Par Kader Bakou Les Etats-Unis devaient accorder mercredi leur plus haute récompense civile à des Amérindiens dont le dialecte ancestral avait servi de code de communication indéchiffrable contre les Allemands et les Japonais durant la Seconde Guerre mondiale. 250 Indiens de 33 tribus devaient être récompensés, la plupart à titre posthume. L'idée d'utiliser ces dialectes oraux a germé en 1918, durant la Première Guerre mondiale, dans la tête d'un officier américain sur le front français. Frustré de voir les communications américaines interceptées par les Allemands, il a pensé utiliser quatre de ses soldats comanches dans une mission «très spéciale», pourrait-on dire. «Il demande à ces quatre Comanches d'utiliser leur langage pour envoyer des messages militaires» sur les mouvements de troupes allemandes, explique Lanny Asepermy, historien de l'association des vétérans comanches. L'armée américaine reproduira cette méthode à grande échelle pendant la Seconde Guerre mondiale. Des centaines d'Indiens sont formés et chargés de transmettre des messages dans leurs langues. En envoyant par radio des messages dans leurs dialectes, ces soldats ont déjoué les interceptions de l'ennemi sur les fronts européen et Pacifique. La France a déjà rendu hommage en 1989 à ces soldats indiens qui contribuèrent à l'effort de guerre américain. Pierre Messmer, ancien Premier ministre de Charles de Gaulle, fait alors Chevaliers de l'Ordre national du mérite les «code talkers» des tribus Choctaws et Comanches, lors d'une cérémonie dans l'Oklahoma. Quelque 400 soldats de la tribu des Navajos ont reçu en 2 000 la Médaille d'or du Congrès des Etats-Unis, mais ceux des autres tribus ont dû attendre 2008 pour que le Congrès vote l'attribution de la même récompense et dont la cérémonie était prévue mercredi. «Le gouvernement américain a mis longtemps à reconnaître quoi que ce soit d'importance pour les Indiens d'Amérique, et cela reste un sujet de frustration pour la communauté encore aujourd'hui», dit Herman Viola, auteur du livre Warriors in Uniform, sur la participation des Amérindiens aux conflits américains. Il était vraiment temps, car au XIXe siècle, le gouvernement américain avait essayé d'éradiquer la culture indienne. Lors de la Première Guerre mondiale, les Indiens ne sont pour la plupart pas citoyens américains. Ce droit ne leur sera accordé qu'en échange de leur engagement dans l'armée. C'est un peu comme les Algériens sous la colonisation française, ces «indigènes dont parle Rachid Bouchareb dans un de ses films. K.B.