En marge de sa visite, le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Mohamed Charfi, a esquivé toutes les questions, tenant en haleine l'opinion nationale et internationale. Les commissions rogatoires, qu'il s'agisse des missions d'instruction données par le juge algérien aux autorités judiciaires italiennes, canadiennes, américaines et émiraties ou celles confiées par le juge italien à ses homologues algériens, n'ont toujours rien donné, à en croire M. Charfi. «Je l'ai dit la semaine dernière à Alger et je le répète aujourd'hui : on ne peut enquêter en live ! L'instruction exige beaucoup de discernement et de sagesse. On ne peut diffuser chaque jour un communiqué. Dès que quelque chose qui nécessite que l'on informe l'opinion publique, on le fera.», s'est-il offusqué. Relancé sur cette même question – si la responsabilité de l'ancien ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, est engagée à l'issue de ces commissions rogatoires, le gouvernement algérien demandera-t-il son extradition des Etats-Unis ? –, M. Charfi a eu cette réplique : «Je n'aime pas personnaliser les choses, mais je dis que l'enquête suit son cours et toute personne qui s'avère impliquée, quel que soit son rang, la justice a les moyens juridiques pour l'amener pour qu'elle réponde des accusations portées à son encontre.». Ayant inspecté des chantiers inscrits dans le «programme du président», insistant au passage sur la volonté de ce dernier à réformer le secteur de la justice, le ministre fut contraint de répondre à une question sur l'état de santé du président. «Puisque vous avez évoqué le président, est-ce qu'il va bien ? Où se trouve-t-il actuellement ?», l'avons-nous interrogé. Paniqué, M. Charfi s'est révélé incapable d'éclairer l'opinion publique : «Je ne suis pas habilité à communiquer sur l'état de santé du président ! Mais à ce que je sache, d'après ce que nous dit monsieur le Premier ministre, il se porte mieux, suit quotidiennement les grands dossiers et oriente notre action par des instructions que répercute en son nom M. Sellal.» La question reste posée en tout cas. Au moment où les officiels algériens, conseillers et ministres du président se refusent à toute communication sur le sujet, des informations sont distillées à travers la presse française. L'hebdomadaire français Le Point, citant des sources médicales, a révélé, hier sur son site Internet, que «l'état de santé du président Bouteflika se dégrade, certaines de ses fonctions vitales sont très atteintes». Une information remettant en cause la version officielle, selon laquelle M. Bouteflika aurait été hospitalisé pour un AVC mineur. Au sujet de l'association que compte fonder le magistrat près de la Cour suprême Abdelhak Mellah – quel poids aura-t-elle sur l'échiquier politique, sachant que les magistrats se sont révoltés il y a quelques semaines et ont dénoncé les interférences des politiques dans leur travail ? –, le garde des Sceaux s'est plutôt interrogé sur l'utilité d'une telle organisation. «Je l'ai appris à travers la presse. Les magistrats ont le droit de s'organiser, ils ont d'ailleurs un syndicat qui défend leurs droits socioprofessionnels. Je me demande seulement à quoi bon. A mon avis, cela ne va que diviser les rangs», a-t-il estimé.