Des dizaines de milliers d'islamistes égyptiens manifestaient hier pour soutenir le Président Mohamed Morsi, dans un climat tendu avec l'opposition qui appelle de son côté à une mobilisation massive à la fin du mois pour réclamer le départ du chef de l'Etat. Les manifestants portant des drapeaux égyptiens et des portraits du chef de l'Etat se sont rassemblés devant une mosquée de Nasr City, un faubourg du Caire, en scandant «Oui à la stabilité, oui à la légitimité ». Les opposants «ne doivent pas croire que nous sommes une minorité. Nous sommes capables de protéger la légitimité et la Charia», affirmait Hamida Bakkout, une infirmière de 43 ans brandissant une banderole avec la photo du Président. «Les présidents démocratiquement élus ne peuvent être démis par des manifestations», a déclaré de son côté un porte-parole des Frères musulmans, Gehad al- Haddad. Plusieurs mouvements islamistes, dont le Parti de la liberté et de la justice (PLJ), vitrine politique des Frères musulmans dont est issu M. Morsi, ont appelé à cette manifestation qui se veut une démonstration de force face aux opposants qui battent le rappel pour un grand rassemblement devant le palais présidentiel le 30 juin, premier anniversaire de l'investiture de M. Morsi. Une campagne intitulée Tamarod «rébellion», à laquelle se sont ralliés de nombreux groupes et personnalités opposés à M. Morsi, revendique 15 millions de signatures pour réclamer sa démission et l'organisation d'une présidentielle anticipée. La mobilisation autour de Tamarod a redonné une visibilité inespérée à une opposition fragmentée et a placé le pouvoir sur la défensive, sur fond de craintes que ces tensions ne débouchent sur une nouvelle vague de violences dans un pays profondément divisé. M. Morsi est le premier président civil du pays et le premier islamiste à accéder à cette fonction. Son élection a mis fin à la période de transition sous direction militaire qui a suivi la chute en février 2011 de Hosni Moubarak sous la pression d'une révolte populaire. Ses partisans — Frères musulmans et autres formations islamistes, dont une partie des fondamentalistes salafistes — mettent en avant le caractère démocratique de son élection pour qualifier de «contre-révolution» les appels à sa démission. L'ambassadrice des Etats-Unis, Anne Patterson, est récemment intervenue pour appeler les Egyptiens à s'organiser politiquement plutôt qu'à en appeler à la rue, provoquant l'indignation dans le camp anti-Morsi. «Certains disent que les actions de rue produisent de meilleurs résultats que des élections. Pour être honnête, mon gouvernement et moi-même sommes très sceptiques», a-t-elle dit il y a quelques jours dans une allocution. M. Morsi est accusé par ses adversaires d'avoir aggravé le clivage politique du pays en cherchant à placer ses partisans dans tous les rouages du pays, et d'être incapable de faire face à une grave crise économique qui se traduit par une montée du chômage et de l'inflation, ainsi que des pénuries de carburant ou de longues coupures d'électricité. La récente nomination de gouverneurs islamistes dans plusieurs régions du pays a accentué le sentiment d'une mainmise des Frères musulmans sur l'appareil d'Etat et provoqué des troubles en plusieurs endroits. Le choix pour Louxor d'un gouverneur membre d'un parti héritier d'un groupe radical qui avait revendiqué le massacre de 58 touristes étrangers dans cette région en 1997 a provoqué la consternation des professionnels de ce secteur, et la démission du ministre du Tourisme. Un des leaders de l'opposition, l'ancien chef de la Ligue arabe Amr Moussa, a déclaré récemment que «le régime envoie comme message qu'il ne veut pas répondre aux demandes du peuple et qu'il s'accroche à des politiques qui aggravent les clivages et la colère». Une autre figure de l'opposition, l'ancien chef de l'agence atomique de l'ONU Mohammed El Baradei, a quant à lui pressé les Egyptiens de soutenir la campagne Tamarod afin de dénoncer un «régime en faillite» qui «tue l'esprit de la révolution».