D'habitude loquace, se prêtant volontiers au jeu des questions-réponses avec les journalistes, le Premier ministre Abdelmalek Sellal, a fait en sorte, jeudi, à l'inauguration de l'exposition «Mémoire et réalisations» organisée par le ministère des Moudjahidine dans le cadre des festivités du cinquantenaire de l'indépendance, d'éviter tout contact avec la presse. Lyas Hallas—Alger (Le Soir) — Manifestation parrainée par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, et qui, se murmure-t-il, devait même être inaugurée par lui, mais c'est encore son Premier ministre qui a été contraint à la corvée protocolaire. Et l'exposition «Mémoire et réalisations» qui se déroule jusqu'au 7 juillet prochain au pavillon A du Palais des expositions de la Safex l'était vraiment pour M. Sellal. Le désarroi de son entourage en relation directe avec les médias, qui aurait reçu pour instruction de ne laisser personne l'approcher, était tel qu'on a suggéré aux journalistes présents de «déléguer» les seuls collègues de la télévision publique et de l'agence officielle de presse pour l'accompagner dans sa visite des stands de l'exposition. Arguant l'«exiguïté du lieu», conçu sous forme d'un labyrinthe où sont affichés des photos, textes et maquettes racontant, dans un ordre chronologique, l'histoire de l'Algérie de 1830 à nos jours, ils ont osé le ridicule. «Il n'a rien à dire en tout cas», insinue-t-on. Escorté des ministres technocrates de son gouvernement, du ministre des Moudjahidine, organisateur de l'évènement, de l'ancien ministre de l'Agriculture Saïd Barkat, de quelques responsables d'institutions de l'Etat, comme le DG des Douanes algériennes et celui de la Protection civile, ainsi que des fonctionnaires de la présidence de la République, Sellal était, on ne peut plus, mal dans sa peau, crispé. Même son sens de l'humour et de la répartie lui a fait défaut cette fois-ci. Or, devant l'insistance des journalistes, ce sont les éléments de sa garde rapprochée qui se sont chargés de faire le vide autour de lui. Il a soigneusement évité de s'exprimer sur l'actualité. Pourtant, ce ne sont pas les questions tenant en haleine l'opinion publique et l'interpellant directement qui manquent. A commencer par la promulgation ou non de la loi de finances complémentaire 2013. Une loi devant obligatoirement être examinée par un Conseil des ministres qui ne peut se réunir en l'absence du président de la République. Exit des questions subsidiaires comme la réponse aux déclarations du magnat de l'agroalimentaire Issad Rebrab qui a menacé de brandir son droit de préemption au moment où l'Etat est en pleine négociation avec le russe Vimpelcom pour le rachat de Djezzy. C'est, en effet, le retour ou non de Bouteflika aux commandes du pays qui occupe le débat public en ce moment. Ayant déjà fait part, à maintes reprises, de son agacement quant à cette question récurrente sur la santé du président et son «intérim» à la tête de l'exécutif qui ne peut s'élargir à certaines prérogatives bien codifiées par la Constitution, M. Sellal, qui a craqué à Batna clamant sa sincérité : «Je ne suis pas un menteur !» ou encore à Djenane El Mithak en marge du séminaire sur la communication institutionnelle par un cinglant «tu veux l'épouser !?» à l'adresse de la journaliste qui l'a interpellé sur le sujet, a apparemment peur de commettre d'autres bourdes. Ce silence, par contre, est révélateur du malaise qui ronge les hautes sphères de l'Etat. Poussé dans ses derniers retranchements, le régime est désormais incapable de justifier une si longue absence du chef de l'Etat. L'arrivée d'échéances qui ne peuvent s'accommoder de cette absence ni d'un simple intendant à la tête de l'Exécutif rend les décisions de plus en plus aléatoires. Le rappel de l'ambassadeur d'Algérie à Paris, Missoum Sbih, un fidèle parmi les fidèles de Bouteflika, en est la parfaite illustration. Seul un proche ne contesterait pas une décision qui relève de la seule prérogative du président de la République conformément à l'article 78 de la Constitution...