L'Algérie serait-elle un véritable paradis pour les cybercriminels ? C'est en tous cas ce que s'accordent à penser les spécialistes en droit et en TIC qui appellent à la création d'une agence nationale pour la sécurité informatique. Cette situation est due selon les experts à l'absence d'un encadrement juridique adéquat et d'un dispositif légal plus perfectionné. F.-Zohra B. - Alger (Le Soir) - Les experts réunis lors d'un séminaire international sur la cybercriminalité, organisé par Wold Trade Center Algeria, ont expliqué qu'en Algérie, les systèmes de lutte et de protection, qui en sont à leurs premiers balbutiements sont loin de faire le poids devant l'ingéniosité des cybercriminels et devant l'avancée de la cybercriminalité de par le monde. Cyberterrorisme, cybercriminalité, cyber attaque, et la liste des menaces est encore longue rappellent les intervenants qui mettront en garde contre l'ingéniosité sans limites des cybercriminels. Mme Francesca Bosco, experte internationale en cybercriminalité, rappellera pour sa part que l'extension rapide d'Internet a changé le système de vie du crime organisé et l'a carrément révolutionné. Les attaques des criminels, si elles étaient en général confinées auparavant sur des régions, se sont étendues au monde entier. Maître Hind Benmiloud, avocate agréée à la cour suprême et experte en cybercriminalité notera que l'utilisation de l'internet donne une impression de volatilité et de liberté qui conduit vers des dérives et des cybers menaces. La protection contre ces menaces, selon l'intervenante, ne concerne pas seulement l'Etat mais inclut aussi la sensibilisation des entreprises sur le risque. «Quand nous arriverons à la généralisation des transactions sur Internet, le risque sera encore plus grand concernant le détournement au niveau des comptes bancaires. Ainsi, la création du cyberespace a conduit à la création au cyber droit. De ce fait, nous devons avoir une nouvelle typologie d'infractions et nous sommes obligés de tenir compte des nouvelles menaces», a expliqué l'intervenante. Elle rappellera que c'est en 2005 que la réglementation a été enrichie notamment pour ce qui est des preuves sur des supports numériques pour les besoins des enquêtes. «Cela représente une évolution dans ce domaine et un enjeu majeur pour les sociétés. Ceci d'autant qu'il faut combler les retards avec un encadrement juridique adéquat. En Algérie, nous avons deux textes juridiques mais il devrait y avoir un dispositif légal plus perfectionné, » a encore ajouté l'avocate. Pour les experts, au vu de l'absence de textes solides, les cyberscrimes peuvent être commis depuis l'Algérie vers d'autres pays du monde et ne pas être inquiétés. Maître Hind Benmiloud notera de ce fait que la lutte contre ce genre d'infraction est particulièrement difficile, d'où la nécessité d'une coopération et des échanges d'expériences entre les pays. «L'Algérie doit renforcer de ce fait sa lutte contre la cybercriminalité, les juristes doivent aller au fond des infractions et se pencher sur les problèmes économiques. Aujourd'hui, nous parlons plus d'économie numérique et cela entraîne des risques de cybercriminalité», a déclaré l'intervenante. Elle citera aussi le cyberterrorisme et le recrutement des futurs terroristes ainsi que le financement des activités terroristes. L'agence nationale de sécurité informatique, une urgence S'agissant des attaques contre les entreprises, l'intervenante soulignera le fait qu'il n'existe pas actuellement de statistiques sur les attaques contre les entreprises et sur les cas de fraude, notant qu'en France, un tiers des entreprises sont victimes de fraude. Selon la spécialiste, ce sont près de 50% des entreprises qui sont victimes de fraude mais qui n'ont pas le reflexe de porter plainte. Evoquant les attaques au niveau des entreprises par leurs propres employés, les présents expliqueront que les entreprises ne font pas signer de contrat de confidentialité. Maître Hind Benmiloud conclura son intervention en appelant à la création de structures qui existent dans les textes mais qui ne sont pas appliquées. «On doit penser à la création d'une agence nationale de sécurité informatique.» Pour sa part, le premier viceprésident de l'Association algérienne des fournisseurs d'accès à Internet précisera que beaucoup d'entreprises sont hackées sans que leurs responsables ne soient au courant ou ne les déclarent. «On doit casser les tabous et sensibiliser les décideurs sur le problème de la cybercriminalité. L'idéal est donc un système de veille et de réflexion technologique pour parvenir à rattraper le retard. Aussi, nous n'avons pas de certification électronique, cette garantie de l'Etat permettra aux intervenants sur Internet de travailler en sécurité. Sans cet outil, les juges ne peuvent travailler pour notamment authentifier et protéger les contenus,» a expliqué l'expert, attirant aussi l'attention sur la fuite des cerveaux, ces jeunes qui partent exercer leur art à l'étranger. Il s'agit selon lui, d'un génie sur 10 000 étudiants qui part à l'étranger.