L'Egypte attend des manifestations aujourd'hui pour réclamer le départ du président islamiste Mohamed Morsi dans un climat de crise, amenant le président américain Barack Obama à exprimer son «inquiétude» face au risque de nouvelles violences et d'aggravation du clivage politique. Huit personnes au total dont un Américain ont, selon un dernier bilan, péri entre mercredi et vendredi dans les troubles ayant agité le pays à l'approche de ces rassemblements qui coïncident avec le 1er anniversaire de l'investiture de M. Morsi et qui sont prévus en fin d'après-midi. L'armée a indiqué qu'elle s'était déployée dans les provinces pour renforcer la protection des installations vitales, en cas de graves dérapages. Sur la place Tahrir, au centre du Caire, où les opposants prônent une «deuxième révolution» contre un président accusé de vouloir monopoliser le pouvoir au profit des islamistes, des dizaines de tentes ont été dressées et plusieurs centaines de personnes étaient encore rassemblées hier samedi. Plusieurs milliers d'islamistes étaient quant à eux toujours présents devant la mosquée Rabaâ al-Adawiya, à Nasr City, un faubourg de la capitale, où ils s'étaient déjà rassemblés en masse la veille pour soutenir la «légitimité» du président démocratiquement élu. Un mouvement anti-Morsi, Tamarrod (rébellion ), à l'origine des appels à manifester aujourd'hui, a revendiqué quelque 22 millions de signatures pour une pétition appelant à une présidentielle anticipée. Les responsables de Tamarrod soulignent que cela représente plus que le nombre des électeurs de M. Morsi l'an dernier (13,23 millions), mais le camp présidentiel met en avant que cette pétition n'a pas de valeur constitutionnelle et ne peut remplacer une élection. M. Morsi, un ancien cadre des Frères musulmans, qui affronte la crise la plus profonde depuis son arrivée au pouvoir, a affirmé récemment vouloir rester jusqu'à l'échéance de son mandat, en juin 2016. Il devait tenir hier samedi une réunion spéciale avec ses ministres de la Défense, le général Abdel Fattah al-Sissi, et de l'Intérieur Mohammed Ibrahim. L'armée avait assuré la direction du pays entre la chute de Hosni Moubarak en février 2011 et l'élection de M. Morsi l'année suivante. Plus discrète qu'autrefois, elle a toutefois fait savoir qu'elle restait vigilante face à toute évolution de la situation qui pourrait déstabiliser la pays. Au lendemain de la mort d'un Américain dans les heurts entre pro et anti-Morsi à Alexandrie, le président Barack Obama a depuis Pretoria exprimé son «inquiétude» face à la crise en Egypte et appelé son homologue égyptien à engager un dialogue «plus constructif» avec l'opposition. Le département d'Etat a de son côté annoncé le départ d'une partie de son personnel diplomatique et conseillé aux Américains de différer tout voyage non indispensable en Egypte. Plusieurs ambassades ont affirmé que leurs bâtiments seraient fermés au public aujourd'hui, jour de la mobilisation anti-Morsi, et diffusé des consignes de prudence à leurs ressortissants. Certaines compagnies étrangères ont appelé leurs salariés expatriés ou leurs familles à partir ou à résider par précaution dans des hôtels du Caire proches de l'aéroport. La crainte d'une aggravation de la crise provoque, en outre, depuis plusieurs jours une ruée, des automobilistes sur les stations-service et pousse de nombreux Egyptiens à faire des provisions. Lors des violences cette semaine, principalement à Alexandrie et dans le delta du Nil, huit personnes ont péri, dont une a succombé hier à ses blessures. L'Américain tué alors qu'il prenait des photos à Alexandrie, Andrew Pochter, 21 ans, travaillait pour une organisation non gouvernementale. Des locaux du Parti de la liberté et de la justice, vitrine politique des Frères musulmans, ont également été attaqués par des manifestants hostiles dans plusieurs localités du delta. Mercredi, M. Morsi a estimé que la polarisation extrême du pays pourrait conduire au «chaos» et appelé l'opposition au dialogue. Mais celle-ci a jugé que l'offre était de pure façade et renouvelé son appel au départ du président. La première année au pouvoir de M. Morsi a été marquée par plusieurs crises politiques sévères, en particulier fin 2012 lors de la rédaction et l'adoption par référendum d'une nouvelle constitution soutenue par les islamistes.