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JUSTIN SIBERELL, COORDINATEUR-ADJOINT AU BUREAU DE LUTTE CONTRE LE TERRORISME AU DEPARTEMENT D'ETAT : «L'intervention française au Mali a peut-être réglé un problème mais elle en a créé au sud de la Libye»
Le coordinateur-adjoint au Bureau de lutte contre le terrorisme au Département d'Etat américain a participé à la deuxième réunion de travail du Forum global de la lutte contre le terrorisme. Justin Siberell estime que l'intervention française au Mali a compliqué la situation sécuritaire au Sahel en provoquant le déplacement des groupes terroristes vers le sud de la Libye. Le Soir d'Algérie : Vous avez participé à la deuxième réunion de travail du Forum global de la lutte contre le terrorisme qui s'est tenue à Oran. Comment, selon vous, pourrait- il y avoir un consensus en matière de lutte contre le terrorisme lorsque les intérêts des Etats sont souvent contradictoires ? Justin Siberell : Notre stratégie à long terme vise à réunir les Etats autour d'une stratégie de lutte contre le terrorisme. Mais la lutte contre cette menace doit débuter à l'intérieur des frontières de chaque Etat. C'est pour cette raison que le groupe de travail sur le renforcement des capacités de lutte antiterroriste au Sahel est très important. Il a pour objectif d'aider les pays les plus pauvres à mener ce combat. Donc je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il n'y a pas de consensus dans le groupe de travail. Toutes les parties sont d'accord pour l'application des cinq points-clés du Forum global et qui sont le développement d'une coopération bilatérale et internationale à travers notamment le contrôle des frontières, l'entraide judiciaire pour faciliter les investigations, le maintien de l'ordre, les transferts illégaux de capitaux et, enfin, lutter contre la radicalisation et l'extrémisme dans les sociétés. Ce qu'il faut savoir, c'est que toutes ces actions se déroulent dans un cadre civil et non pas militaire. Le forum base son travail sur des actes civils. A titre d'exemple, au cours de la conférence, nous avons pris le cas du Mali. Des suspects ont été arrêtés par l'armée malienne, les militaires ont souhaité mener une enquête et récolter des preuves afin de les ester en justice. Il y a donc eu une demande concrète de l'armée malienne pour former ses éléments aux procédures de collecte de preuves pour engager des démarches judiciaires. Les responsables sécuritaires libyens qui ont participé à la rencontre d'Oran ont avoué qu'ils ne contrôlaient pas une grande partie du territoire du Sud. Il est évident que cette situation soit le résultat de la crise qu'a traversée ce pays mais aussi de l'intervention militaire française au Nord-Mali. Que préconisent les Etats-Unis pour éviter que cette région ne devienne une base centrale des groupes terroristes au Sahel ? C'est une préoccupation de la communauté internationale. C'est un projet de longue haleine. Il faut aider le gouvernement libyen à mettre en place des forces de sécurité qui puissent être reconnues sur tout le territoire. Mais le peuple libyen a un rôle à jouer pour faire en sorte que les milices soient incorporées au sein de ces forces. La réunion que nous avons eue à Oran vise justement à aider chaque pays du Sahel à faire face à la menace terroriste. L'intervention française au nord du Mali a peut-être réglé un problème dans ce pays mais elle en a créé au sud de la Libye. Voilà pourquoi il est important de renforcer les capacités de chaque pays et de faire en sorte que les Etats de la région travaillent en étroite collaboration. Il y a aujourd'hui un semblant de consensus autour de la pénalisation du versement de rançon. Mais la principale ressource financière des groupes terroristes au Sahel provient de la drogue produite au Maroc. Faut-il prendre des mesures urgentes pour lutter contre ce phénomène ? Je souhaite avant parler du paiement de rançon. Il faut savoir que ces dernières années, plus de 120 millions de dollars de rançons ont été versés aux groupes terroristes. La moitié est allée à Al Qaïda au Maghreb islamique, une autre partie à Al Qaïda et une autre à Al Qaïda au Yémen. Le groupe central au Pakistan a ses groupes affiliés dans différentes régions du monde qui essaient d'avoir leurs propres budgets. Ils obtiennent cet argent à travers le kidnapping. On a pu démontrer qu'il y a un lien entre les narcotrafiquants et les groupes terroristes dans la région du Sahel. C'est une préoccupation qui a été exprimée par la délégation algérienne lors de la rencontre d'Oran. La délégation algérienne a expliqué que la drogue provenait du Maroc mais aussi d'Amérique latine. La cocaïne transite par l'Afrique de l'Ouest puis est acheminée vers l'Europe. Donc c'est un problème qui doit être traité par ces pays. Un haut responsable américain chargé de la lutte contre le crime et le narcotrafic était récemment à Alger pour mettre en place une coopération entre les deux pays. Le Président Bachar El Assad a récemment mis en garde la communauté internationale à propos du danger que représenterait à l'avenir le nombre important de djihadistes engagés aux côtés des rebelles. Estce que cette menace est prise au sérieux par les Etats-Unis ? L'extrémisme en Syrie est de la responsabilité du régime de Bachar El Assad. Il doit faire face à la situation actuelle. A la base, il était confronté à un mouvement de protestation pacifique, mais il a été réprimé d'une manière très violente. Cela a mené la Syrie dans la situation que nous connaissons actuellement. Et c'est ce qui fait que plusieurs groupes terroristes se sont mêlés à cela, entre autres le Hezbollah. C'est une préoccupation pour les Etats-Unis.