Un public très nombreux attendait le Fumeur de thé samedi après-midi dans la grande salle du Théâtre régional pour la présentation de son premier roman Rue Sombre au 144 bis, paru récemment aux éditions Koukou, à l'occasion d'une rencontre-débat initiée par le café littéraire de Béjaïa. Une bien belle rencontre pour un premier contact avec le café littéraire de Béjaïa qui célèbre à l'occasion avec la présence du chroniqueur impertinent du Soir d'Algérie sa cinquième année d'existence. Dans une ambiance riche, franche et conviviale, Hakim Laâlam s'y montra très disponible malgré la fatigue occasionnée par les péripéties de son déplacement — plus de 7 heures pour faire Alger-Béjaïa — et répondit sur son travail et son roman avec beaucoup de simplicité et de sincérité. En prenant la parole, Hakim Laâlam rentre rapidement dans le vif du sujet non sans avoir pris le soin de s'excuser de son retard auprès de son auditoire. Dans une très brève intervention , tout en faisant part de tout son émerveillement et son plaisir de se retrouver dans un aussi agréable espace de discussions, de débats contradictoires et d'expression libre, «de survie citoyenne qu'il faut absolument défendre et préserver», l'auteur de «Pousse avec eux», sans trop s'étaler dans la présentation de son œuvre, ouvre promptement le débat en se prêtant au feu nourri de questions d'une assistance mélangée et de divers horizons présente dans la salle. Durant les deux heures de la rencontre agrémentée par les caricatures du jeune prodige Ghilas Aïnouche, Hakim Laâlam de son vrai nom Réda Belhadjoudja, s'est prêté volontiers dans un climat d'échange franc et amical, à toutes les questions de ses admirateurs. Beaucoup de questionnements : sa nouvelle casquette d'écrivain, l'opinion du chroniqueur sur les sujets d'actualité, les sources qui inspirent ses chroniques, son engagement, ses choix et ses positions politiques par rapport à certains événements ayant marqué le pays durant ces dernières décennies, ont suscité la curiosité des fans qui veulent tout savoir sur leur idole. A une question sur cette nouvelle casquette d'écrivain d'un admirateur qui s'interroge aussi si ce premier essai n'est pas une succession de chroniques constituant un parcours et une histoire, le Fumeur de thé, tout en se refusant de se présenter comme «écrivain» a indiqué que «ce n'est là qu'une première tentative grâce à Arezki Aït Larbi qui m'a permis de balbutier cette ébauche de littérature. La seule casquette que je porte par la force des choses, par la pratique, c'est celle de plumitif. Il faut que cette forme de roman puisse trouver un écho». Et d'ajouter «la succession des chroniques, j'en ai fait un recueil. Là c'est vraiment une histoire, bien évidemment, puisée d'un vécu, mais qui n'a rien à voir avec la chronique ni dans le contenu ni dans le tempo d'écriture. Nous ne sommes plus dans le style saccadé des trente lignes. Il y a eu une tentative plus longue, plus haletante et il faut du souffle», explique-t-il. L'illustration de la couverture et le choix du titre du roman susciteront aussi à l'occasion plusieurs commentaires. Parlant de cette lumière en haut de l'escalier qu'un admirateur veut savoir si elle ne renvoie pas à une lueur d'espoir de l'auteur en l'avenir du pays, Hakim Laâlam réplique qu'effectivement, l'agencement de la couverture laisse deviner cette lumière au bout de cet escalier. « Ce n'est pas un escalier fermé. Mais il est fermé pour ceux qui ne peuvent plus le monter. Une sorte de cohabitation entre le clair obscur mais qui, dans ce roman pour moi, est un cheminement vers cette lumière qui peut être cette lueur d'espoir», explique-t-il. A une autre question d'un autre intervenant qui l'accuse d'un suspicieux lien avec des sphères du pouvoir, Hakim Laâlam, très à l'aise et constant dans ses convictions, rappelle pour le besoin cet harcèlement judiciaire dont il avait fait l'objet durant de longues années . C'est un choix politique. Vivant jusqu'à la fin de mes jours, je ne composerai jamais avec l'intégrisme, éradicateur hier, aujourd'hui et pour toujours. Les militaires ont arrêté un processus électoral. Pour moi, ce n'est pas un choix politique mais un choix existentiel, demain si les intégristes dans leur expression la plus hideuse risquaient de faire basculer mon pays, j'applaudirai des deux mains un nouvel arrêt du processus électoral», martèle le Fumeur de thé. Sur la qualité de la presse que certains admirateurs jugent «médiocre et pas libre», Hakim Laâlam rétorque «Pour le travail de journaliste, y a pas de libre ou de moins libre. J'ai la chance de travailler dans un quotidien appartenant à un groupe de cinq journalistes tous actionnaires et non des affairistes. Cette presse me permet de travailler aujourd'hui à mon aise avec, ceci étant, le prix à payer. Je ne tomberai pas dans les travers du genre "ce que le régime m'a fait". Tout le monde sait ce qu'a vécu cette presse. Ce qu'endurent les enseignants, les médecins et dans tous les secteurs publics. Je compte 3 ans de prison ferme et j'ai bénéficié au même titre que les terroristes en 2006 de la loi d'amnistie. Avec mes compagnons d'infortune, mes confrères et mes consœurs, nous avons bénéficié de la seule et même loi que les tangos. Il ne faut pas croire que la presse est un cadeau du pouvoir. Comme pour tous les printemps noirs, il ne faut pas oublier que des gens sont morts sur les barricades. La presse est le fruit d'un long processus douloureux», conclut le Fumeur de thé. A une autre interrogation d'un intervenant sur ses sources d'inspiration ou encore s'il compte arrêter ses chroniques, le Fumeur de thé répond avec une note d'ironie en paraphrasant le célèbre humoriste français Coluche «j'arrêterai d'écrire quand le pouvoir cessera de faire des bêtises». Et de poursuivre, «le seul ennui me vient d'en haut. Y a pas d'uniformité. Y a une telle pluralité des problèmes qui nous entourent que j'essaie de capter par ma modeste mesure. Y a une dynamique à laquelle je dois répondre». Après plus de deux heures de débats, le Fumeur de thé s'est encore livré à l'exercice d'une autre éreintante mais passionnante séance de dédicaces de son premier roman. Avant même de s'installer devant cette petite table dans le hall du TRB, une très longue chaîne humaine s'est formée pour s'arracher la dédicace et approcher le Fumeur de thé. Une autre rencontre-dédicace qui aura duré presque deux heures avant que Hakim ne prenne congé de ses admirateurs pour reprendre la route vers Alger non sans avoir donné rendez-vous pour une autre prochaine rencontre dans la cité des Hammadites. Des associations estudiantines ont déjà pris rendez-vous avec le Fumeur de thé. Khaled Zirem à la fin de la rencontre n'a pas manqué de souligner la réussite de ce café littéraire avec Hakim Laâlam : «La rencontre s'est globalement bien passée dans une ambiance bon enfant. Hakim Laâlam a fait une bonne prestation. Avec une capacité de presque 400 places, la salle était pratiquement pleine. On a dû arrêter les débats tellement beaucoup de monde voulait encore intervenir. Tout ce monde à la vente-dédicace après le débat témoigne aussi de l'intérêt et l'engouement de la population pour ce genre d'événement», a souligné le sympathique Khaled Zirem , animateur très actif du café littéraire et habile modérateur de la rencontre avec le Fumeur de thé.