Depuis l'année 2003, les groupes terroristes sévissant dans la région du Sahel, essentiellement Al Qaïda et Aqmi, ont obtenu pas moins de 150 millions d'euros, sous forme de rançons, payées par des Etats, occidentaux notamment, pour la libération de leurs ressortissants. C'est que révèle Kamel Rezzag Bara, le conseiller aux affaires sécuritaires de Abdelaziz Bouteflika, lors de son passage à l'émission «L'invité de la rédaction» de la Chaîne III de la radio nationale, hier mercredi. Kamel Amarni - Alger (Le Soir) L'Algérie, qui a toujours prôné la prohibition du paiement de rançons aux groupes terroristes, et même sa criminalisation, a engagé «avec nos partenaires américains, des discussions en 2012 et qui ont abouti à un mémorandum, celui d'Alger (...) et qui engage 28 Etats, dont les membres de sécurité de l'ONU». Dans une récente résolution, révélera encore Rezag Bara, «le Conseil de sécurité s'est dit engagé à lutter contre le paiement de ces rançons, en attendant les prochaines étapes». La plus proche dans le temps, et certainement la plus importante aussi de ces étapes, reste, sans conteste, le prochain sommet du G8 prévu en juin en Irlande du Nord. «Nous attendons une résolution dans ce sens», affirmera le conseiller de Bouteflika. «Je n'ai pas de détails, mais je sais que nos partenaires de Grande- Bretagne feront une proposition en vue de rendre plus contraignant le paiement de ces rançons.» Le plus grand problème dans ces affaires-là, comme l'expliquera Rezag Bara, étant le fait que, «sous la pression de leurs opinions publiques, certains Etats payent». D'où l'importance de la résolution attendue du G8 où il s'agira, selon Rezag Bara, de définir «ce qu'il faut faire et ce qu'il ne faut pas faire» dans ce genre de situation. Car, in fine, cet argent versé aux organisations terroristes a des conséquences désastreuses. «Ce sont ces rançons qui boostent à chaque fois les islamistes sanguinaires. Mais pas seulement. Le terrorisme djihadiste, de type confessionnel, est en train de céder du terrain face au narco-terrorisme», dira encore l'invité de la Chaîne III. Les bouleversements que connaît la région du Sahel ces deux dernières années ont, par exemple, rendu facile l'émergence d'une organisation terroriste comme le Mujao, dont les accointances avec les services marocains sont un secret de Polichinelle. Bien sûr, Rezag Bara ne le dit pas aussi «crûment» mais le suggère. «La drogue vient d'Amérique latine mais aussi du Maroc qui a considérablement augmenté sa production ces dernières années.» Or, poursuit la même source, «une organisation comme le Mujao est l'exemple type de ce clone du terrorisme confessionnel qu'est le narcotrafic ». Tout le monde sait que le royaume de Mohamed VI, qui veut «s'inviter» au Sahel, avait d'abord essayé d'imputer au Front Polisario une bonne partie des actes terroristes commis par Aqmi. Cela, avant d'investir carrément dans une organisation terroriste, le Mujao, entièrement contrôlée par ses services. Face à ces multiples périls, et même si «le terrorisme ne peut plus menacer des Etats mais reste une menace pour la sécurité publique», l'Algérie n'a d'autre choix «que de consolider la sécurité au niveau de ses frontières avec tous ses voisins ». La vigilance consiste aussi en des réponses fermes comme celle réservée à l'attaque terroriste de Tiguentourine : «Au plus haut niveau de l'Etat, la consigne était claire dès le début de cet attentat perpétré par le groupe de Mokhtar Belmokhtar : il fallait absolument que les terroristes n'atteignent aucun de leurs objectifs. D'où l'intervention rapide de nos forces spéciales.» Des forces spéciales et donc l'ANP qui, par ailleurs, viennent d'être réhabilitées sur un autre sujet. L'affaire des moines de Tibhirine. «La vérité finit toujours par triompher», commentera Rezzag Bara à propos des révélations faites par des terroristes du GIA à la presse française.