[email protected] Il paraît que 80% des hommes armés qui se battent contre le régime Assad en Syrie sont des étrangers au pays. Et parmi ces 80%, il doit y avoir un petit pourcentage d'Algériens, venus de l'Oued- Koreïche ou de Carpentras. Et si par malheur, je dis bien par malheur, la rébellion gagne, la première décision des nouveaux dirigeants sera de se débarrasser des «moudjahidine » algériens. Dame, ils nous aiment bien dans ces contrées, mais ils ne nous font pas confiance pour la gestion de l'avenir, vu l'exemple édifiant qu'ils ont eu devant eux en cinquante ans. En revanche, s'ils tombent dans les rets du sieur Bachar, et qu'ils sont menacés d'exécution sommaire, ou légale, ce qui revient au même pour eux, ils en appelleront à notre solidarité patriotique. Dans ce cas, et nous sommes toujours dans l'extrapolation, nous nous sentirons obligés de faire un petit geste, ne serait-ce qu'une signature au bas d'une pétition en leur faveur. Nous n'oserions même pas poser la question récurrente du Géronte de Molière se demandant «que diable sont-ils allés faire dans cette galère ?», de peur d'écorner notre politiquement correct. S'ils échappent à l'étreinte fraternelle et mortelle de Bachar, il se pourrait qu'ils se fassent attraper quelque part, là où leurs sponsors américains ne voudraient pas qu'ils soient. Bonjour Guantanamo ! Le résultat serait encore le même : pétitions patriotiques, mais dans l'urgence, parce que ces «innocents», au sens voltairien du terme, mettraient en danger leur propre vie, en refusant de s'alimenter. Comment éprouver de la sollicitude ou simplement de la compassion, pour des jeunes qui ne nous ont pas demandé notre avis, pour aller guerroyer en Afghanistan, en Irak ou en Syrie ? Sachant que si ces jeunes «innocents» en avaient eu le loisir, ce sont leurs concitoyens algériens qui auraient été aux premières loges pour apprécier leur science du djihad bien compris. Non, franchement, j'ai beau essayer de me convaincre du bien-fondé de ces initiatives humanitaires, je leur trouve un côté malsain, cette drôle d'impulsion qui pousse la victime à s'apitoyer sur son bourreau, plus que sur son propre sort. En fait, la question dilatoire de l'avare Géronte ne devrait pas se poser chez nos affectueux Algériens. Ils savent très bien que ce n'est pas par hasard qu'ils sont allés «dans cette galère», ni par hasard qu'ils se sont retrouvés prisonniers à Guantanamo ou à Baghdad. Je ne veux pas en rajouter, mais je ne suis pas sûr que ces «musulmans» à têtes de chérubins, dont on nous montre les photos ne nous auraient pas coupé la tête s'ils en avaient eu l'occasion. Alors, cessons d'atermoyer et osons les appeler par leurs noms. Il sera ensuite plus facile, pour tout le monde, de manifester de la mansuétude, puisque c'est cela qui est attendu de nous. Mais que diable, faisons-nous alors dans cette galère ? Pourquoi alors se réclamer de l'Islam, si nous devons tendre l'autre joue et pardonner à ceux qui nous ont offensés ? Au nom de quoi, devrions-nous invoquer la «rahma» pour nos «enfants égarés», alors que nous leur avons enseigné à haïr et à combattre l'autre ? «Pax vobiscum !» (Que la paix soit avec vous !), c'est le premier salut de la liturgie chrétienne équivalent à notre «Essalamou Alaïkoum», que nous aimons prononcer avec emphase. «Pax vobiscum» n'a pas empêché l'Inquisition, ni la Saint-Barthélemy, et les massacres commis par les conquistadores arborant la croix. C'est sous prétexte de nous enseigner la «vraie religion » que nous avons été colonisés, et d'autres avec nous, durant cent trente ans, et plus. Tous ces conquérants impitoyables tuaient, violaient, pillaient, razziaient, tout en hurlant des «Salamou Alaïkoum» destinés à couvrir nos hurlements. Cessons de marcher dans leurs pas, puisque nous nous prétendons différents et que nous sommes certains de détenir les vraies clés de la foi ! Cessons de conjuguer au passé simple le premier verbe de l'adresse divine : «Vous étiez (kountoum) la meilleure des nations», et tournons-nous vers ceux qui méritent mieux notre solidarité. Il y a des parents, des frères et des sœurs qui pleurent encore des êtres chers, assassinés ou enlevés sans espoir de retour, par les terroristes islamistes. Et puisque la première injonction divine est de lire, intéressons- nous à ce que pensent de nous les autres. Faisons l'effort (ijtihad) de nous demander pourquoi même des attardés mentaux, ne connaissant rien de l'islam, se réclament de Ben Laden et d'Al- Qaïda, lorsqu'ils tuent leurs semblables ? Essayons de «lire» et d'expliquer comment la disparition d'une jeune fille musulmane égyptienne de Haute Egypte a provoqué vendredi dernier(1) de nouveaux heurts confessionnels. Les Egyptiens sont tout à fait comme les autres : lorsque la femme d'un prêtre copte quitte son mari pour suivre un jeune et beau musulman, c'est un divin miracle. Mais lorsqu'une jeune musulmane s'enfuit de chez elle avec un copte, sans doute conforme aux normes de beauté saoudiennes(2), c'est la «nakba». Vendredi dernier, dans la ville d'Al-Wassati, en Haute Egypte, des heurts ont failli dégénérer en affrontements confessionnels sanglants, et la police a dû intervenir pour éviter l'incendie d'une église. Ce qu'il y a de dramatique dans ce nouvel épisode des relations tumultueuses entre coptes et musulmans d'Egypte, c'est le poids des préjugés et des malentendus. Le père de la jeune fille et ses proches se sont empressés d'affirmer que la jeune fille avait suivi son séducteur copte parce qu'elle était sous l'effet d'un envoûtement. En fin de compte, il s'est révélé que la jeune fille était partie en Turquie, le pays du beau «Mohanad» (Mohand ?), pour se marier avec un certain Ahmed. Il a suffi d'une rumeur pour réveiller les démons de l'intolérance et de la violence, et ce n'est pas fini. La solution ? Je serais tenté de dire comme Aswani, que c'est la démocratie, mais avec «la séparation du religieux et du politique». Allez, encore un effort ! Le mot laïcité n'est pas difficile à prononcer, et il n'écorche ni les lèvres ni les oreilles, alors dites-le ! A. H. (1) Lorsque ces incidents arrivent, c'est généralement après la prière collective du vendredi, au cours de laquelle les imams ne prêchent pas toujours l'apaisement, semble-t-il. (2) Les Saoudiens ont exclu d'une manifestation culturelle un jeune modéliste qatari parce qu'il était trop beau, «trop doux» dirait l'un de leurs cheikhs. Où allons-nous si Brad Pitt, lui-même, devient source de fitna et supplante Angélina Jolie dans les fantasmes de tous ces dévots ?