Le marché des droits de transmissions audiovisuelles est régi par des règles, notamment éthiques, qui exigent du détenteur desdits droits de faire une proposition aux partenaires concernés dans un délai respectable. Chose que, non seulement la chaîne qatarie Al Jazeera n'a pas fait auprès de l'ENTV, mais, plus grave encore, elle a usé d'une sorte de chantage politique, loin de toute logique sportive. Mehdi Mehenni - Alger (Le Soir) Selon une source autorisée, l'ENTV a formulé à Al-Jazeera une demande d'achat des droits de retransmission terrestre du match de football opposant la sélection nationale algérienne à celle du Burkina Faso plus d'une semaine avant la tenue de la rencontre à un prix de l'ordre de 550 000 dollars. «La chaîne qatarie a refusé la proposition à trois reprises. Mais ce n'est qu'au dernier jour, soit à quelques heures seulement du début du match, qu'Al-Jazeera a affiché son prix : 1,5 million de dollars et l'ouverture d'un bureau de la chaîne qatarie à Alger», explique notre source. Si le prix des droits de retransmission – pourtant terrestre — a été jugé exagéré par l'ENTV, il est clair que l'autre aspect de l'offre, à savoir l'ouverture d'un bureau à Alger, revêt un caractère purement politique. «Nous avons tout de suite compris qu'Al-Jazeera a laissé le dernier moment pour formuler sa proposition pour nous mettre devant le fait accompli. Si pour les 1,5 million de dollars nous avons considéré que c'est du vol, voire du racket, pour l'ouverture d'un bureau il n'y avait plus de doute que la chaîne qatarie voulait exercer sur l'Algérie un chantage politique», ajoute notre source qui explique en même temps que l'ENTV a toujours eu des rapports commerciaux emprunts d'éthique, équilibrés avec ses partenaires. Principes, affirme-t-on à l'ENTV, qu'«Al-Jazeera a piétinés». De la nécessité de lancer le débat sur les droits TV en Afrique S'il y a un continent où les règles définissant les droits de transmissions audiovisuelles restent indéfinies c'est bien l'Afrique. Le détenteur desdits droits se permet le plus souvent toute sorte de pressions et d'exagération, que ce soit sur le prix ou autre. En Europe, des critères ont été mis en place, après que l'Angleterre et la Belgique eurent agi de la sorte pour permettre à leurs citoyens de suivre des rencontres de leurs sélections nationales respectives sur des chaînes en clair. Pour rappel, la FIFA et l'UEFA avaient porté plainte auprès de la cour européenne de justice mais avaient été déboutées. Les critères arrêtés après cet incident portent sur quatre volets. Le premier, c'est lorsque l'évènement fédère un public plus large que celui qui est traditionnellement concerné. Le second participe de l'identité nationale. Le troisième c'est lorsque l'évènement implique l'équipe nationale dans une compétition de grande envergure. Le quatrième et dernier volet c'est lorsque l'évènement fait traditionnellement une large audience télévisée. Lorsque deux de ces quatre critères sont réunis, le pays concerné peut retransmettre le match de sa sélection nationale sur des chaînes télévisées à accès libre. Dans le cas de l'Algérie, insiste notre source, les quatre critères sont réunis. C'est justement dans ce sens que l'Union africaine de radiodiffusion (UAR), présidée par le directeur général de l'ENTV, Toufik Kheladi, opère dans ce sens depuis quelque temps. «Un groupe de travail, chargé d'élaborer des propositions à soumettre aux chefs d'Etat lors du prochain sommet africain, a été installé par l'UAR. Quand bien même le marché des droits de transmissions audiovisuelles en Afrique est régi par des règles, celles-ci restent de loin insuffisantes vu que les détenteurs de ces droits font fi de la déontologie», ajoute notre source, tout en rappelant que la chaîne qatarie Al-Jazeera a eu déjà à pirater la dernière coupe d'Algérie, qui a opposé le MC Alger et l'USM Alger. Enfin, il est à signaler que le DG de l'ENTV, Toufik Kheladi, qui est intervenu hier à midi sur les ondes de la radio nationale, a expliqué qu'habituellement c'est la société Sport Five qui détient les droits de retransmission. «Mais, contre toute attente, cette dernière a décidé de les céder à Al-Jazeera, sans respecter le droit de retransmission terrestre, qui aurait permis au public algérien de suivre la rencontre sans que soit soulevé un quelconque problème», a-t-il réagi.