De notre envoyé spécial en Espagne, Aziouz Mokhtari Murcie la paisible est traumatisée et ne veut plus voir le 11 fois violeur de gamins marocains à l'intérieur de ses murs. Même en prison, les Murciens exigent que le criminel gracié par Mohamed VI quitte, une main derrière, une main devant, menotté, le visage bandé la ville. Les citoyens en colère disent leur colère, leur dépit, leur rage. Récit. Murcia, en français Murcie, paisible cité rurale, frappée de plein fouet par la crise, n'arrive même plus à maintenir la main-d'œuvre étrangère, en majorité marocaine, sur place. Depuis 3 ans, en effet, beaucoup d'Espagnols déclassés dans le monde citadin reviennent à la campagne, à la ruralité. Les vendanges, l'huile d'olive, l'olive, travailler le pommier ou l'oranger sont assurés par les enfants du pays, des Espagnols, des Murciens pur jus. Reste que Murcie, la rurale, abrite une forte colonie marocaine. Jawad, ouvrier agricole par intermittence, le reste de son temps est partagé entre Murcie et le Maroc à travers de petits boulots et de menus services rendus à ceux d'ici et à ceux de là-bas. Jawad est outré, le mot est peu fort, par la grâce royale dont a bénéficié le 11 fois pédophile espagnol. Il ne comprend pas que l'on puisse libérer «un criminel» ensuite réprimer les «manifestations» de soutien pour, enfin, annuler sous la pression le «décret royal». Quelque chose ne tourne pas rond dans le royaume, il est vrai, c'est aussi le point de vue d'autres Marocains, rencontrés un peu partout à Murcia, à Alicante ou à Beni-Dorm. Suite de la page 1 Plusieurs parmi eux militant dans le mouvement associatif espagnol ont la double nationalité, marocaine et espagnole. Ce qui les prémunit des affres royales marocaines de la répression. C'est parmi eux que se compte la plus grande mobilisation contre la libération du pédophile par Mohamed VI et contre les mensonges éhontés du Makhzen. Leïla, animatrice d'une association de femmes travaillant dans les oliveraies de la montagne murcienne, ne décolère pas : «Pourquoi, tout d'abord, le roi d'Espagne at- il demandé la libération du criminel et pourquoi le monarque marocain l'a-t-il, toute honte bue et sans même chercher à comprendre, accordée ?» Elle conclut, plus révoltée que désabusée, «sommes-nous des moins que rien ? Les 11 gamins marocains violés comptent-ils pour du beurre ? Mohamed VI est-il le roi du Maroc ou celui des pédophiles...? Il a gracié, m'entendezvous, un homme qui a commis non pas un viol, ni deux, ni trois, ni quatre, ni cinq, ni six mais onze. Dix plus un, est-ce normal ? Est-ce acceptable ?» Abderrahim, sans papiers mais gagnant bien sa vie parce que c'est un brillant bricoleur, un bon touche-à-tout, n'est pas si surpris que cela du décret du roi. «Le Makhzen a toujours protégé les touristes sexuels et ça, tout le monde le sait.» Il ajoute, perspicace, : «Par ce pardon, eux (les décideurs, ndlr) ont voulu signifier aux touristes sexuels qu'il n'y avait rien à craindre de la loi, de la réglementation et que tout peut continuer comme avant.» Le ton monte vite entre les Marocains, les «double» (Marocains et Espagnols) et Espagnols. L'une des représentantes du mouvement anti-décret du pardon pour le pédophile incriminé, pour ce qui la concerne, Juan Carlos, le roi d'Espagne, son roi «pourquoi a-t-il quémandé la libération du pédophile ? De quel droit le fait-il ? Est-ce normal ? La presse espagnole a fouiné, a enquêté sur l'affaire. Conclusion : le violeur espagnol des onze gamins marocains est un Irakien d'origine, qui a obtenu la nationalité espagnole pour services rendus lors de la deuxième guerre d'Irak et de la chute de Seddam Hussein. Ce serait un informateur (un zefaf comme on dit en Algérie) de premier choix. Il renseignait les Espagnols en premier et laissait quelques autres bribes, du petit renseignement, au Makhzen. Il aurait obtenu plusieurs faveurs royales au Maroc et jouirait, selon la presse espagnole, de solides protections. En prison, il était traité avec les honneurs dus à son statut d'ami de ceux d'en haut ; d'un mot, l'intime des intimes du roi. Mine aqrab el moqarrabine (l'un des proches parmi les proches). Pour autant, selon El Paiset El Mundo, les deux principaux titres de la presse espagnole, l'un de centre gauche, l'autre de centre droit, celui du parti de M. Rajoy au pouvoir, Juan Carlos aurait demandé non pas la grâce royale pour le violeur mais son extradition, simplement. En toute vraisemblance, L'Espagne voulait effacer toute trace de collaboration de cet agent encombrant. Madrid a, sans doute, cherché à le «loger» en péninsule ibérique plutôt qu'ailleurs, le violeur étant aussi, pour corser le tout, un bavard intarissable et un fameux descendeur de bouteilles de whisky. Dans sa prison dorée au Maroc, ce précieux liquide et d'autres victuailles ne manquaient jamais dans la cellule 5-étoiles du criminel. Craint, le 11 fois violeur était aussi sollicité pour les précieux services qu'il pouvait rendre à l'intérieur ou à l'extérieur de la prison. Les épaules larges, il était disponible et se rendait incontournable. Il se savait en plus protégé en haut et attendait tranquillement son bon de sortie. La rapidité avec laquelle le décret de Mohamed VI a été appliquée laisse pantois. Dès publication du Dhahir de la honte, le violeur était non seulement libre mais en Espagne l'après-midi. Les modalités de sortie et les formalités d'usage étaient préparées à l'avance. Ce qui ajoute au désappointement des militants des droits de l'enfant, des familles des victimes et des opinions publiques, tant marocaine qu'espagnole. A Murcia toujours. La nouvelle de l'arrestation du criminel et son transfert vers Madrid se répand comme une traînée de poudre. A Alicante, toute proche, fière de sa belle partie méditerranéenne, les discussions vont bon train autour de l'affaire. Le 11 fois violeur de gamins du Maroc n'a pas encore livré tous les secrets de ses accointances avec le Makhzen. Murcia la rurale, paisible est soulagée que le criminel quitte les lieux et rejoigne, menottes aux poings, Madrid. Ceux de Murcia suivront l'évolution de la situation mais ne lâcheront pas la pression. «Ecrivez-le, écrivez-le, monsieur le journaliste, dites que ce violeur passera 30 ans en prison». Justice donc à Madrid.