing Imm�diatement apr�s l��v�nement traumatisant, et surtout quand un grand nombre de personnes sont touch�es (cambriolage, hold-up dans une entreprise, accident de train, explosion d�un immeuble � cause d�une fuite de gaz, suicide en public par exemple), une cellule d�urgence m�dico-psychologique doit �tre d�clench�e par le SAMU et les personnes impliqu�es (non bless�es physiquement) sont r�unies dans un coin tranquille sur le lieu de la catastrophe ou au service des urgences de l�h�pital pour les victimes bless�es physiquement. La cellule d�urgence m�dico-psychologique (CUMP en France) est form�e d�un psychiatre et d�un psychologue ou d�un infirmier sp�cialis� en psychiatrie. Alors que bien souvent, les victimes sont encore en plein choc, ils sont l�, offrent une pr�sence, s�assurent que la personne peut �tre soutenue, que l�on r�pond bien � ses besoins vitaux. Cette attitude relevant du bon sens est cependant �technique� car il faut agir sur le stress, sur l�angoisse, que les victimes soient agit�es ou prostr�es, les �ramener doucement dans le monde des vivants�, restaurer la parole si n�cessaire car �personne ne peut comprendre, il n�y a pas de mots pour raconter �a�, calmer la douleur psychique, tenter de donner un sens � ce qui est arriv�. Le lien qui se cr�e entre la victime et le psychiatre est souvent tr�s fort et a une grande influence sur l��volution psychique de la victime. Le psychiatre ou le psychologue clinicien explique les sympt�mes que la victime peut possiblement ressentir dans les heures ou les jours suivants et l�invite � venir � une consultation sp�cialis�e � l�h�pital dans les quelques jours qui suivent. Les soins post-imm�diats : le debriefing Il a lieu quelques jours plus tard, quand le choc est �pass�. Les psychiatres, psychologues ont �tri� les personnes impliqu�es, pour en faire des groupes homog�nes : victimes primaires (celles qui ont �t� touch�es directement : les gens qui �taient pr�sents lors du cambriolage), victimes secondaires (celles qui n�ont pas �t� menac�es par les gangsters/voleurs mais qui ont entendu les coups de feu ou les menaces, ou familles de personnes d�c�d�es par exemple). Chaque victime est invit�e � exprimer ses �motions, ses pens�es lors de la catastrophe et � raconter en d�tail comment cette chose horrible s�est pass�e, � partager cela avec les autres. Mettre en mots le trauma, l�horreur, c�est permettre de le ramener � la r�alit�, de se lib�rer de ce qui �tait impossible � imaginer �avant�. Des consultations individuelles sont propos�es ult�rieurement par les psychiatres et/ou les psychologues. Enfin, nous mettrons l�accent sur le fait que le debriefing n�est pas un acte magique qui permet de �tout �vacuer� et de revenir � �avant�, �on parle et on oublie tout�, �les psy sont venus, tout va bien�. Il permet simplement de faire prendre conscience � la victime du cambriolage que le choc a bien exist�, qu�il n�est pas effa�able, qu�il peut devenir �ventuellement un poids trop douloureux, que des sympt�mes handicapants peuvent survenir, mais qu�une psychoth�rapie adapt�e au psycho-traumatisme permettra d�en gu�rir et de rendre la vie possible. Le debriefing est une condition certes n�cessaire � une �volution positive des victimes, mais pas suffisante, il ne peut avoir d�int�r�t que s�il est accompagn� d�un suivi � long terme. Il doit permettre aussi � la famille et aux proches d��tre inform�s par la remise d�un document sur les effets et cons�quences du psycho-traumatisme afin de ne pas isoler la victime dans son trauma.