La dernière sortie de Saïd Sadi date du 5 octobre dernier à l'occasion de l'université d'été des jeunes du RCD à Yakouren alors qu'il s'était éclipsé de la scène politique depuis son retrait de la présidence de son parti — le RCD — en mars 2012. Qu'avec cette nouvelle sortie, Sadi se prépare ou non à un retour pour une éventuelle candidature nous importe peu. Le contenu de sa contribution, sa vision très claire des non-dits et le décryptage des mots ronflants sur ces relations nous paraissent intéressants et ô combien d'actualité. «La limite des maquillages» est le titre que Saïd Sadi a donné à une contribution exclusive au quotidien Liberté d'hier (dimanche 15 décembre 2013). Centrée sur la relation France-Afrique, Sadi saisit l'occasion de la visite en grande pompe du Premier ministre français, Jean-Marc Ayrault, en Algérie et le sommet France-Afrique qui l'a précédé — pour aller au-delà des déclarations et inscrire cette analyse dans un double contexte le rapport aux anciennes colonies d'une part et le rapport économie-pouvoir en place en Afrique et plus particulièrement en Algérie. Deux faits marquant l'actualité — le Sommet France-Afrique et l'arrivée de Ayrault en Algérie — servent à Sadi de cas d'analyse de cette relation franco-africaine. D'entrée de jeu, il assène : «Un sommet France-Afrique au 21e siècle est d'abord une incongruité.» Il fallait que quelqu'un le dise, c'est fait ! Et pour Sadi, la tenue de ce sommet est non seulement une aberration mais elle procède «d'un reliquat de l'ère coloniale où une nation convoque 50 autres avec comme finalité la protection non pas des populations mais de positions acquises sur l'uranium ici, les métaux précieux, là-bas, le bois ou le pétrole, ailleurs». Pendant ce temps-là, regrette Sadi, ces sommets sont malheureusement appréciés par certains Algériens comme une ingérence lorsqu'ils sont convoqués par la droite et comme «une assistance» lorsqu'ils sont le fait d'un pouvoir de gauche. Rien ne justifie, selon lui, cette appréciation dans la mesure où gauche et droite sont mues par le même objectif, participer à l'agape. L'arrivée à Alger du Premier ministre n'a pas d'autres finalités. Sadi s'interroge et suggère dans son questionnement la réponse. Est-ce un hasard de calendrier qu'Ayrault arrive avec sa suite d'opérateurs pour négocier à «un mois de la convocation du corps électoral pour une présidentielle ubuesque sur laquelle les silences extérieurs, perçus comme autant de complicités, sont toujours appréciés et attendus à Alger» ? En 2012, Hollande en visite à Alger a joué au «funambule» faisant fi de la répression exercée sur les citoyens ; des atteintes de tous genres faisant d'Alger une ville en état d'urgence. Tout cela lui importait peu et il n'avait pas à s'encombrer de «subtilités». Si, par ailleurs, il est de «bonne guerre» que la France tente concrètement de garantir et préserver son positionnement de premier partenaire commercial, menacé par la Chine, elle trouve malheureusement un boulevard pour le faire, l'Algérie offrant un état avancé de délabrement. Mais, tonne Sadi : «Peut-on, doit-on, pour autant, s'autoriser à investir le marasme comme matrice de coopération au point de l'entretenir, l'amplifier et le pérenniser» ? Sadi sait, dit-il, que Ayrault rencontrera à Alger «le gouvernement le plus corrompu que l'Algérie ait eu à endurer depuis 1962, les Algériens peuvent comprendre qu'une puissance veuille tirer le meilleur profit d'un pouvoir décadent» mais de grâce, suggère-t-il à nos visiteurs d'aujourd'hui, «il serait souhaitable pour l'avenir des relations algéro-françaises, qui restent à inventer, que (le) message ne renforce pas l'arrière-goût laissé par celui de François Hollande qui avait été jusqu'à suggérer de réhabiliter Messali» et de pousser l'argument : «Imagine-t-on un dirigeant algérien en visite officielle à Paris expliquant au peuple de France qu'à tout prendre, Pétain mériterait de surclasser de Gaulle ?» Et de terminer sa contribution par cette chute-avertissement des plus cinglantes mais des plus optimistes, même s'il considère que la situation dans le pays est des plus explosives : «... Ripaillez autant que le permet notre déchéance, M. Ayrault, nous nous en prendrons d'abord à nous-mêmes ; mais ne souillez pas trop la table. Support d'agapes, une table propre peut toujours servir à réunir les énergies et les intelligences pour appréhender l'avenir.» Sans parier sur le retour de Saïd Sadi pour se porter candidat, il est indéniable que son retrait de la présidence du RCD ne lui a en rien diminué de sa capacité d'analyse.