La justice algérienne qui lance un mandat d'arrêt international contre un ex-ministre de premier plan, pour corruption qui, en plus est au plan symbolique déjà, une image emblématique de ce qu'est le règne de Abdelaziz Bouteflika. Au crépuscule d'un troisième et sans doute dernier mandat, Bouteflika se voit brutalement rattrapé par les «réalisations» de ses proches dont les scandales sont désormais de dimension mondiale ! Kamel Amarni - Alger (Le Soir) L'homme qui voulait donner de lui l'image d'un président en guerre contre «la maffia», les «barons» , les «quinze chats qui contrôlent l'économie du pays» en allusions incessantes et assassines contre les militaires, avait réellement charmé les Algériens en cet été 1999. «Cette wilaya était un vrai empire» ! disait-il lors d'un célèbre meeting à Tipasa, une wilaya créée spécialement pour le gendre de Chadli Bendjedid. Idem pour Alger . «C'est quoi cette histoire de gouvernorat du Grand-Alger ? On a créé un empire, un Etat dans un Etat (...)». Ce jour là, aussi, Bouteflika malmenait publiquement un Chérif Rahmani, alors ministre gouverneur du Grand-Alger qu'il accusait carrément ! Il ne se suffira pas de discours. Le premier mouvement des walis qu'il effectuera se voulait aussi un message fort : plus de la moitié d'entre eux seront définitivement radiés du corps des walis et certains seront même traduits en justice. L'ancien wali d'Oran, Bachir Frik, sera même livré en pâture à une opinion publique avide de ce genre de décision : Bouteflika en personne l'appelle pour lui annoncer en des termes crus, son limogeage avant d'être jeté en prison, le tout ayant fait l'objet d'une surmédiatisation bien orchestrée par la présidence. S'en suivront d'autres allusions, d'autres mises en scène, d'autres déclarations qui, toutes, participaient d'une stratégie de propagande qui avait bien pris dans l'opinion d'ailleurs. Une propagande qui consiste à suggérer que, sous Bouteflika, dès lors qu'il y a un cas de «corruption», de malversations etc, il faut plutôt regarder du côté des «généraux». Quand il s'agit de célébrer une réussite, une réalisation ou même une providentielle embellie sur les marchés pétroliers ou une bonne pluviométrie, c'est Bouteflika ! Quand ça ne marche pas, c'est toujours à cause de ces empêcheurs de tourner en rond de «généraux». Toujours ces «quinze chats» que Bouteflika en personne épingle à chaque occasion au point d'ériger la chose en mode de gouvernance. Or, le temps fera son action et elle est imparable. Non seulement «les quinze chats» ne sont quasiment tous plus dans la responsabilité et même plus de ce monde pour beaucoup, mais les faits sont têtus. Les scandales de corruption qui défilent ces dernières années, entre autres «Sonatrach I et II», «l'autoroute Est-Ouest», «l'affaire Khalifa», «l'affaire Bouricha (du nom de l'ancien wali de Blida)», «l'affaire Sonelgaz», «l'affaire GCA (La Générale des concessions agricoles)», «l'affaire BRC» etc., sont toutes l'œuvre de responsables civils. Et comme par hasard, tous des proches de Abdelaziz Bouteflika. Ils sont ministres comme Chakib Khelil, wali comme Bouricha, président de comité de soutien comme Amar Saïdani, homme d'affaires comme Abdelmoumène Khalifa et une multitude de hauts fonctionnaires qui ont ceci en commun : être des proches de Bouteflika, ou de l'un de ses proches ! Autre caractéristique de la corruption sous Bouteflika, c'est l'unité de mesure : avant 1999, cela se chiffrait en millions ou en milliards de centimes. Après 1999, on est passé au dollar et à l'euro en million et en milliard...