Acculturation – inféodation accélérée au modèle hégémoniste. Prégnance du modèle, du diktat néolibéral. Le libéralisme dogmatisé, quasi-idolâtré car garant de l'«efficacité», d'une «bonne et efficiente gouvernance»... C'est ce que conteste, dénonce avec raison Omar Aktouf, penseur et professeur titulaire à HEC Montréal, dans un essai de 156 pages, intitulé HALTE AU GâCHIS. En finir avec l'économie-management à l'américaine, paru en 2008 aux éditions canadiennes Liber et réédité en juin 2013 en Algérie par Arak Editions. Un essai, un ouvrage clé où l'universitaire d'origine algérienne s'interroge sur la volonté, la capacité de l'élite politique, économique et académique à se libérer de l'emprise de la pensée néolibérale. «Je reste perplexe devant l'apparente incapacité de nos milieux politiques de voir ce qui désormais crève les yeux : le milieu des affaires et le marché, tout ce qui est dit "libre entreprise" et "secteur privé", s'ils ne sont pas guidés, surveillés, contrôlés, bridés par un bon et solide projet de société et un Etat fort au service de celui-ci, se transforment tôt ou tard en système de spéculation, de trafic, d'accaparement des richesses et de mal-vie pour les citoyens», écrit Omar Aktouf dans son introduction. Voire, «pourtant on continue comme si le système de marché autorégulé restait le "meilleur malgré tout", s'exclamant souvent, à bout d'arguments : "quelle est la solution de rechange à ce marché débridé ?", faisant comme si les remarquables (à plusieurs titres) modèles de l'Europe du Nord, où le "marché" n'est nullement laissé à lui-même, n'existaient pas», poursuit le penseur. Pourfendant l'«acharnement idéologique, à (être) à genoux devant un dieu marché qui, en fait, ne sert qu'à camoufler les traficotages des puissants, à justifier l'injustifiable, depuis les licenciements hyper abusifs jusqu'aux fortunes indécentes, voire criminelles, des patrons et des "élites", en passant par le massacre en règle de la nature et de l'environnement (particulièrement en pays du tiers-monde, devenus, pour bien d'entre eux, notre poubelle pour les déchets toxiques dont nous ne savons que faire)», Omar Aktouf estime que «... nous, gens d'enseignement et de réflexion, d'intelligence et de critique, nous ne pouvons plus faire comme si tout cela ne nous concernait pas. Car nous enseignons, en très grande partie, dans nos programmes, ce qui a permis que ces choses puissent avoir lieu, et souvent sous le nom de "science" ! Garder le silence et ne pas rendre public ce que nous comptons faire pour regarder la situation en face et en tirer les leçons relèverait plus que de l'irresponsabilité». Il s'agit, comme le penseur l'explicitera, dans les cinq chapitres de l'essai, d'«enseigner d'urgence dans nos écoles de gestion et d'économie (puisqu'aujourd'hui, le pouvoir n'est plus ni politique, ni social ni intellectuel... mais purement financier), c'est des théories de l'économique et de la gestion fondées sur une tout autre conception de notre monde. Revoir de fond en comble notre paradigme économico-managérial afin de générer des conceptions et pratiques gestionnaires pour le moins radicalement éloignées des conceptions harvardiano-américaines dominantes qui nous ont conduit directement aux catastrophes multiformes que connaît notre pauvre monde aujourd'hui». Elégie sans être une pâle imitation de l'œuvre et de la pensée de Joseph Stiglitz, Noam Chomsky et autres penseurs, fine critique du management à l'américaine, manifeste résolument aristotélicien, HALTE AU GACHIS complète l'analyse sociétale développée par Omar Aktouf dans son ouvrage : La stratégie de l'autruche, paru en 2002 aux éditions Ecosociété. En rééditant HALTE AU GACHIS, l'éditeur algérien Arak inaugure la collection Savoirs, avec pour «ambition de donner la parole à nos experts d'ici et d'ailleurs, d'aider à répondre aux défis des économies appelées à dépasser leurs multiples cloisonnements et pour permettre à notre région de se constituer, enfin, et dans la durée, en un ensemble viable», souligne l'éditeur.