La police tunisienne a démantelé, samedi dernier, une tente de prêches installée par des salafistes dans la banlieue sud de Tunis. Une opération qui intervient au moment d'une nette détérioration de situation sécuritaire. Les autorités tunisiennes semblent avoir opté pour une politique de tolérance zéro envers les groupes salafistes. Le ministère de l'Intérieur a instruit, la semaine dernière, les forces de sécurité de contrôler les mosquées et d'interdire les tentes de prêches», sortes de manifestations religieuses qui se déroulent dans les rues. Samedi après-midi, à Sijoumi, quartier de la banlieue sud-ouest de Tunis, le démantèlement d'une tente de prêches a tourné à la confrontation entre policiers et salafistes. Face au refus des islamistes de quitter les lieux, les forces de sécurité ont donné l'assaut en utilisant des grenades de gaz lacrymogène et des matraques. La presse tunisienne a fait état de plusieurs arrestations. Cette opération de la police indique clairement que le ministère de l'Intérieur, et à travers lui le gouvernement Ennahda, a décidé de s'impliquer concrètement dans la lutte contre l'islamisme radical et le terrorisme islamiste. Mais cet engagement est intervenu sous la pression des membres des services de sécurité qui sont, depuis plusieurs mois, la cible de menaces proférées par des prêcheurs salafistes activant dans les mosquées et les tentes de prêches. Les policiers, garde républicaine et militaire sont souvent accusés d'être des taghout, apostats. En fait, dans certaines régions du pays, les islamistes ont mis à exécution leurs menaces. C'est fut le cas à Djebel Jelloud, quartier populaire de la capitale, où un commissaire a été égorgé le 2 mai. Selon les médias, trois personnes impliquées dans ce meurtre ont été arrêtées à Benguerdane, ville frontalière avec la Libye. Le 4 mai, des individus à bord d'un véhicule ont tiré des rafales d'armes automatiques contre une caserne militaire à Sidi Ahmed Salah, dans la région du Kef. Les opérations de recherche lancées par l'armée et la garde républicaine n'ont donné aucun résultat. Notons que des islamistes armés sont particulièrement actifs dans cette région proche de la frontière avec l'Algérie. Mais c'est plus au sud, dans le massif montagneux de Chaâmbi, qui surplombe la ville de Kassrine, que la situation sécuritaire est la plus inquiétante. C'est dans cette zone qu'est retranché un groupe terroriste affilié à Al Qaïda au Maghreb islamique composé d'une trentaine d'individus. Lancées à la fin du mois d'avril, les opérations de ratissage n'ont pas encore donné de résultats probants. Plusieurs militaires ont été blessés par des mines artisanales placées par les terroristes pour piéger la zone. L'affaire du djebel Chaâmbi a accentué la pression sur le gouvernement islamiste d'Ennahda, accusé de «laxisme» par une partie de l'opposition et par le mouvement associatif. Une idée que partagent également l'armée et les services de sécurité. Le changement de cap du gouvernement à travers le ministère de l'Intérieur vise justement à lever les doutes quant à sa détermination à lutter contre le terrorisme islamiste. Mais la tenue du 3e congrès d'Ansar Al-Charia, parti salafiste, prévu pour le 19 mai à Kerouan, met le ministère de l'Intérieur dans une situation délicate. En effet, ce congrès n'a toujours pas été autorisé. Et une interdiction définitive pourrait s'avérer risquée. Une menace qui devrait être prise très au sérieux. Samedi dernier, Seif Eddine Raïs, le porte-parole d'Ansar Al- Charia, a exigé aux militants et autres sympathisants de ne plus se rendre en Syrie pour y mener «la guerre sainte». Pour le parti salafiste, le djihad en Tunisie est devenu la priorité.