L'Agence nationale du patrimoine minier a mis en adjudication des lots de gisements d'argile et de calcaire destinés à alimenter quatre nouvelles cimenteries. Sur la vingtaine d'entreprises ayant déposé des offres techniques, seuls quatre soumissionnaires ont été retenus. Deux d'entre eux ont présenté des offres financières n'excédant pas 10 millions de centimes sur le seuil minimal imposé par l'ANPM. Tarek Hafid - Alger (Le Soir) - L'attribution par l'Agence nationale du patrimoine minier de quatre gîtes miniers destinés à la production de ciment est-elle entachée d'irrégularités ? Les responsables des Grands Moulins Belghit et de la Sarl Usine de fabrication de ciment de Nâama en sont persuadés. Tous deux ont participé à l'avis d'adjudication lancé au mois de janvier par l'ANPM portant sur l'exploitation de gisements de calcaire et d'argile. Cette opération est d'une importance capitale car ces produits sont destinés exclusivement à la production de ciment. Lancé en janvier 2013, l'avis d'adjudication concerne quatre wilayas : Ghardaïa, Souk-Ahras, Nâama et Laghouat. La procédure a donc débuté par une phase technique à laquelle ont participé 22 entreprises. Au terme de la séance d'ouverture des plis, le bureau d'adjudication — qui est composé des membres du conseil d'administration de l'ANPM — a déclaré la recevabilité de 19 offres. «Un procès- verbal nous a été délivré sur-le-champ confirmant que notre offre est conforme aux dispositions du cahier des charges. Le 20 mars, nous recevons par fax une seconde confirmation », explique Lotfi Abdelaziz Abderahmane, gérant de la Société Usine de fabrication de ciment de Naâma. Abdelkrim Zerrouki, dirigeant des Grands Moulins de Belghit, qui avait déposé une offre pour le site de M'daourouch dans la wilaya de Souk- Ahras reçoit la même correspondance. Absence de maturation Mais la situation change subitement le 31 mars. Les deux soumissionnaires reçoivent une nouvelle correspondance de la part de l'ANPM leur annonçant le rejet de leur offre technique «pour absence de projet suffisamment maturé pour la réalisation d'une cimenterie» suite à l'examen effectué par «la commission ad-hoc». Les entreprises saisissent l'Agence nationale du patrimoine minier pour exiger des explications. Cette dernière répond par une nouvelle correspondance en date du 4 avril. «C'est une décision injuste. Nous avons constitué une société dotée d'un capital de 100 millions de dinars pour la création de cette cimenterie à Naâma. Nous disposons des moyens financier et technique qui nous aurons permis de monter cette unité en 16 mois. Le dossier technique a été réalisé par un ingénieur italien de renommée mondiale dont les compétences sont reconnues par les pouvoirs publics algériens», dénonce Lotfi Abdelaziz Abderahmane qui estime que «l'absence de maturation du projet» est un argument fallacieux visant à l'écarter de la procédure d'adjudication. Idem pour Abdelkrim Zerrouki dont le groupe industriel a mis d'importants moyens pour la réalisation d'une cimenterie dans la localité de M'daourouch. En fait, les deux soumissionnaires dénoncent la non-application de certaines dispositions du cahier des charges, notamment celles contenues dans l'article 17. «Au cours de l'évaluation des offres techniques et des documents exigés, l'Agence nationale du patrimoine minier pourra demander, par écrit, tout éclaircissement qu'elle jugera utile lui permettant de mieux prendre connaissance de l'expérience et des capacités techniques et financières dudit soumissionnaire. Des réunions pourraient éventuellement être envisagées avec les soumissionnaires», peut-on lire dans cet article. Il est évident que l'ANPM n'a pas jugé utile de demander aux deux entreprises des «éclaircissements» quant la «maturation» de leurs projets respectifs. Contradictions De son côté, l'Agence nationale du patrimoine minier donne une toute autre version des faits. Ainsi, au sujet de cette problématique de «maturation », l'ANPM a expliqué, jeudi, via son service de communication, que «l'article 8 du cahier des charges précise clairement que le soumissionnaire doit disposer de capacités techniques et financières suffisantes pour concrétiser dans les meilleurs délais leurs projets. Dans l'article 11.1 du cahier des charges, "le soumissionnaire doit préciser son expérience dans les domaines de l'activité minière et l'activité des ciments''». Notons que pour cette opération d'adjudication, l'ANMP a autorisé la participation de «sociétés nouvellement créées». Il existe une contradiction dans la démarche de l'agence qui encourage la participation des nouveaux opérateurs tout en exigeant de l'«expérience dans les domaines de l'activité minière et l'activité des ciments». Contradiction qui apparaît clairement dans la lettre adressée le 4 avril à la Sarl Usine de fabrication de ciment de Naâma. «Cette opération n'est pas la dernière et nous espérons vous voir soumissionner de nouveau lors des prochaines opérations similaires», écrit Hocine Anane, président du conseil d'administration de l'agence. Juste 10 millions de centimes La séance de dépôt et d'ouverture des plis financiers s'est finalement déroulée le 11 avril. Seuls quatre soumissionnaires, soit une entreprise pour chaque lot, ont pu y participer. Les gîtes de calcaire et d'argile de Meniaâ wilaya de Ghardaïa), dont le seuil minimal était de 60 millions de dinars, ont été attribués à l'entreprise Sograt pour 101 millions de dinars. Ceux d'El Beidha (wilaya de Laghouat), dont la mise à prix est de 60 millions de dinars, ont été remportés par le groupe Amouda Engineering pour 180 millions de dinars. Mais les offres concernant les lots de M'daourouch et de Naâma suscitent des interrogations. En effet, le lot de Naâma dont la mise à prix était de 20 millions de dinars a été remporté par l'entreprise EPTTRS pour une enveloppe de 20,1 millions de dinars et celui de M'daourouch, estimé à 30 millions de dinars, a été cédé à l'entreprise Faïenceries algériennes pour 30,1 millions de dinars. En clair, ces deux entreprises n'ont ajouté que 10 millions de centimes sur le seuil minimum arrêté par l'ANPM pour remporter ces lots. Etrange coïncidence. Une situation dénoncée par les dirigeants des Grands Moulins Belghit et de la Sarl Usine de fabrication de ciment de Naâma qui estiment que ces résultats confirment une nette volonté de les exclure de cette opération d'adjudication. A titre indicatif, ces deux industriels nous ont annoncé les offres qu'ils devaient présenter s'ils avaient eu la possibilité de participer à la phase financière : 50 millions de dinars pour le lot de Naâma et 75 millions de dinars pour celui de M'daourouch.