Il serait tout de même ridicule, de parler de saison estivale dans la wilaya de Tlemcen quand le simple citoyen est contraint de mettre sa voiture sur cale, et pour cause depuis plusieurs semaines toutes les stations- service sont fermées pendant toute la journée, il n'y a pas une goutte de carburant, et quand les rares camions citernes, qui approvisionnent la wilaya de Tlemcen arrivent, les hallabas sont déjà sur place. il ne sert à rien de se voiler la face devant ce phénomène, qui a pris de l'ampleur au vu et au su de tout le monde, il arrange tout le monde, sauf le citoyen qui reste impuissant devant cette hogra caractérisée. Contrairement à ce qui a été rapporté par certains organes de presse, il n'y a jamais eu de décision de rationner le carburant, ce qui aurait pu décourager les hallabas. Cette situation dure depuis plus d'une année et nul ne pourra dresser un quelconque bilan sur l'économie locale, sauf que l'on pourrait avancer sans risque d'erreur, que plus de 75% des livraisons de carburant destinées à Tlemcen passent allégrement les frontières. Cette situation était prévue, car de l'autre côté de la frontière, la demande augmente pendant la période estivale avec le retour des MRE (Marocains résidant à l'étranger), ils sont nombreux à revenir dans leur pays. Une chose est sûre, nos voisins de l'Ouest passeront de bonnes vacances, ils seront à l'abri de la panne sèche. Que dire alors de nos vacanciers qui sont obligés de payer 3 fois le prix normal pour faire le plein et encore quand ce produit est disponible ? Une question qui taraude tous les esprits : pourquoi les responsables concernés ne réagissent pas avec une certaine fermeté devant cette razzia ? Il suffit de faire le tour des stations, notamment celles de la commune de Mansourah, pour avoir une idée claire sur ce trafic qu'aucun pays au monde ne saurait tolérer. Devant cette situation qui n'honore personne et défigure la capitale des Zianides, un mouvement citoyen prépare des actions, certains parlent d'une grande mobilisation, d'autres veulent tout simplement occuper les stations, mais le plus important, c'est le slogan retenu «Où est le nif algérien, M. Sellal ?» Est-ce en réponse à la déclaration du Premier ministre, quand il évoquait le nif des Algériens ? A propos de nif, le contrebandier marocain ne touchera jamais à quelque chose qui nuit à l'économie de son pays et cela se vérifie chaque jour sur le terrain, des quantités énormes en carburant et d'autres produits sont acheminés quotidiennement vers le Maroc (par nos contrebandiers) et en retour, ce sont des quintaux de kif qui passent la frontière grâce à la complicité des narcotrafiquants algériens. Dans les années 70, une enquête publiée par l'hebdomadaire Algérie Actualités reflétait la triste réalité d'aujourd'hui, un article de l'époque affirmait que le contrebandier marocain était plus nationaliste. Aux hallabas, il ne faut surtout pas parler de fibre nationaliste, le gain facile motive tout le monde. Dernièrement, un hallab qui était plutôt gêné par ma remarque devant une station-service me fit une drôle de confidence : «Je fais ce boulot pour d'autres, je ne suis qu'un simple chauffeur, mais il y a même des médecins et des enseignants qui s'adonnent à ce trafic». Pour me convaincre, il me désigna deux voitures qui se trouvaient dans la chaîne. Il faut dire que le trafic de carburant génère de gros profits. A l'approche du Ramadan, la situation risque de prendre d'autres proportions, plus alarmantes, ce qui fait dire à un chauffeur de taxi : «Il est plus facile de lutter contre le terrorisme que de lutter contre ces réseaux maffieux qui disposent de solides soutiens.» Le Premier ministre est interpellé par toute la société tlemcéniennne, qui s'insurge contre cette idée reçue : «Nous ne sommes pas une wilaya privilégiée, contrairement à ce qui se dit, la capitale des Zianides n'est pas un sultanat et les ministres originaires de Tlemcen appartiennent au système politique. Nous attendons la visite de M. Sellal pour lui exprimer toute notre frustration.» Notons aussi la colère des jeunes transporteurs qui ont acquis du matériel auprès de l'Ansej et qui se trouvent au chômage forcé, faute de carburant. Le petit hameau de Béni Drar, sur la route du Rif, est devenu prospère. Il est le plus grand dépôt de carburant dans tout le secteur oriental, pendant que la ville de Tlemcen donne l'allure d'une wilaya sinistrée.