La violence verbale est une agression insidieuse, le plus souvent d'ordre moral, mais qui peut occasionner d'énormes souffrances chez ceux et celles qui en sont victimes. Djamila, 43 ans, mère de famille, enseignante Aujourd'hui, le langage grossier concernerait une grande partie des enfants et adolescents scolarisés. Plusieurs élèves de notre collège et même certaines collègues sont victimes de ces incivillités au sein même de l'établissement. On ne peut pas avoir de chiffres exacts, faute d'enquête sur ce fléau, qui va crescendo et évolue dangereusement en milieu scolaire. D'autre part, ces comportements ont été banalisés et ne sont trop souvent pas pris au sérieux. Même les chiffres communiqués par la direction de l'éducation ne reflètent aucunement la réalité sur le terrain. Le passage à l'acte verbal grossier au cours des discussions en groupe devient de plus en plus fréquent et parfois même en présence des professeurs. A mon avis, les élèves d'aujourd'hui mélangent trop les choses, à un point qu'ils ne font plus la différence entre les relations entre copains de classe et enseignants. En classe, nombreux sont les élèves qui prononcent des gros mots sans même s'en rendre compte, mais quand il s'agit de jeunes filles, je trouve cela indécent, voire choquant. Décidément, le langage grossier s'impose dans le quotidien de la famille de l'éducation, et malheureusement, on assiste impuissants à cette triste réalité. Donc, je trouve qu'il est temps de se pencher sérieusement sur ce fléau qui frappe de plein fouet notre société, plus particulièrement l'école. Kamel, 52 ans, professeur de langue arabe au lycée à Guelma Personnellement, je considère que ce phénomène est dû en grande partie au niveau d'instruction, concernant notamment la maîtrise des langues chez les élèves, qui a considérablement baissé ces derniers temps. De plus, certains règlements édictés par la tutelle mettent l'élève de plus en plus dans une position confortable en classe, mais cela complique davantage la situation pour les enseignants, ces derniers ne sont plus en mesure de maîtriser la classe. Je me rappelle à notre époque, on n'avait même pas le droit de parler en arabe pendant les cours de français. Aujourd'hui, on entend en classe des grossièretés, des fois, on fait comme si de rien n'était pour ne pas perturber le cours. La violence verbale est devenue un mode d'expression en toute impunité et parfois avec l'encouragement des parents. Par conviction personnelle, je pense que la cause de ces dérives pourrait être le langage utilisé à la maison. Un jour, un de mes élèves m'a fait une révélation fracassante, en m'annonçant qu'il a appris certains gros mots à la maison. Je trouve cela dramatique. Mouloud, 15 ans J'étais arrivé dans mon nouveau collège, après avoir changé de résidence, quelques jours après la rentrée scolaire. Je rentrai alors pour la première fois en classe, et tout de suite, j'ai eu une mauvaise idée de l'ambiance qui y règnait. Un élève installé au fond, et qui, apparemment, n'avait plus l'âge d'un collégien, et souffrant probablement d'un retard scolaire très important, très vite, m'a donné l'impression qu'il dirigeait tout l'établissement scolaire d'une main de maître et en toute impunité. En tant qu'élève présentant un écart d'âge relativement élevé, il a tout de suite deviné que je voyais cela d'un mauvais œil. Deux jours plus tard, les choses se compliquent. En plein cours, et il me demanda d'une façon irrespectueuse de lui ramasser son stylo, tombé par terre, j'avais refusé fermement. Alors, il a commencé à m'insulter, à haute voix devant le regard impuissant du prof. Le lendemain, ce n'était plus lui, mais c'était bel et bien de ses copains dont je recevais des violences psychologiques et des représailles. Ces derniers se sont adonné à un jeu de violence verbale sournoise, entre moquerie, ironie et critique. Ils ont tenté de monter tout l'établissement scolaire contre moi, en inventant de fausses rumeurs à mon sujet. Mais ce qui me tracasse, c'est qu'à chaque fois que je ramène mes parents, le directeur banalise le problème, en minimisant les faits. Mais je tiens à rendre hommage à mes enseignants qui sont en train de faire des efforts considérables pour m'aider à surmonter cette situation, ce qui m'a permis d'espérer que les choses vont rentrer dans l'ordre. Hayet, 18 ans, lycéenne A force d'être traitée d'idiote et de salope de la part de mes copines de classe, j'ai fini par y croire vraiment. Cela a failli me coûter la vie, puisque j'ai vécu une grande période de traversée du désert pendant laquelle je ne mangeais pas, je dormais difficilement. J'ai consulté plusieurs médecins pour des détresses respiratoires, et à chaque fois, on me parle de dystonie neurovégétative, appelée communément DNV, une crise d'hystérie qui s'observe selon eux chez la jeune fille, qui présente un profil psychologique un peu particulier. Une psychologue clinicienne m'a conseillé de changer carrément d'établissement scolaire. Cela m'a beaucoup aidé, puisqu'en fréquentant un milieu différent, j'ai l'impression que j'ai commencé à voir le bout du tunnel. Sincèrement, je ne veux plus que ça arrive aux autres, car je suis convaincue que personne ne mérite de vivre ce calvaire et en plus gratuitement. Je lance un appel à tous les responsables du secteur de l'éducation, afin de prendre au sérieux ce fléau qui peut briser des vies. Enfin, je dirai qu'il ne faut pas se taire quand ça se passe sous nos yeux, car on peut tous être victimes d'une violence verbale.